Skip to main content

Full text of "Catéchisme du sens commun et de la philosophie catholique"

See other formats


Google 



This is a digital copy of a book that was preserved for generations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 

to make the world's books discoverable online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 

to copyright or whose legal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 

are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. 

Marks, notations and other maiginalia present in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journey from the 

publisher to a library and finally to you. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing tliis resource, we liave taken steps to 
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying. 
We also ask that you: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use these files for 
personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain fivm automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's system: If you are conducting research on machine 
translation, optical character recognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for these purposes and may be able to help. 

+ Maintain attributionTht GoogXt "watermark" you see on each file is essential for in forming people about this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it legal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is legal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any specific use of 
any specific book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web 

at |http: //books .google .com/I 



Google 



A propos de ce livre 

Ccci est unc copic num^rique d'un ouvrage conserve depuis des generations dans les rayonnages d'unc bibliothi^uc avant d'fitrc numdrisd avoc 

pr&aution par Google dans le cadre d'un projet visant ii permettre aux intemautes de d&ouvrir I'ensemble du patrimoine littdraire mondial en 

ligne. 

Ce livre etant relativement ancien, il n'est plus protege par la loi sur les droits d'auteur et appartient ii present au domaine public. L' expression 

"appartenir au domaine public" signifle que le livre en question n'a jamais ^t^ soumis aux droits d'auteur ou que ses droits l^gaux sont arrivds & 

expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombc dans le domaine public peuvent varier d'un pays ii I'autre. Les livres libres de droit sont 

autant de liens avec le pass^. lis sont les t^moins de la richcssc dc notrc histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine ct sont 

trop souvent difRcilement accessibles au public. 

Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte pr^sentes dans le volume original sont reprises dans ce flchier, comme un souvenir 

du long chemin parcouru par I'ouvrage depuis la maison d'Mition en passant par la bibliothi^ue pour finalement se retrouver entre vos mains. 

Consignes d 'utilisation 

Google est fler de travailler en parienariat avec des biblioth&jues a la num^risaiion des ouvragcs apparienani au domaine public ci de les rendrc 
ainsi accessibles h tous. Ces livres sont en effet la propriety de tons et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
D s'agit toutefois d'un projet coflteux. Par cons6juent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources in^puisables, nous avons pris les 
dispositions n&essaires afin de pr^venir les ^ventuels abus auxquels pourraient se livrcr des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requfites automatisdes. 
Nous vous demandons ^galement de: 

+ Ne pas utiliser lesfichiers & des fins commerciales Nous avons congu le programme Google Recherche de Livres ^ I'usage des particuliers. 
Nous vous demandons done d'utiliser uniquement ces flchiers ^ des fins personnelles. lis ne sauraient en effet Stre employes dans un 
quelconque but commercial. 

+ Ne pas proc^der & des requites automatisees N'envoyez aucune requite automatisfe quelle qu'elle soit au syst^me Google. Si vous effectuez 
des recherches concemant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractferes ou tout autre domaine n&essitant de disposer 
d'importantes quantit^s de texte, n'h^sitez pas ^ nous contacter. Nous encourageons pour la realisation de ce type de travaux I'utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serious heureux de vous etre utile. 

+ Ne pas supprimerV attribution Le flligrane Google contenu dans chaque flchier est indispensable pour informer les intemautes de notre projet 
et leur permettre d'accMer h davantage de documents par I'intermediaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 

+ Rester dans la Ugaliti Quelle que soit I'utilisation que vous comptez faire des flchiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilitd de 
veiller h respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public americain, n'en d^duisez pas pour autant qu'il en va de m£me dans 
les autres pays. La dur^e legale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays ^ I'autre. Nous ne sommes done pas en mesure de rdpertorier 
les ouvrages dont I'utilisation est autorisee et ceux dont elle ne Test pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afflcher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifle que celui-ci pent etre utilise de quelque fa§on que ce soit dans le monde entier. La condamnation h laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur pcut £tre s6vtre. 

A propos du service Google Recherche de Livres 

En favorisant la recherche et Facets ^ un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le frangais, Google souhaite 
contribuer h promouvoir la diversite culturelle gr§ce ^ Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux intemautes de decouvrir le patrimoine litteraire mondial, tout en aidant les auteurs et les editeurs ^ eiargir leur public. Vous pouvez effectuer 
des recherches en ligne dans le texte integral de cet ouvrage h I'adresse fhttp: //books .google . coinl 



^- r 



... 



; 






I 



3X 



(BiiVlliBIQSSmi 



DV 



SENS COMMUN 



KT D£ LA 





Provins,' Imprimeric LE IIERlCIft;. 



ur 



mi^mmM 



D0 



SENS COMMUN 



ET DS LA 



PHILQSOPHIE GATHOLmUE 



Par I'Ablie ROHRBAGHER. ?^..."r>'^ 






QUATRIEME EDITION 

Gorrig^e et compl^tde sur ("^don de Micni. 



-^>«i*4?«4*— 



PARIS ^^^^ 

GAUME FRMES, UBBAIRES, 
KCS Cassitti, I* 4. 

1854. 



V , 



.« « 






I ">. 



r 

I 








1PREFACE m LA IV EDITION. 



En 1822, nous commeucames le Calcchismc du 
Sens CommuYiy pour nous instruire nous-meme 
et nous prouver de la maniere la plus claire , que 
U regie de la foi caiholique , de lenir pour cer- 
tain ce qui a ete cru en lous lieux , en lous temps 
et par tons , est vraiment catholique ou univer* 
selle, et s'applique non-seulement a la religion , 
raais encore a toutes Ics connaissances humaines. 
Dans ceite vue, nous en fimes d'abord une edition 
privee, tiree 4 un petit nombre d'exemplaires . 
pour consulter plus facilement les personnes 
capables de nous donner de bons conseils. De cc 
nombre fut un estimable magistrat, M. Adam. 
, procureur imperial i Luneville, puis conseiller 
a la cour royale de Nancy, homme intelligent et 



VI 

chriticn c^uragcux, qui communiqua Ic petit 
^erit aux membres les plus capables de sa com- 
pagnie , sans faire connaitre Tauteur. Ce qui nous 
Y fit mettre la d^niere main et nous d6cida mftme 
^ le publier, ce fut une lettre 6crite, le 7 mai 
1825, ft M. F. de Lamennais, par MgrFlaget, 
Evfeque de Bardstown (Etats-Unis d'Am6rique). 
Bans cette lettre, qui nous a ^t^communiquee, 
le v6n6rable lEvfique-Missionnaire , apres avoir 
fait r^loge le plus complet de YEssai sur Vindif- 
ference, t^moignait un grand d6sir d'en voir la 
doctrine divelopp^e par demandes et par r^ponses, 
«n forme de catechisme. Le Catechisms du Sens 
eommun eui deux Editions en France. En 1826, 
il fut traduit en italien et insert, avecbeaucoup 
d'doges, dans les Memoires de Modene. 

Cependant VAmico d'ltalia , recueil periodiquc 
qui se publiait k Turin, observa que ce qu*on y 
disait sur Aristote etait fort incomplet, et par 
\k mSme inexact. En France , d'autres personnel 
y trouverent d'autres d^fauts ;^ du nombre de c©« 
personnes fut Tauteur lui-mSme. C'etait vers Tan 
1829. Comme nous lisions les ceuvres d* Aristote 
dans le texte original, pour appr6cier catholique- 
mcnt la doctrine de ce philosophe dans VHistoire 
universelle de I'Eglise Catholique, nous y remar- 



YII 

^uines avec admiration, sur la regie du raisonne- 
ment, sur le syllogisme, sur la foi comme fonde- 
ment de la science , sur le doute m^thodique ou 
scientiOque, des propositions fondaraentales, dont 
les philosophies modernes ne parlent presque 
jamais , que pour supposer h Aristote le contraire 
de ce qu'il dit. Aussi lorsque, dans les commen- 
cements de 1842 , M. Tabb^ Migne nous demanda 
de r^imprimer dans sa collection de cattichismes 
celui du Sens Commun , nous d^clarames qu'on ne 
le pouvait sans y faire des modiGcations et des 
additions consid(^rables. Ces modiGcations et ces 
additions, qui se rapportent principalement a 
Aristote, nous les r^digeames nous-mfime. 

Depuis cette 6poque, nous avons fait une autre 
decouverte non moins inattendue. En 1847, nous 
crimes devoir lire de suite toutes les oeuvres de 
Descartes, pour savoir au juste ce qu'il dit et 
comment il Te ntend , aGn de pouvoir en parler 
iquitablement dans le tome 25 de Vllistoire dt 
rEglise. Or nous avons reconnu avec une nou- 
velle surprise que les modernes philosophies ne 
connaissent pas mieux Descartes qu*elles ne con- 
naissent Aristote. Nous avons reconnu que les 
Cart6siens attribuent i Descartes leurs id6es et 
non pas leg siennes, ou qu'ils en donnent den 



VIII 

explications contraires k rexplication qu'il a 
donn^e iui-m^me. Enfin, nous avons reconnu avec 
grande satisfaction que, quant aux premiers priii- 
cipes de la raison humaine , Descartes est d'ac- 
cord avec Aristote et avec tout le monde, et qu'il 
n'y a plus de quoi se disputer. C'est ce qu'on 
pourra voir dans la nouvelle Edition de cet opus- 
eule. 



r-r 



■ ■ SEIS COHHOH 

BT D8 LA PHILOSOPIIIE CATHOLIQll. 



PREMliiRE PARTIE. 

Dtt Sem Commun comme fondement et 
rkgle de certitude. 

GHAPITRS Z. 

D. Etes-vous raisonnable ? 

R. Quant k ma nature d'homme , oui ; quant a ma 
Jibre volonl6, j'y t^che. 

D. En ce dernier sens, qui est-ce que les hommes 
tiennent pour raisonnable? 

R. Celui qui suit le sens commun dans ses jugements 
et sa conduite. 

D. Et qui est-ce que les hommes tiennent pour 
fou? 

R. Quiconque ne suit pas le sens commun dans 
ses jugements el sa conduite. 

D. A quelle regie faut-il done conformer sa mani^rc 
de penser et d'agir, afin d'etre tenu pour raisonnable 
par les hommes ? 

R. A la r^gle du sens commun. 

D. Si on ne conformait pas sa maniere de penser 
et d^agir h la regie du sens commun , comment 
serait-on regard^ des hommes? 

R. On serait regards comme fou. 



1 CATECHISMC 



CHAPITRS XX. 

D. Qu'est-ce que le sens commun? 

R. G'est le sens ou sentiment commun soit h tous 
les homines, soit au plus grand nombre, soit&lapartie 
la plus intelligente. 

D. Le sens ou sentiment commun k tousles hommes, 
h quoi le restreint-on g^n^ralement dans le langage 
ordinaire? 

R. G^n^ralement , on le restreint k Fensemble des 
premiers principes de la raison naturelle et de ienrs 
principales consequences. 

D. Pourquoi I'appelle-t-on sens commun? 

R. Pour le distinguer du sens priv^, qui n*est pa5 
toujours le bon sens. 

I). Comment Tappelle-t-on encore? 

R. On Tappelle encore raison g6n6rale ou univer- 
selle, pour le distinguer de la raison individuelle, qmi 
n'est pas toujours la raison. 

D. Qu'est-ce que les hommes cntendent g6nerale- 
ment par la raison ou le bon sens ? 

R. Le sens commun. 



GHAPrrRS xxt. 



D. Mais qu'est-ce que les plus savants en cette 
mati^re entendent au juste par premiers principes de 
la raison naturelle? 

JR. (( II y a demonstration y dit Aristote, lorsqiie le 



DU SENS GOMHUN. 11 

syllogisme ou le raisoonementprocMe de propositions 
vraies el premieres, ou bien de propositions 6man^es 
de celles-ci : sont vraies et premieres celles qui ob- 
tiennent cr^ance, qui persuadent par elles-m6mes et 
non par d'autres. Gar, dans les principes scientifiques, 
il ne faut pas chercber le pourquoi ; mais chacua des 
principes doit etre cru, doit etre de foi par lui m^me ! 
(1 Top, 1.) 

D. Quelle consequence Aristote tire-t-il de I&? 

R. Aristote tire de U cette consequence , « que 
c'est une n^cessit^ de croire aux principes et aux 
premisses plusqu'^Iacondusionl » {Analyt, post, 1. 1. 
c. 2. sub fin,) 

' D. Aristote donne-t-il quelqnes exemples de ces 
premiers principes d'une demonstration scientiflque? 

R. « J'appelle principes d^monstratifs, dit-ii en- 
eore^ les opinions communes par lesquelles tous les 
kommes di^montrent ; par exemple : II n'y a pas de 
milieu entre le oui et le noR« il est impossible qu'une 
cbose soit tout k la fois et ne soit pas, et autres pro- 
positions semblables 7 » {Metaph. 1. 2. c. 2.) 

D. Que remarquez-vous dans ces paroles d' Aris- 
tote? 

R. J'y remarque entre autres choses celles-ci : 11 
est loin d'opposer la raison et la science k la foi ; it 
fonde la raison et la science sur la foi, sur la foi et 
la croyaoce des premiers principes. 

D. Aristote a-t-il formellement reconnu les conse- 
quences que vous tirez de ses paroles , que la science 
n'exclut pas la foi, mais la suppose au contraire? 

R. Gela est teliement vrai» qu' Aristote dit dansun 
passage : « Quiconque croit et connalt les principes. 



i t CATECniSMK 

celui-lii sait.» {Demorib. ad Nicomach., 1. 6., c. 3.) 
Et aillears il approuve qui d^finirait la science a une 
conception tres-digne de foi. n {Tojp., 1. 5, c. 2.) 



GHAPITRS IV. 

D. Mais le savant le plus renomm^ parmi les mo^ 
dernes en matifere de philosophie, Ren6 Descartes, 
pense-t-il comme Aristote sur les premiers principes 
de la raison naturelle ? 

B. Sur les premiers principes de la raison naturelle, 
Descartes pense comme Aristote. 

D. Sur quel fondement Descartes pense-t-il que' 
toute la certitude humaine peut ^tre appuy^e ? 

R. (( Aussitdt que nous pensons concevoirclairement 
quelque v^rit^, dit-il, nous sommes naturellement por- 
t6s k la croire. Et si cette croyance est si ferme que 
nous ne puissions jamais avoir aucune raison de douter 
de ce que nous croyons de lasorte, il n'y a rien k cher- 
cherdavantage; nous avons touchantcela toute la cer- 
titude qui se peut raisonnablement souhaiter. » ( Ri- 
ponses aux secondes objections. ) 

D. Donne-t-il, comme Aristote, quelques eiemples 
de ces v6rit6s premiferes ? 

R. Oui. « Or, dit-11, enlrecescliosesily en a desi 
claires et en m^me temps de si simples, qu*il nous est 
impossible de penser k elles que nous ne les croyioos 
vraies ; par exemple, que j*existe lorsque je pense, 
que les cboses qui ont une fois^t^ faites ne peuvent 
n'avoir point 6t6 faites, et autres cboses semblables, 
dont il est maaifeste que nous avons une parfaite cer^ 



DU SENS COMHUN. ITf 

titude. » ( Ibid. ) 

D. Descartes ne fait-il pas quelque part une ^nunu^- 
ration de ces premiers principes ? 

R. De ces premiers principes, qu'il nomme aussi 
axiomes, maximes, notions communes, Descartes en 
^num^re dix, desquels il conclut Texistence de Dieu et 
rimmat^rialit^ de T&me humaine. (Ibid. Axiomes on 
notions communes, ) 

D. Comment Descartes prouve-t-il la clart^ de ses 
Principes de Philosophie? 

R. « Premi^rement, dit-il, par la facon dont je les ai 
trouv^s, k savoir en rejetant toutes les choses aux- 
quellesjepouvais rencontrer la moindre occasion dc 
donter. — L'autre raison qui prouve la clarl6 de ces 
principes, est qu'ils ont ^t^ connus de tout temps, et 
m^ne re<;us pour vrais et indubitables par tous les 
hommes? ); {Les Principes de la Philosophie, Preface. ) 



GHAPXTIUB V. 

D. Qu'est-ce que vous remarquez de particulier dans 
tet accord de Descartes avec Aristote sur les premiers 
principes ? 

R. Cequ'ilya particulierement de remarquable, 
c'est que ni Descartes ni Aristote n'opposent la raison, 
la science, I'^vidence k la foi» mais unissent les deux 
choses. 

D. Lequel des deux philosophcs vous parait le plus 
ayanc^6 sur ces matieres 7 

R. Le philosophe chr^tieo, lequei distingue denn 
sdrtes de lumieres qui peuvent nous porter h croire. 



'^^^^^ " I . ■ . ^ ^ - ^^ ^ ^ _ ' ^ ^ 



14 GATl^GHlSME 

D. Quelles sont k cet^gard les paroles de Descartes ? 

R. « II faut remarquer, dit-il, que la clart6our6vi- 
dence par laquelle notre volenti peut 6tre excitte a 
croire, est de deux sortes ; Tune qui part de la lumi^re 
■aturelle, et Tautre qui vicnt de la grftce ditine. — Cc 
qui est plus assure, ajoute-t-il, que toute notre lu« 
mi^re naturelle et souvent ro^me plus Evident kcaase 
de la lumiere de la grcLce. » ( Beponses ]aux secondes 
^hjectionsy p. 116, col. 2; Edition Aim6 Martin, in k*-) 

D. Quelles conclusions Descartes tire-t-il de Ik ? 

R. « Surtout, concjut^il, nous tiendrons pour r^glt 
infaiilible que ce que Dieu a r^v616 est incomparable-^ 
ment plus certain que tout le reste, afin que si quel- 
que ^tincelle de raison semblait nous sugg^rer quelque 
ebose au contraire< nous soyons toujours pr^ts k sou- 
mettre noire jugement ice qui vient desapart.» {Lts 
Principes de la Philosophies !'• partie, art. 76. ) 

D. Quelle application Descartes sefait-il k lui-m#m<i 
de cette rfegle ? 

R. « Toutefois, dit-il k la fin de ses Principes de 
la Philosophic ^ it cause que je ne veux pas me fiertrop 
k moi-m6me, je n'assure ici aucune chose et je son- 
nets toutes mes opinions au jugement des plus sages 
•C k Tautorit^ de TEglise. Mtoe je prie le« lectcurs d« 
a'ajouter point du tout de foi k tout ce qu'ils trouv«- 
rontici ^crit, mais seulement de Texaminer, et de n« 
rien recevoir que ce que la force et I'^vidence d« la 
raison les pourra contraindre de croire. » 



r~ 



■^ •>.- -v.-. 



tie SE!i(S GOMMt?r. 15 



CHAPXTRE VX. 

D. D'aprfes ce que nous arons vu, les premiers 
principes sont communs k tous ies bommes : mais 
peut-on interroger la g^n^ralit^ des bommes, autre- 
nent le genre humain ? 

R. Oui,.on le peut. 

D. Etde quelle maniere? 

R. De la m^me maniere que vous m'iaterrogex 
dans ce moment. 

D. Expliquez-vous. 

R. Quand vous intenoges nn individu quelconque , 
vous vous adressez, non point k son talon, mais k la 
t4te. 

D. Eh bien ? 

R. Eh bien, vous n'avez qu'^ fairs de m^me peir 
<et individu collectif, qu'on appelle genre humaii. 



CfiAPXTRS VXt. 

« 

6. Mais comment trouver la tdte du genre hunaiii, 
la partie la plus intelligente? 

R. Gomme on trouve la tSte d*un individu qiiri- 
conque, par un simple coup d'oeih 

D. Par un simple coup d'ceil ? 

R. Oui, par un simple coup d'oeil sur la g(^ograpliic 
intellectuelle du genre humain. 

D. Par exemple? 

R. Par exemple : il y a quatre on cinq partiti in 



•V 



(6 CATECBISME 

mondc, TEurope, I'Asie, TAfrique, rAm6rique et 
rOc^anie: comme il y a quatre ou cinq parlies princi- 
pales dans le corps hutnain. 

D. Etapr^s? 

R. Or sous le rapport de Tintelligence, surtout de 
rintelligence religieuse et morale, qui importele plus, 
rOc^anie est au-dessous de z6ro, I'Afrique nulle, 
TAsie morte ; il ne nous vienl plus d'aulre lumiere de 
rOrient que la lumiere du Soleil : il n'y a de vie intel- 
lectuelle qu'en Europe et en Am6rique, c'est-k-dire 
dans rhumanit^ chr^tienne. 

D. Et de Ik que conclure? 

R. L'humanit6 chr^tienne, ou la chri5tient6, voilii 
doac la t^te, la partie intelligente du genre humaia. 

D. Est-ce tout ? 

R. Or la clir6lient6 est constitute visiblement une 
dans TEglise catholique, qui s*explique par son chef, 
eomme Tindividu par sa bouche. Si done vous avez ^ 
faire au' genre humain une demande qui vaille la 
peine, vous n'avez qu*k vous adresser Ik. 



CHAPITBfi VIXI. 

D. Eb bien, ma premiere question sera: D'aprei 
I'Eglise catholique elle-mtoe, qu' est-ce qu'elle est? 

R. D'abord ce qu'elle n'a pas besoin de dire, 
puisque cela est manifeste. Elle est la partie intelli- 
gente, la t^te du genre humain. 

D. Que suit-il de Ik ? 

R. Qu*il faut Ten croire sur tout ce qu'elle dit , •« 



DU SENS COMIICN. i7 

bien renoncer h la raison humaine. 

D. Comment cela? 

R. La raison humaine est la raison, non pas de (el 
homme^ ni m^me de telle nation prise k part, mais la 
raison commune de rhumanit6 enti^re : or TEglise 
catholique est visiblement la partie intelligente de 
cette humanity : done il faut en croire TEglise catbo- 
iique ou renoncer k la raisoa humaine. 

D. Mais ne peut-on pas Ten croire sur un point, et 
ne pas Ten croire sur un autre ? 

R. Non ; car refuser dans un senl cas d*en croire 
la partie la plus intelligente du genre humain pour 
en suivre une qui Test moins, c'est renier en ce cas 
la raison humaine pour suivre autre chose qu'elle. 

D. Mais TEglise catholique, d'apres elle-m^me, 
n'est-elle pas quelque chose de plus que la partie in- 
telligente du genre humain? 

R. EUe est encore et surtout une soci^t^ divine- 
ment institute et divinement assistee pour conserver 
et enseigner sans erreur toutes les v^rit^s religieu^eo, 
tant dans Tordre naturel que dans Tordre surnatureL 



GHAPITRS IZ. 

D. Qu'est-ce que Fordre? 

R. L'ordre est le juste rapport entre la fin et les 
moyens. 

D. Qu'est-ce que Tordre nature! ? 

B. C*est Tordre ou la fin est naturelle> essentielle, 
proportionn^e k la creature, et les moyens propor- 
tionn^s h cette fin. 



A'd eiTBCOISMB 

D. Qu'est-oe que Tordre surnaturel t 

R. C'est Tordre ou la fin est surnaturelte, surajout^e 
^ la creature, aussi bien qtie les moyens gour arriver 
k'cettefin. : . 

' D. 'Qu'«st-ce que Fhomme? . * 

R. L'homme est une intelligence incarn^e. . 

B. Qu'est-ce que Fordre naturel pour Fhonmie? 

B. C'est Fordre oil Fhomme est cr66 pour une fin 
elavecrdes moyens proportionnSs k sa nature, et 
sans lesquels (in et moyens Dieu n'aurait pu cr^er 
l^hdmnie. 

D. Qu'est-ce que Fordre surnatiirel pour Fhonnnc? 

R. C*'est Fordre oil Fhomme 6st cr66 pour une fin 
«t avec des moyens au-(tessus de sa nature, que Dieu 
surajeute par une bont^ toute gratuite, et sans les- 
quels fm et moyens il aurait pu cr^er Fhomme. 

D. Quelle est la fm naturellede Fhomme? 

R. L'homme, intelligence incarn^e, esprit ihcar- 
pDr6, a pour fm naturelte de connaitre Died comnle 
auteur de la nature, k travers les oeuvres delacr^a* 
tion, 'de le servir suivant ses moyens naturels, pour 
Hi6riter un bonheur proportionn6 h ces moyens et k 
eette fin. 

D. Quelle est la fin nurnaturelle de Fhomme ? 

R. C'est la fin k laquelle Dieu d^ve Fhomme par 
sa pure bonte, et qui est de connaitre, devoirDieh^ 
non-seulement tel qu*il se manifeste k travers sei 
(Buvres, mais tel qu'il est en lui-m6me, tel que lui* 
m^me il se voit. * * 

D. De combien cette fin est-elle au-dessds rde 
Fhomme? . - ' 

B. De toule la distance qu'il y a de FbotomeiiDiew, 



BU SENS COMMCX. i9 

c'est-k-dire d'une distance infioie. 

D. Comment s*appelle, dans le langage Chretien, 
cette fin snrnaturelle de Thomme et le moyen ^gale^ 
ment snmaturel d'y parvenir? 

R. Cette fin s'appello la gloirc, le moyen s'appellc 
la gr^ce. 



D. D'apr^s cela qu'est-ce que la r^v^Iation ? 

R. La r^v^lation par excellence, la revelation pro- 
prement dite, c'est la manifestation de cet ordre sur- 
aatarel de la gr&ce et de la gloire. 

D. D'apres cela encore, qifcst-ce que la foi? 

R. La foi par excellence, la foi divine et surnatu- 
relle, c*est Tadh^sion libra et volontaire, et par Ik 
m^ritoire, k cette rdv^ation surnalurelle et divine, et 
cela, moyennant la gr^ce de Dicu qui d^ve Tintelli- 
gence et la volenti au-dessus de la nature. 

D. Que serait alors la raison naturelle , par dis- 
tinctipn d*avec la foi surnaturelie? 

R. La raison naturelle ou simplement la raison 
est la connnissance des principales v^rit^s da Fordre 
naturel, connaissance fondle elle-m6me sur la foi 
naturelle et n^cessaire h de premiers principes. 

D. Comment alors d^finiriez-TOus la philosopbie, 
distingu^e d'avec la th^ologie? 

R. La phflosophre est la science des v6rit6s gene- 
rates dans Fordre naturel, tandis que la theologieest 
la science des verites religieuses, tant dans Fordre 
nature] que dans Fordre snmaturel, mais principal^" 



20 GATEGHISME 

ment dans cc dernier. 

D. Quelle dilKrence mettez-vous enlre la science 
proprement dite et la simple connaissance? 

R. La science est une connaissance raisonn^e, une 
connaissance par les principea et les causes. 



GHAPZTRE XZ. 

D. La gr^ce d6truit-elle la nature? 

R. La gr^ce ne d^lruit pas la nature k laquelle die 
est divinement surajout6e ; au contraire, elle la sup- 
pose, Tel^ve et la perfectionne. 

D. En est-il de m6me de la foi et de la raison? 

S» II en est de m^me de la foi et de la raison. La 
foi surnaturelle ne d^truit point la raison naturelle k 
laquelle elle est divinement surajout^e; au contrAire 
elle la suppose, Tdeve et la perfectionne, en lui of- 
frant un ensemble infini de v6rit6s plus hautes avec 
une regie sure pour ne point s'^garer. 

D. En direz-vous autant de la philosophic et de la 
th^ologie? 

R. Oui, je dis de m^me : la th^ologie ne d^truit 
point la philosophic ; au contraire elle la suppose et la 
perfectionne, en lui donnant une r^gle sure pour se 
lenir dans ses limites, et ne s'^garer ni au dehors ni 
au dedans. 

D. N'est-on pas plus libre dans la raison et dans 
la philosophic que dans la foi et dans la th^ologie? 

R. Dans la raison et dans la philosophic on n'est 
pas plus libre que dans la foi et dans la th^ologie ; au 
contraire on Test moins,' et je le prouverai en vous 
interrogeant 5 mon tour. 



SU SENS COUMUH. 21 



CHAPITRS ZII. 

D. Qu'est-ce qui vous engage, par exemple, k 
croire au sens commun ou h la raison humaine ? 

R. Deux motifs: Texemple de tons mes semblables 
el, par-dessus tout, la n^cessit^ de ma nature 
d'homme. 

D. Comment Fexemple de vos semblables vous 
engage-t-il k croire au sens commun ? 

R. En ce que les hommes fondent sur le sens 
commun leur langage, leur soci^t^ et leur justice. 

D. Comment le langage, la soci^t6 et la justice des 
hommes sont-ils fond^s sur le sens commun ? 

R. Par exemple : Les enfants appellent du pain du 
pain, un arbre un arbre; ils disent troisetun oudeux 
et deui; font quatre, ou plut6t sont appel^s quatre^ 
parce qu'ils entendent parler ainsi les personnes qui 
les environnent : et voik le langage. Les enfants en- 
core reconnaissent et honorent comme leurs p^res et 
m^res ceux que le sens commun leur appreod 6tre 
leurs p^res et m^res : et voilk la soci^t6. Les jnges, 
dans les tribunaux, forment leur sentence de Tavis 
du grand nombre d'entre eux; ils condamnent ou ab- 
solvent sur les dires communs des t^moins ; ils ap- 
pliquent la loi suivant Tinterpr^tation commune qu'on 
Ini donne : et voil^ la justice. 

D. Qu'arriverait-il si les enfants, si lee juges ne 
youlaient pas croire au sentiment commun? 

B. U en arriverait qu'il n*y aurait plus de langage 
possible, plus de famille, plus de pi^t6 filiate, plus 



22 CATEGMlSMfi 

d'autorit^ paternelle, plus de justice, pins de r^pras- 
sion des coupables, plus de sfiu^t^ pour les innocentSt 
plus de soci6t6 enfiiu 

D. Par quoi encore Fexemple deshommesvous en- 
gage-t-il k croire au sens commun ? 

R, Par ce que g6n6ralement tons les hommes re- 
gardent le sens commun comme la fin de toute 
controverse et le fondement de la plus grande certi* 
tude, enfin comme le bon sens et la raison m^me. 

D. Donnez-en un exemple. 

R. Par exemple, toutes les fois que deqx hommes 
dWis^s de sentiment s'accordenti Us se regardent na- 
tureliement comme plus certains que quand cbacun 
6tait seul de son avis. Et si un grand nombre de gens 
sages et habiles s'y r^uaisseut, leur certitude devient 
encore bien plus forte; enfin s'il se trouve que leur 
sentiment est celui des hommes de tons les temps et 
de tons les pays, alors leur certitude est & son comble; 
alors ils regardent leur sentiment comme le bon 
sens , comme la raison mdme. 



CBAFITBS XIII. 

D. Quel est le second motif qui vojcis engage ^ 
croire au sens commun? 

R. G'est la n^cessiti de ma nature d'homme, qui 
npo-seulement m'engage, mais me force d*y croire. 

D. Comment la n^cessit^ de votre nature d'bomm« 
vpns force~t-6lle de croire au sens commun T 

ft. Parce que si on ne croit pas an sens commun 
il o'y a plus de sotiiti, phis de justice^ plus de la&- ' 



BU SENS COHMVlf 23 

gage, plus de certitude, pins de raison. 

D. Eh bien, jusqae Ui, ^tes-YOus libre dans le da- 
maine de la raison ? 

B. Nod ; car, si je veux 6tre raisonnable, jene suls 
pas libre d'admettre ou de n'admettre pas le sens com- 
mun ou le fonds de la raison humaine. 

D. Mais-^tes vous libre de vouloir ou non 6tre 
raisonnable ? 

B. Je ne suis pas plus libre de vouloir ^tre raison- 
nable que de vouloir ^tre heureux. 

D. Etes-vous libre de croire ou non aux premiers 
principes de la raison bumaine, aux axiomes ; comme, 
Le tout est plus grand que sa parties 

B. Je ne suis pas plus libre d'y croire on de n'y 
croire pas que de vouloir ou ne vouloir pas €tre rai- 
sonnable. 

D. Etes-vous du moins libre de croire aux consi* 

(juences naturelles de ces premiers principes 7 
B. Je ne suis pas plus libre pour les consequences 

que pour les principes m^mes qui les renferment. 
D. En quoi done 6tes-vous libre jusque 1^ dans le 

domaine de la raison et de la philosophie 7 
B. Jusque Ik je ne vois pas que je sois libre en 

rien, du moins si je veox 4tre raisonnable en effet. 



GHAPiTRfi znr. 



D. Mais dans les sciences particuliferes est-il 6gale* 
ment n^cessaire de s*en rapporter au sens commun ? 

R. Oui, cela est ^galement nicessaire, car les 
sciences ne sont autie cbose qoe k risultat de Texp^* 



24 cATicmsMS 

rience gin^rale sur Tobjet particulier de chacune 
d*elles. 

D. Quels sent, dans chaque science^ les principes 
d'au Van doit partir ? 

B. Des fails simples ^bienvus^ bien avaues : en phy- 
sique, I'observation de Vunivers ; en giometrie, les 
propriMs principales de Vitendue; en micanique, 
VimpiniirabHiti des corps, Gette demande et cette 
r^ponse soot de d' Alembert. {EntycUpidie^ aru Ele- 
ments.) 

D. Mais les elements de g^om^trie ne reposent-ils 
point sur des demonstrations rigoureuses?> 

B. Non : les dements deg^ometrie, commeles ele- 
ments de toute autre science, ne reposent que sur 
Tautorite du sens commun. Et ce serait, dit d' Alem- 
bert, une entreprise chimMque de vouloir y chereher 
fine rigueur imaginaire. II faut y supposer Fitendue 
telle que tons les hommes la con^oivent^ sans se mettre 
en peine des difficultis des sophistes sur Vidie que 
nous nous en formons^ comme on suppose en nUcanique 
U mouvementy sans r^pondre aux objections de Zinon 
d'Elee. II faut supposer par abstraction les surfaces 
planes et Us lignesdroites, sans se mettre en peine d* en 
prauverV existence, {Eneyclop,^ art, Geometrie). 

D. Gependant les sciences mathematiques n'ont-^ 
elles pas une certitude telle que les autres sciences 
n'en approchent point ? 

B. Non : la certitude des sciences mathematiques, 
comme cellede toute autre, ne repose en derni^re ana- 
lyse, que sur le sens commun. On nepeut s*empicher 
de convenir^ dit encore d' Alembert , que Vesprit n^est 
pas fatisfait au mime degri par toute$ lescannais- 



DU SENS COMMUN. 25 

sauces math^matiques : plusieurs d'entre elks, appu - 
yies sur des verites d'expMence ou sur de simples 
hypotheses n'ont, pour ainsi dire, qu^une certitude 
d'expMence ou de supposition, £t mSme, selon ce 
g^ometre philosophe, si on examine sans pr^vcntiou 
k quoi ces connaissances se rMuisent, outre le peu 
d'application et d' usage qu'on pent en faire, on verra 
que la plupart des axiomes dont la g^om^trie est si 
argueilleuse ne sontque des id^es simples, c'est-it-dire, 
empnint^esau senscommun, mais qu'on exprimepar 
des mots difiigrents. J*en dis & peu prts autant, ajoule 
le mdme d'Atembert, des tkeorSmes math^matiques. 
ConsidMs sans prdjuge, ils se reduisent a un petit 
nombre de vh-ites primitives, c'est-k^dire de verites 
emprunt^es au senscommun. (Voyez Discours prt^li- 
minaire de YEncyclop.) 

D. Du moins de ces y^rit^s primitives, avou^cs dc 
tout le monde, ou bien une fois suppos^es, le mathc- 
maticien tire des consequences toujours sfires el avcc 
une certitude infaillible? 

R. Noo, pas toujours : car il pent arriver, et il arrive 
en effet que les plus grands g^nies tirent des m^mes 
principea des consequences oppos^es. T^moinLeibnitz , 
quiecrivaitii Molanus : Jecroyaisferniementy monsieur, 
que ma derniere lettre serait capable de (aire voir a 
1/. Eckardus en quoi consiste Vimperfection de la me- 
thode dont il s'estservi; maisfai appris plusieurs 
choses par cette dispute, entre autres celle-ci queje m 
croyaispas : c'est qu'il faut un juge de controverse en 
math^m,atiques qussi bien quen theotogie. 

9. 



dS 



5 CAiicQisM 



CHAPITRE ZV« 

D. Sur qiioi la jurisprudence ou la science des loif 
fonde-t-elle sa certitude ? 

R. Sur rautorit6 du sens commun. 

D. Comment cela ? 

R. Tous les l^gislateurs et jurisconsultes convien- 
nent que T^quit^ naturelle est le fondement, la regie, 
Finterpr^te, le supplement des lois ; ou plut6t la lev 
unique, appliqu^eparlelegislateurauxcasqui sepr^- 
sentent commun^ment. Or T^quit^ natirrelle n'est autre 
chose que le sentiment de de, qui est juste ou injuste. 
En sorteque si, comme on dit, la loi est le sens com- 
roun, la ratson ^crite : la raison, le sens commun, 
c'est la loi non ^crite. Voyez le Traite des Lois, par 
Domat, et les Motifs du Code civil : partout vous ren- 
contrez cette maxime, proelam^o, entre autres, par 
Bigot de Pr6ainenea, lorsqu'il pr6senla le projet de 
loi sur les donations et testaments : a Au milieu de 
ces discussions il est un guide que Ton peut suivre avec 
sOrete : c'esl la voix que la nature a fait entendre a 
tous les peuples, et qui a dict6 presque toutes les le- 
gislations. )> 

D. La m^deeine s*appuie-t-elle sur un autre fon- 
dement ? 

R. Parmi les divers systemes, adtnis par les uns et 
rejetes par les autres, certains pour ceux-ci et faux 
pour ceux-lci, qui se succedent dans la m^decine de- 
puis plus de deux mille ans, il n'y a et ne peut y avoir' 
d'incontestablement certara, c'est-^-dire de certain 



btr SENS dOMMtJii. S7 

point tout le monde, que les d^couvertes et observa- 
tions avou^es de tout le monde, en un mot, qu& ce qui 
est appuy^ sur le sens comniun. Aussi le cdl^bre m^- 
decin Baglivi dit-il dans ses Monita praxeos medicce^ 
cap. y : Nous conjurons instamment les midecins de 
se servir egalement des medernes et des anciens, ct 
dans la lecture des uns et des autres de s' attacker uni- 
quement a une seule chose, d recueillir les rigles, les 
avis et Its remddes i^prouY^s pendant longtemps, et 
d'une certitude tellement reconnue qu'au milieu mime 
des fluctuations de cette vie mortelle ih aientparu tou- 
jours meriter quelque consideration et avoir quelque 
vertu, 

D. Que peut-on conclure contre les g^om^tres, les 
jurisconsultes, les m^decins, qui n'admettraient pas 
le sens commun comme le fondement et la r^gle de la 
certitude? 

B. Les g^om^tres, tes jurisconsuk6s, les m^decihs 
qui n'admettent pas h sens commun comlne le fonde- 
ment et la r^gle de la certkude doivent en conclure 
eux-m^mes que les sciences dont ils s'occupent, pri- 
vies de fondement et de rfegle, ne sont que des Edifices 
b^tis«D Tair, de savantes chiita^res qui sont auxgrandes 
pers<»anes cie que sont les contes de vieilles femmes 
aux petits enfants. 



GHAPITRS ZVX. 



D, Quel est done le prooid^ commun h toules les 
^sciences ? 

B. Toute science commence par des premiers prifi« 



18 CATBCHISMI! 

cipes qu'elle tient pour certains; autrement, ^'elk 
croit, mais ne d^montre pas. Toutle travail de Fintel- 
ligence coasiste k tirer les consequences de cesprin- 
cipesy k en faire des applications et k p^n^trer plus 
avant, s'il est possible. 

D. Que fait en particulier la philosopbie? 

R. La pbilosophie commence par les premiers prin- 
cipes de toute raison humaine, principes qu'elle ne 
demontre pa&, mais qu'elle croit ou tient pour certains 
et dont elle iire les consequences et fait les applica-* 
tions principales. 

D. Que fait la tb^ologie de son c6te? 

R. La tbeologie commence par les principales Ve- 
ritas religieuses ; v^rites que non-seuiement elle tient 
pour certaines, mais qu'elle demontre telles moyen-^ 
nant les premiers principes de la raison bumaine 
tenus pour certains par la pbilosopbie. 

D. Ainsi, d^s leur debut, laquelle de ces desii 
sciences donne le plus d'exercice k riotelligence de 
I'individu? 

R. G'est sans aucun doule la tbeologie; car elle 
demontre, elle raisonne, m^me ses premieres verites: 
tandis que la pbilosopbie ne prouve pas, ne raisonne 
pas ses premiers principes, mais les admet necessai-* 
rement. 



p. L'inlelligence de Tindividu est-elle phia librer 
dans la pbilosophie que dans la tbeologie? 
|L U faudrait peut-etre mieui pr^ciser le tens d«r 



DU SENS COMMUN. 29 

la qnestioD . 

D. Eh bien ! L'homme est-il libre d*admettre ou 
non une v^rit^ connue et certaine, saas cesser d'etre 
aussi raisonoable dans ua cas que daosun autre? 

R. Je ne le pense pas. 

D. Ne faut-il pas distioguer entre liberty raison- 
nable et liberty qui ne Test pas? 

R. Je le pense. 

D. £st-ou libre en philosophie d'admettre ou non 
les premiers priocipes et les consequences qui en 
sont bien d^duites ? 

R. Je ne suppose pas que m^me aucun philosophe 
le dise. 

D. £st-on libre d'admettre ou non ce qui est cer- 
tain, ce qui est clair, ce qui est Evident? 

R. A mon avis on ne Test pas. 

D. Le g^om^tre est-il libre d'admettre ou de n'ad- 
inettre pas le carr^ de Thypot^nuse, T^galit^ de^ 
trois angles d'un triangle k deux angles droits? 

R. Aucun g^om^re, je pease, ne pretend k cette 
liberty. 

D. Gelui qui ne sait point de g^om^trie n'estit 
pas libre d'admettre ees deux v^rit^s ou de ne les 
admettre pas? 

R. Dans un sens, il est d'autant plus libre qu'il 
les connalt moins ou moins bien. 

D. Dans une science parfaite ob tout scrait clair, 
certain, Evident, complet, Tesprit qui comprend se- 
rait-il encore libre d'fldmettre ou de n'admettre 
pas? 

R. II me semble que non. 

D. Dans une science, la liberty d'admettre ou dt 



50 CATjfCHISMB 

n'admettre pas, nesuppose-t-ellepas non-clart^, noR- 
certitude, non-6vidence ? 

R. II me parait clair que oui. 

D. Que penser alors d'un professeur de philosophic 
qui dirait qu'Bo philosophie la raison de Tindividu est 
toiijours libre ? 

R. Ge serait dire ^quivalemment que tout y est vague, 
obscur, incertain ; que c'est un bazar, ou plut6t un 
p61e-m61e d4d6es vraies, fausses, bonnes, mauvaises, 
mais toutes incertaines, parmi lesquelles chaque ama- 
teur peut se faire un cboix de fantaisie plus variable 
que la mode. 

D. Mais n'est-ce pas Ik le caract^re intime et iu- 
d616bile de r^clectisme moderne,que Ton a pr6conis6 
comme le nee plus ultra de la philosophie? 

R. Cela peut-6tre : il faut voir. 



CHAPZTRE ZVZIX. 

D. Qu'est-ce que I'^clectisme? 

R. Jusqu'k present, du moins si j'aibiencompris, 
r^clectisme est une philosophie & faire, mais qui n'est 
pas encore faite. 

D A faire, et d'aprfes quelle rfegle sure? 

R. On n'en sait encore rien. 

D. A faire, et par qui ? par le premier ou le der- 
nier venu? 

R. La question n'est pas encore d^cid^e. 

D. A faire, et pour combien de temps? 

R. Je Tignore. 

D. Ghacun pourra-t-il d^faire demain ce qu'il a fait 



BU SK.XS GOX)IU?f. ;il 

aujonrd'hui, et le refaire diir^remmeat apr^s-de- 
inain? 

R. La nature de r^dectisma et I'expj^rience disent 
oui. 

D. A faire, et sur quel fonds d'id^es ? 

B. Expliquez-vous un peu plus clairement. 

D. Est-ce non-seulement sur les id^es du present , 
Hiais encore sur celies de Favenir? 

R. Gomme nous valons mieux que nos p^.res, il est 
possible que nos descendants vaillent eneore mieux 
que nous : il sera prudent de les attendre. 

D. II faudra done attendre que tout Tavenir soit 
pass6 pour examiner toutes les id^es possibles, et en 
faire un choix. 

R. Eclectiquement cola me parait le parti le plus 

D. Mais alors n'y a-t-il pas lieu de conclure que 
r^cleclisme est une philosophjie qui n'est ni de ce 
monde ni de Tautre et que pour nous en occuper s^- 
rieusement nous ferons bien d'attendre au lendemaia 
der^iernit^? 

R. Pour ma part j'y consens. 

D> L'l^clectisme ainsi fait ne serait-il point la cause 
la plus active de cette anarchie et de cette conki^ion 
didoes dont tout le monde se plaint ? 

R. Gela est tr^s-possU)le puisque cela est: du 
moins je n'en doute pas. 



GBAPITRE SIX. 

S), Dire gu'en th^ologie la raison de Findividu 



T)i CATECHISMB 

o'est pas libre, n'est-ce pas dire que lout y est fcrmc, 
que tout y est certain, soit par I'^vidence de la chose, 
soil par Tautorite qui Tenseigne? 

R. Cela roe parait ainsi. 

D. Mais dans la philosophie , scieuce des v^rit^s 
g^n^rales dans Tordre nature!, ces v^rit^s g^n^rales 
ne sont-elles pas cerlaines, ainsi que les consequences 
principales qu'on en d^duit? 

R. Je ne pense pas que ro^me un philosophe puisse 
en douler. 

D. Et comme ccs v^rit^s g^n^rales sont le fonds 
ni^me de la raison humaine, sont la base de la soci^l^ 
humaine dans Fordre naturel ou de la vie pr^s^nte , 
est-il libre k un homme raisonnable de le9 admettre 
ou de ne les admettre pas ? 

R. Cela n'est pas libre k un homme raisonnable. 

D. Rr comme ces v6ril6s g^n^rales dans Fordre na- 
turel sont le domaine propre de Ta philosophie, si 
celte philosophie est bien faite, peut-elle laisser beau- 
coup dechoses h ('incertitude, beaucoup de choses qu'un 
homme raisonnable peut admettre ou n'admettre pas? 

R. line philosophie bien faite ne peut laisser beau- 
coup de ohoses h Fincertitude , et touchant les- 
quelles on peut raisonnablement croire ce que Fon 
veut. 

D. Dire, comme font des professeurs de philosophie, 
qu'en philosophie la raison individuelle est toujours 
libre, cela veut-il dire que leur philosophie soit bien 

faite ? 

* 

R. C'esl dire, sans le vonloir et sans le savoir, 
que teur philosophie se fait on ne peut plus mal , et 
^u'au lieu d'etre la science du bon sens, c*est piutdt 



DU SENS GOmiDIf. TtO 

la science du non-sens, si science il y a. 



I 



D. L'individu aurait-il plus de liberty et d'action 
danslafoiquedanslaraison, dans la thtologie que 
dans la phitosopbie ? 

R. G'estune chose k examiner. 

D. Par oil commence la th^ologie ? 

B. La th^ologie, science des v^rit^s religieuses, tant 
dans Tordre naturel que dans Tordre snrnaturel, mais 
principalement dans ce dernier, commence propre- 
ment.par cet actede foi, comme premier principe : 
Mon Dieu, je crois fermement tout ce que TEglise ca- 
tholique croit et enseigne : je le crois parce que vous 
le lui avez r^v^l^ et que vous ne pouvez vous tromper 
ni nous tromper. 

D. Et que conduez-vons de Ik? 

R. Avant de conclure, j'ai trois observations k faire 
ou k rappeler. 

0. Quelle est la premiere ? 

R. LavoiciiHaisTEglise catbolique qui croit et 
enseigne les choses religieuses est incontestablement 
Tautorii^ la plus grande qu'il y ait sur la ten'e, I'au- 
toritd qui pr^ente le plus de motifs de croire, de tenir 
pour certain oe qu*elle croit et enseigne ; m^me k ne 
ia consid^rer que d'une mani^re humaine et natu- 
relle. 

D. Quelle est la seconde observation ? 

R. Yoici la seconde. Or une des premieres choses 
qaeTEglisecroitet enseigne, c'est que, outre cette 

b 



^i tATEGHISMA 

infaillibiliti^ naiurelle» comme autorit^ humainement la 
plus grande, elle a reQu de Dien une infaillibilite sur- 
naturelle, une assistance sp^ciale pour ne jamais se 
tromper dans ce qu*elle croit et enseigne. Son aulo^ 
t'M s'^l^ve aussit6t ^la plus haute puissance. 

D. Et la troisi^me observation, quelle est-elle ? 

R. G'est que, outre cette autorit^ incomparable qui 
assure au chr^tien la v^rit^ de tout ce que TEglise 
catholique croit et enseigne, cette Eglise lui pr^sente 
encore sur chaque v6rit6 en particulier, des motifs, des 
preuves nombreuses, tireesdeTEcrituresainte, tiroes 
des saints peres et des docteurs, tiroes de la raison 
chr6tienne et de la nature meme de la chose. 

D. Et de tout cela, que concluez-vous ? 

R. Et bien, conclurai-je, malgr^ cette autoril6 nou- 
pareille deTEglise, raaigr^lesnombreux motifs qu' elle 
nous ofFre sur chaque v6ril6 en detail, notre aete de 
foi, soit g^n^ral k toutes les v6rit6s qu'elle croit et 
enseigne, soit special h cbacune de ces v^rit^s ; eel 
acte de foi est encore libre et m^ritoire ; landis que 
notre croyance, notre adhesion aux premiers principes 
de la raison humaine n*est ni libre ni m^ritoire, mz\t 
n^cessaire. Ainsi done, jusque \h , la raison de Tindi^ 
vidu est plus libre dans la foi que dans la raison, dans 
la th6ologie que dans la philosophie. 

D. La conclusion me paralt bien tir6e. 
^ R. Mais ce n*est pas tout. 



CHAPItRS ^Qtl. 

Dt. Qu'y a-t-il encore k dire sur le parall^le entre la 



-^v 



DU SENS COMMUX. 35 

th^ologie et la philosophie ? 

R. Gomme la th^ologie embrasse toutes les Vfirltes 
religleuses tant dans Tordre naturel que dans Tordre 
surnaturel, elle ofTre bien plus d'aliment et d'exercice 
^la libre activity de rintelllgence humaine que la phi- 
losophie, qui n'embrasse proprement que les v^riUs 
g^n^rales dans Fordre naturel. 

D. La reflexion est bonne. Ne serait-il pas k propos 
de la d^velopper un peu davantage ? 

R. Oomme h thdologie embrasse toutes les v^rites 
religieuses tant dans Tordre naturel que dandt Tordne 
surnaturel, elle embrasse ainsi le ciel et la terre, le 
temps et T^ternit^, Dieu et I'homme ; Dieu et ses 
oeuvres, Dieu consid^r^ non-seulement k travers ses 
creatures, mais en lui-m^.me ; Thomme avec ses desti- 
nies pr^sentes et futures : elle pr^ente ainsi k Tintel- 
Jigence du chr^ienun ensemble immense de Y^rit^s, 
mais de v^rit^s vivantes et vivifiantes , que T^ternit^ 
^nti^re ne suffira point k connattre et k aimer. 

D. Voil& qui est bien pour Tactivit^. Mais au milieu 
de tout cela, Tinteliigence du chr6tien est-elle aussi 
libre qu'elle peut etre active ? 

R. An milieu de cet oc^an immense de v^rit^, de 
lumi6re et de vie, Tesprit du chr^tien vit et agit libre- 
ment, comme le poisson dans Teau. Yoycz ce poisson 
dans rOc^an sans bornes, il y vit,il s'y prom^ne, il s'y 
repose ; il s'^I^ve jusqu'k la surface, il se plonge jus- 
fue dans les abimes, il s' Glance avec impetuosity, il 
repose et dort immobile, et toujours dans son element 
qui est sa vie et son bonheur ; son malheur et sa mort 
serait d'en sorlir. Ainsi en est-il de Ydme chr^ticnne 
dans cet oc^an incommensurabledes v^rit^s religieuses. 



L _ 



S& tiATBGHISMC 

D. De la ne' peut-on pas lirer Fexplication d*uri 
autre fait que le monde ae comprend gu^re 1 

R. De 111, dans TEglise catholique, pour Ics ^mes 
ferventes, ce besoin de pri^re, d'oraison, de medita- 
tion, de contemplation. De Ik, dans TEglise catho- 
Ul|ue, cette existence et cette necessity si peu com- 
prise des ordres conteraplatifs, dont les ordres anni- 
hilatifs de I'Inde ne paraissent qu*une contrefa^on 
satanique. Car- dans TEglise de Dieu, la contemplation 
religieuse n'est que Texercice lei plus eiev6 elle plus 
pur de i'intelligence crt56e. C*est Tapprentissage le 
plus eievdi et le plus pur du ciel el de r^ternit^. 

D. Ne pourrait-on pas dire que les philosophes 
euK-memes sont une esp^ce de contemplatifs? 

R. On le pent tres-bien ; oar, k vrai dire, la philo- 
sophie est la dontemplation des vik^it^s g^n^rales de 
Tordre naturel ; et les philosophes sont les contem- 
platifs de cet oixtre. 



CHAPZTRE XKll. 

D. Que perisez-vbus des philosophes qui diraient 
ou qui disent que tout est renferm^ dan§ la philoso- 
phie? 

R* Je pense que, dans uri sens, ils ont raisoii. 

D. Quel est ce sens ? 

R. Je pense que tout est renferm^ dans la phii#- 

sopbie, de la m^me mani^re que tout est renferm^ 

dans r A B C. 

D. Comment pouvez-vous dire que tout est fen- 

fermi dans r ABC? 



»U SEHTS COMMUII. 37 

K. La chose est pourtant bien simple. Toutes les 
biblioth^ques da monde sont compos^es de livres, les 
livres sont composes de mots, les mots sont com- 
poses de lettres, toutes les lettres sont dans T A B C. 
Done TA B C comprend toutes les lellres , tous les 
mots, tous les livres, toutes les biblioth^ques. 

D. En v^rite, je ne me doutais pas^de celte mer- 
veilleuse capacity de Talphabet. 

R. Voici qui est plus merveilleux encore. , Les 
mots ne repr6sentent-ils pas les id6es, les id^es ne 
fepresentent-elles pas les choses, les choses ne re- 
pr6sentent-elles pas les id^es divines, les id6es di- 
vines ne sont-elles pas Dieu m6me? Done, en un 
sens, Talphabet renfemne tout, y compris Dieu. 
D'ailleurs le Christ lui-meme ne dit-il pas qu'il est 
Talpha et I'dm^ga, la premiere et la dernifere lellre 
de Talpbabet, le principe et la fin ? 

D. Accordons pour le moment tout ce que vous 
venez de dire, que pr6tendez-vous en conclure ? 

R. J'en conclus que la philosophic renferme toutes 
les v6rit6s et toutes les sciences , comme Talphabet 
i*enferme tous les mots et toutes les id^es. 

D. Par exemple ? 

R. Par exemple : avec les lettres de Talphabet on • 
compose des mots, avec les mots on exprime des id^es : 
de m^me avec les v6rit6s g^n^rales qui sont ledomaine 
propre de la philosophic et comme TA B C de la rai- 
son hpmaine, on arrive kd'autres v^rit^s, avec celles- 
ti k d'autres encore, et enfin k la v^rit^ supreme qui 
«st Dieu, d*ou ^man^nt toutes ies autres comme les 
rayoios du soleil. 

Dv Et de 1^, que s*en8uit-il? 



S8 CATEGUISME 

R. II s'ensuit que pour bien cuttiver les diff6reotes 
sciences il faut bied savoir les ^l^ments et le3lois de 
laraison humaine, autrement la philosophie : comme 
pour lire avec fruit les Kvres et les biblioth^ques, il 
iaut, avant tout, savoir leg lettres, fes regies de T^pel- 
ia'tion et de la lecture, autrement T A B CL 

D. S'ensiiit-ilquelephilosophe, qui n'est que cela, 
soit juge competent de toutes les id6es et de toutes 
Jes sciences. 

R. Le pbilosophe ne serait pas meilleuf juge en 
ce cas que celui qui ne sait que TA B G ne le ser^t 
pour appr^cier le m^rite des livres et des biblio- 
ihfeques. 



CttAPinus zzkxi. 

D. Nous parlons sans cesse de v^rit^ ; mais, yoos 
demanderai-je avec Pilate : Qu'esl-ce que la v^rite ? 
Quid est Veritas ? 

R. La v6rit6 est T^quation d*une chose qui en r«- 
pr^sente une autre, avec cette autre qu'elle repr^- 
sente. 

D. Par exemple ? 

R. Par exemple : le mot repr^sente Tid^e, Tid^e 
represente la chose. 

D. Qu'est-ce alors que la v6rit6 d'une expression? 

R. C'est r^quation ou la 60oforn>it^ du mot avec 
rid^e. 

D. Etlav^rit^d'uneid^? 

B. La v^rit^ d*une id^e c'est T^quation de cette id^c 
«avec la chose. 



'J 



1). Et la y^rit^ dt la chose m^me ? 

R. La v6rit^ de It chose m^me c'est r^quation de 
ceUe chose m^me avec Tid^e modMe qui est en Dieu. 

D. Que suit^il de Ik ? 

R. Que Dieu est la source de toute v^ril^, la verity 
supreme. 



D. Le mot reprtsente-t-il exactement Tid^e T 

R. Le mot ne repr^sente pas exactement I'id^e. 

D. L'id^e repr6sente-t-elle exactement ia chose ? 

R. Pas plus. 

D. La chose repr6sente-t-eUe exactement Tid^e 
module ? 

R. Non : car en Dieu Tid^e module participe ci la per- 
fection infinie de Dieu m^me, tandis que dans la cre- 
ature elle participe k I'imperfection inevitable de la 
Creature. 

D. Que suit- il delk? 

R. U suit de Ik premi^rement : que Tid^e modele 
d'une creature est plus r^elle que la creature m^me. 

D. Que suil-il encore ? 

R. Dieu est Tetre supreme, il se connait, il a 1 idee 
de lui*meme : cette idee lui est parfaitemcnt adequate : 
c'est son Fils qui a dit : Ego sum vcritas, je suis la 
verite. Et personne ne connait le Pere si ce n'est le 
Fils, et celui auquel le Fils Taura reveie. 

D. Je vois bien que e'est p^r le Fils que Ton con- 
Inait le P^re, dont il estTimage, Tideeparfaiteetsubs- 
jlaDtielle : mais peuUon de m^me par le Fils connatire 



40 CATEGHISMB 

ies creatures ? 

R. Gomme toutes choses ont ^l^ faites par le Pils, 
par ie Yerbe, Ies id^es modMes de toutes choses sont 
en lui ; elles y sont plus r^elles et plus intelligibles que 
Ies creatures ne le sont en elles-m^med. 

D. A qui est-il donn^ de voir ainsi Ies chases ? 
• R. G*est le bonheur des saints dans le ciel de roir 
ainsi Dieu en lui-m^me, tel qu'il est, et de voir eo lui 
sur^minemment Ies ohoses telles qu*elles sont. 



GHAPITIUB ZZV. 

D. En attendant, le Verbe-Dieu ne nous commu- 
nique-t-il pasquelques rayons de sa lumi^reinfinie? 

R. Sans doute : car le Verbe-Dieu estcettelumi^re 
qui ^claire tout homme venant en ce monde. 

D. Qu'en est-il dit au livre des Proverbes? 

R. II y est parl6 de la sagesse que r£ternel a en- 
gendr^e le principe de ses voies, atant qu*il eut rien 
fait, d^s le commencement ; qui 4tait con^ue avant 
ies abfmes ; qui ^tait avec lui quand il pr^parait Ies 
«ieux ; qui se jouait devant lui dans Tunivers ; qui 
fait ses d^lices d'etre avec Ies enfants des hommes; 
qui fait entendre sa voix dans Ies carrefours et snr 
Ies places. (Cap, 8.) 

D. Qu'en est il dit au livre de la Sagesse ! 

R. II yest parl6 de la sagesse qui est la splendeur 
de la lumi^re ^ternelle ; qui, ^tant une, peut tout ; 
qui, toujours la m^me, renouveile tout ; qui se com- 
munique aux ^mes saintes parmi Ies nations ; q«i 
coo8titue ies amis de Dieu et des proph^tes. {Cap 7.) 



IWJ SENS COMMITS. ' 41 



CHAPITRE ZZVZ. 

D. D*ou viennent alors ces id<^es communes qui se 
tiouvent les m^mes dans tous les hommes? 

R. Elles viennent de celte lumi^rc veritable qui 
ficlaire tout homme venant en ce monde. 

I>. Cette v6rit6 a-t-elle 616 reconnue par ks sa- 
vants? 

R. Elle a 6t6 reconnue par les philosophes paicns 
eux-in^mes. 

D. Citez-nous les paroles de Tun d'entre eux. 

R. Void ce que dit H6raclile, au rapport de Sex- 
tus Empiricus : La raison commune ct divine dont la 
participation constituc la raison individuelle est le cri^ 
tcrium. de la vMtf}. Ce qui est cru universellemcnt 
est certain : ear cette croyance est empruntee a la 
raison commune ct divine ; et par le motif contraire 
toute opinion individuelle est depourvue de certitude. 
Toutes les fois done, conclut-il^ que nous empruntons 
m la memoir e commune, tious possedons la vcrite, et 
quand nous n* interrogeons que notre raison indivi- 
duelle, nous tombons dans Verreur, 

D. Les plus savants d*entre les Chretiens ont-ils 
pens^ de m6me ? 

R. Tous les anciens p^res de Tltglise, qui, pour 
prouver aux pa'iens Funit^ d'un Dieu cr^ateur du ciel 
et de la terre, la n6cessit6 de lui rendre un culte, 
rimmortalit^ de Tftme, les peines ct les r^compensies 
futures, Texistence des bons et des mauvais anges, 
s'appuyaientsurleconsentement unanime des hommes^ 



42 GATKCIIISME 

des poetes, des philosophes, des l^gi&laienTs ; sur les 
pratiques, les croyances, le^ oracles m^me du paga- 
nisme. Prioejpalement Tertullien qui, apr^s avoir 
^tabli ces v6rit^s par le langage commun de tout le 
monde, dit dans son traits de Testimonio aninue : Ces 
tcmoignages de Vame sont d'autant plus vrais qu'iis 
sont plus simples y d'autant plus simples quils sont 
plus vulgaires, d'autant plus vulgaires qu'iis sont plus 
fommuns^ d'autant plus communs qu'iis sont plus na- 
turels, d'autant plus naturels qu'iis sont plus divins ; 
ear l'dm£ a ete enseignee par la nature, et la nature 
par Dieu mime, 

D. Parmi les savants modernes, les principaux 
pensent-ils de ni^me ? 

IL Oui : entre autres Bossuet et F^n^lon. 

D. Que dit Bossuet ? 

B. D'un cdt^ Bossuet deplore hautement la faiblesie 
ei rinsuffisance de la raison individuelle; quand il 
dit : Notre raison incertaine ne sait a quoi s'attacher 
ni a quoi se prendre ; si elle se contente de suivre les 
sens, elle n'apergoit que Vdcorce ; si elle s' engage 
plus avant, sa propre subtilit^ la confond, Les plus 
doctes ne sont-ils pas contraints de demeurer courts 
Ou ils Mtent les difficult^s, ou ils dissimuJent et font 
bonne mine, ou ils succombent visiblement sous le 
faix. Que ferai-je ?. . . A peine crois^je voir ce que je 
,vois et tenir ce que je tiens^ tarit j'ai trouve souvent 
ma raison fautive (1) ; Et de Tautre c6t(^, k cette rai- 
son si fautive il donne, en d*autres termes, le sens 
commun pour r^gle supreme, quand il dit : L'homme 

(i) Sermon sur la Toussaint, t. 11 p. 69, (edition de 
VersajUesi. 



»U SEN'S COMML'N. 4Z 

juge droitement lorsque sentant scs jugements va- 
riables de leur nature il leur donnc pour regie ces 
verites etemtlles que tout entendement apergoit tou- 
jours les rn^mes, par lesquelles tout entendement est- 
regie, et qui sont quelque chose de Dieu, ou plutot 
Dieu lui'tneme (1). 

D. EtF^ndon? 

R. F^n^lon proclame les memes v^rit^s quand il 
dit: 

Voild done deux raisons que je trouve en moi; 
Vune est moi-mime^ V autre est au-dessus de mot. 
CeUe qui est moi est tr^s-imparfaite, fautive, incer- 
taine, prevenue, pricipitee, sujette a skgarer , chan- 
geante^ opinidtre^ ignorante et bomee ; enfin elle ne 
possMe jamais rien que d'emprunt. L'autre est com- 
mune k tous les hommes et sup^rieure h eux : elle est 
parfaite, etemelle, immuable, prdte a se communi- 
quer en tous lieux et a redresser tous les e sprits qui 
se trompent; enfin incapable d'etre ni epuisee, ni 
partag^e , quoiqu'elle se donne a tous ceux qui la 
veulent, Ou est cette raison parfaite qui est si prks dc 
moi et si differente de moi ? Ou est cette raison com- 
mune ^t sup^rieure tout ensemble a toutes les raisons 
bomees et imparfaites du genre humain ? Ou est cellc 
Vive lumi^re qui illumine tout homme venant en ce 
monde? Ou est-ellel II faut quelle soit quelque chose 
de reel; car le niant ne peut Stre par fait ni per fee- 
tionner les natures imparfaites. Ou est-elle cette rai- 
son suprSme ? nest-ellepas le Dieu queje cherche (2) ? 

(i) Gonnaissance de Dieu et de soi-mtoe, t. Sh, p* 283. 
(2) Existence de Dieu, t. 2, p. 93,^dition de Versailles. 



A4 CATRGHISME 



D. Les deux plus c^i^bres philosophes de I'aoii- 
quit^ grecqne, Platon et Aristole, pensent-ils l^- 
dessus comme F6n6lon et Bossuet, comme Tertullieo 
et H^raclite ? 

R. Les detix plus c6l^bres philosophes de Taoli- 
quit6 grecque, Platon et Aristote, avec Socrate leur 
maitre, peosent pour le fond l^-dessus comme H^ra- 
elite et Tertullien, comme Bossuet et F^n^lon. 

D. Que dit en particulier Platon ? 

R. Dans presque tous les dialogues ou il fait par- 
ler son maitre Socrate, celui-ci ram^ne tout k ce 
grand principe, que la v^rit^ et la justice ne sont pas 
une chose arbitraire, chaogeante, mais quelque chose 
d'^terne), d'immuable, ayant son type dans renleu- 
dement de Dieu. G'est ce qu'on appelle les id6es de 
Platon. 

D. Expiiquez-nous quelque pen ces id^es de 
Platon. 

R. Dieu a fait le monde suivant le module qui est 
dans son intelligence, dans son Yerbe. Module exem- 
plaire, id^e parfaite, ^ternelle, toujours la m^me. 
Tontes choses y sont d'une mani^re plus vraie et plus 
r^elle qu'en elles-m^mes. L^ elles sont intelligibles, 
4ternelles« immuables comme Dieu; ici elles sont 
imparfaites, temporelles, continuell6ment variablei. 
L'homme ne connait done parfaitement lav^rit^qu*^ 
mesure que son intelligence communique avec Tin- 
telligence divine, et qu^elle y contemple les types 



W SMS COMMCll. 45 

^lertiels de toutes choses. La connaissaoce expdri- 
nentale des creatures dans leur existence propre ne 
produit qu'une science du second ordre , parce que 
cette existence n*a par elle^meme rien de fixe ni de 
stable, mais qu'elle est dans un changement conti- 
Mel. 

D. Dans quel rapport, suivant Platon, la science 
Immaine se trouve-t-eile k la science divine? 

IL Suivant Platon, la science humaine est k la science 

divine ce que le temps est h T^ternit^. Celle-ci existe 

i la fois tout enti^re ; celui-Ik t&che de Timiter en 

se succ^dant continuellement k loi-m^me. L'intelH'- 

gence divine rayonne de T^ternit^ dans le temps : de 

tk ces irradiations qui se trouvent toujours et partout 

les m^mes, -et qui incorpor^es en la parole, forment 

le sens commun, le fonds divin de la raison humaine. 

Telle est la doctrine de Platon sur la source et la r^gle 

de I'intelligence. 

D. Qu'est-ce que Platon a fait encore de m^mo^ 
rable dans la philosophie? 

R. Thal^s et les philosophes d'lonie s'^taient 

adonn^s sp^cialement aux connaissanees physiques, 

Pythagore et les philosophes d'ltalie aux connaissanees 

intellectuelles , Socrate aux connaissanees morales. 

Lesanciens Grecs entendaient par physique Tensembte 

de tout ce qui existe. La philosophie de Thal^s s'oc-» 

cQpait ainsi de T^lre, celle de Pythagore du vrai, 

celle de Socrate du bien. Platon les r^unit toutes les 

trois, et, comme Tom remarqu^ Gic^ron et saint Au- 

gustin, elles se trouverent une esp^ce de trinity dont 

le docteur chr^tien fait vpir la profonde }ustesse (1). 

(1) Gic. acad. quaest. , I. 1 ; Aug. de Civit. Dei, 1. 9, ^f, 
k ct seq. ; 1. ii, c. 25. 



46 GATECitisMiK 

D. Expliqaez-nous en quoi die consiste. 

R. Dieu est par son essence, il se connaft, il s'aim^t 
Dieu est T^tre supreme, la V^rit^, le bien. Dieu s'est 
manifesto par la creation ^ un testig6 di^ sa triple 
splendeur est empreint partout , uiie image de cette 
triple splendeur reluit dans rhomme. L'bomme est, il 
connait, il aime. Toutes ses connaissances se rap^ 
portent h ces trois ordres : connaitre la nature des 
6tres, connaissances naturelles dans le sens le plus 
large ; connaitre la v6rit6 et les moyens des* en assu* 
rfer, connaissances logiques oiiralionrielles: cofanaltre 
le bien et les regies pour y parvenir, connaissances 
morales. Et ces trois sortes de connaissances nfe font 
qu*ui>e seule est m^me sagesse parce que la v^riti6 
n'est que T^lre en tant qu'objet de rinlelligence, le 
bien n'est que I'^tre en tant qu'objet de la volenti, 
el parce que la source de tout ^tre, de loute v^rite, 
de lout bien, est Dieu. 

D. Est'-ce qu*on ne pourrait pfts suivte cette divi- 
sion de la philosophie? 

R. J'ignore pourquoi on ne suit pas ceile division 
de la philosophie, du inoins dans les ^coles chr^^ 
liennes. II me semble qu'avec Platon, Cic^ron et saint 
Atoguslin, on ne risque pas beaucoiip. 



caAPzfRfi stttrixt. 

D. Quel homme ^tait-ce qu'Aristote ? 
R. II fut disciple de Platon €t pr^cepteurd' Alexandre^ 
ie-Grandt 



fit SENS coimuxV. 47 

t). Aristote diflf^re-t-ii beaucoup de Platon, son 
fnaltre ? 

R. Gic^ron observe que Platon et Aristote, I'Aca- 
demie et le Lyc^e, ne different que de nom ; que la 
doctrine est la m^me et forme toujours une esp^e de 
trinity. Les natures oules ^tres, la v^rit^ et scs regies, 
le bien et ses lois, autrement la morale (1). 

D. Donnez-nous nn exemple de cet accord et de 
eetle difference entre Aristote et Platon. 

B. Par exemple, pour ce qui est de Thomme, Aris- 
tote le d^flnit un animal raisonnable. Le mot animal 
en latin et le mot toon en grec, signifient litt^rale- 
iDent un ^tre vivant, et ne pr^sentaient peut-Stre 
pas dans Torigine Tid^e d*abjection qui s'attache au 
mot fran^ais. Platon le d^finit de son c6te : Une &me 
se servant du corps et lui commandant (1. Aldb.); 
La maniere d'envisager est diif^rente. Dans les id^es 
de Platon, c'est une intelligence animant un corps ; 
dans les id^es d' Aristote, c'est un corps anim^ par 
une intelligence. La definition est au fond la m^me , 
seulement pour y arriver, Tun part d*en haut, Tautre 
d'en bas. Aussi celle de Platon, Thomme est une time 
tie servant d'un corps, para!t-elle plus noble . Mais^ 
comme Tobserve saint Thomas (Conf* Gentil, c, 52), 
elle n'exprime point Tunion intime et substantielle de 
r^me et du corps, qui constitue u^anmoins la per-^ 
Sonne humaine : elle ne la stippose pas plus etroit^ 
que celle qu'il y a entre Thomme et son v6tement, 
entre Touvrier et son outil, entre le pilote et son na^ 

vire. 11 nous semble qu*on ^viterait tons les incon-^ 

tenients en d^finissant I'homme une intelligence 

(i; Gcer*, aead. L 1, ii. A «t 5 ; de Fkilk^. 1. 5, n. k. 



48 GATKCHISME 

incarn^. 

D. Qu'estce que dit Aristote sur Vamt hu- 
maine? 

R. Dans ses trois livres de TAme, Aristote, exami- 
■ant les opinions des ancieas, ^tablit au long qae 
I'toe n'est pas un feu, ni une harmonie, ni un com- 
post d' dements subtils ; mais une substance actuelle , 
parfaite, sans melange, incorruptible, incorporeUe, 
immortelle, principe de la vie, du sentiment et de 
rintelligence. II montre en particulier que penser 
n'est pas sentir ; suivant lui, les sens percoivent les 
formes des objets sans la mati^re : ces formes Intel- 
lectualis^es.arrivent jusqu'^ Tdme qui se lesassimile, 
en sorte que T^me devient comme toutes cfaoses sans 
<^lre pourtant aucune d*elles. (De Anima, L S, c. 8). 

D. N'est-ce pas Ik une certaine image de Dieu ? 

R. Oui : c'est \k une certaine image Dieu. Toutes 
Ghoses sont en Dieu d*une mani^re divine, de telle 
sorte cependant que Dieu n'est aucune d'elles, et 
qa'aucune d'elles n'est Dieu. 



GHAPITBi: ZZXX. 

D. En quoi Aristote different- il de Platon touchant 
r»rigine des connaissances bumaines? 

R. Ce qui est arrive k Platon et Aristote pour la 
definition de Thomme, leur est arrive en general 
pour toutes les connaissances bumaines. L'un part 
d'«n hauty Tautre d'en bas, mais its finissent par 
se rencontrer dans un <:ertain milieu» 



bii seKs commun. A\) 

D. Comment cela? 

R. Plalon reporte I'origine et la certitude de nos 
connaissances jusqu'eo Dieu,donirintelligence con- 
lient les types inteiligibles , ^ternels , de tous hn 
^Ires; types plus vrais et plus r^els que les^treseux- 
m^mes. Nos intelligences ne participent h cette ve- 
rity essentielie des choses que par une irradiation de 
rintelligence divine, lumi^re qui ^claire tout homme 
venant en ce monde. Cette illumination commune et 
sup^rieureconstitue la raison commune de Thumanit^ : 
le sens commun. C'est de I^ que Platen et Socrale 
prennentleurs arguments pour r^futer les sophistes, 
les pousser h, Tabsurde, les mettre en contradiction 
avec eux-m6mes. 

D. Et Aristole, que fait-il ? 

R. Aristote part de ce que noos avons de commun 
avec les animaux : des sens. Dans Thomme, ces sens 
en percevant lesobjetsmat^riels en envoient des formes 
immat^rielles k Ykme raisonnable qui se les assimile ; 
plusieurs de ces sensations spiritualis^es produisent 
une experience : plusieurs experiences produisent dans 
rintelligence ou Tesprit des formules g^n^rales on 
premiers principes que tout le monde croit etconnait. 
C'est de 1^ que, pour r^futer les mSmes sopfaistes, 
Aristote (ire la base et la r^gle du raisonnement, la 
base et la r^gle de toutes les sciences. Partis des deux 
cxtr^mit^s oppos^es, Platon et Aristote se rejoignent 

ainsi dans le sens commun pour combattre les m^mes 
^nnemis. 

D. N'y a-t-ii pas quelque ressemblance enlre les 
formes d' Aristote et les idies de Platon? 

R. Plutarque et Simplicius ont remarqu^ une 
5 



grande ressemblance entre les formes d*Aris(ote- ef 
les id^es de Platon. Aristote, dit le premier, conserve 
les notions universelles ou les id^es sur lesquelles ont 
ct€ modeles les ouvrages de la diviniU, avec cette dif-^ 
ference seulement que^ dans la rcalite, il ne les a point 
scparees de la matiere (1). 

D. Qu'est-ce qu' Aristote appelle la matiere et la 
forme ? 

R. La matiere, seloD Aristote, est ce dont se com- 
pose quelque ouvrage, comfne de Tairain on tire une 
statue ; la form£ est ud moule ; elle est la raisoir 
d'aprfes laquelle cet ouvrage est execute ; elle en de- 
termine le genre. La forme et Videe ont au fond le 
m^me caract^re, avec la difference (jue Platon la s^- 
pare de Tobjet pour la placer dans rinteligence di- 
vine, landis qu* Aristote rimprime sur Tobjet et ne 
Ten detache que par une operation de la pensee hu- 
maine (2). 

D. Aristote n'a-t-il pas quelque passage assez pre- 
cis Ik-dessus? 

R. Oui ; il est tel endroit de ses Merits ou Aristote 
parait enti^rement d'accord 9ur ce point avec Platon. 
Ce que c'est que la science, on le voit manifestement r 
dit-il, par ceci, Tous, nous sommes persuades que €9 
que nous savons ne peut ctre diffcrerrhnent. La scienet 
comprend done ce qui est necessaire, par consequent 
ee qui est cternel : car tout ce qui est absolument ni'^ 
cessaire est cternel, est par la mdme improduit et in-^ 
corruptible (3). Tout ceia ressemble tres-fort aux 

(1) PliU., de placit. Phil. 1. 1, c. 10. 

{}i) Aiist., Physic. 1. 2, c. 1, 3; Degerantk),.c. 12. 

(3) DcMorib.,!. G, c. 3. 



00 SBNS COMkUN. 51 

types intelligibles , eternels, dout la connaissance 
produit seule, suivant Platon, une science veritable. 



CBAPITKB XXX. 

D. Que faisaient done les Sophisles? 

R. Gomme les Sophistes ambitionnaient de parailre 
sages plut6t que de Tetre v6ritablemeni, ils ne cher- 
cbaient point la v^ril6, mais Tapparence; ne s'appli- 
quaient point k raisonner juste, mais subtilement. . 

D. Comment s'y prenaient-ils pour cela? 

R. Ils s'y prenaienl pour cela de plus d'une facon. 
Les uns faisaient apprendre k leurs disciples un grand 
nombre de discours composes d'avance sur toutes 
sorles de matiferes. Interrog^s, lis surprenaient par 
une averse de paroles d^gantes et de raisonnements 
plausibles. D'autres, c'^taient principalement ceux 
d'lonie, au lieu de r^pondre k ce qu*on leur deman- 
dait, d^cochaient h leurs interrogateurs quelques pe- 
tits mots ^nigmatiques. Voulait-on savoir pourquoi ? 
on 6tait sur-le-chatnp frapp6 d'un autre mot Equivoque: 
impossible de rien conclure avec eux. D'autres enfiri 
se glorifiaient d'argumenler pour et centre sur quel 
que ce fut, et inventaient, k cet effet, les subtilit^sles 
plus ^tranges (1). 

D. Platon combattait-il ces Sopntstes. 

h. Platon les combat les uns et les autres dans 
plusieurs de ses dialogues ; les derniers principale- 
ment, dans ^n Euthy dime. On y yoit combien les 
sophistes de toute esp^ce ^taient peu h craindre pour 

(1) Arist, de Reprehens. sopblst. 1. 2. (dtim; Plat. Theat. 



52 GATECfilSUe 

un Pl^tton et un Socrate. Mais on n'y trouve pas tnis 
k la port^e de tout le monde Tart de constater la v^- 
rit^ et de d^masquer Terreur, Tart de raisonoer jaste 
et de d^couvrir les vices d'un raisonnement faux. 

D. Ge qui n'existait point jusqu'alors, qui est-ce 
qui Ta fait : 

R. Ge qui n'existait point jusqu'alors , Aristote Fa 
fait ; et il Ta fait de telle sorte, que vingt-deux si^cles 
ne trouvent rien h reprendre pour la justesse dans ses 
regies du raisonnement et de la discussion, autre- 
ment dans sa logique et sa dialectique : il le fait de 
telle sorte que les mauvais raisoonements qui se ren- 
contrent dans ses propres ouvrages p^chent toujours 
contre quelqu'une des regies qu'il a constat^es, et 
tombent toujours dans quelqu'un des d^fauts qu'il a 
signal^s dans sa Refutation des Sophistes, 



CHAPITRE XXXI> 

D. Gomment Aristote s'jr prend-il pour ex^uter 
ce grand oeuvre, Fart de constater la v6ril6 et de d6- 
masquer Terreur? 

R. II consid^re attentivement le langage commui> 
des hommes ; il observe quelle id^ ils attachent gi- 
n^ralement k telle ou telle expression qui re^ient fr^-* 
quemment dans les discussions scieftifiques ; il s'^tu^ 
die k determiner cette id6e d'une mani^re bien nette 
et precise. 

D. Par exemple ? 

?, Par exemple : Qu'est-ce que substance, quantil^^ 



DU SENS COMMUN. 53 

relation, quality, genre, esp^ce, nom, verbe, discours, 
etc. VoilJi ce qu'il ^claircit d'aprfes le sens commun , 
dans ses categories ou appellations. Une bonne partie 
de ce travail sert de fonds k ce que Ton connaft sous 
le nom de grammaire. II est meme telle d^flnition, 
enlre autres celle du verbe, dont les grammairiens 
modernes n'ont pu alteindre la bri^.ve justesse. 

D. Procfede-t-il de m^me dans sa m^taphysique? 

R. La base de sa m^taphysique ou de sa science 
des id^es universelles, n'est pas d'un autre genre. 
Qu'est-ce qu'on entend par experience, art, science, 
sagesse? En combien de mani^res se dit principe, 
cause, element, nature, contraire, un, eire, substance, 
etainsi de suite? Telles sont les questions fonda- 
mentales qu'il commence par resoudre dans son ou- 
vrage de la Mdtaphysique. 

D. Donnez un exemple de sa methode. 

R. La methode dont il se sert se voit des les pre- 
mier et second cliapilres du premier livre, ou il cher- 
che k definir ce que c'estque la philosophic. 

D. Comment Aristote s'y prend-il pour trouver 
line definition exacte de laphilosophie? 

R. Tons les hommes^ dit-il, desircnt naturellement 
de savoir, non pas tant pour Vusage qu'ils peuvent en 
[aire que pour le plaisir mhne de savoir. La connais- 
^ance quils estiment le plus^ est ce qu'ils appellent 
sagesse ou philosophie ; tous sont persuades qu^elle 
s'occupe des premidres causes, des premiers principes. 
Pour s'en convaincre, il ny a qua considirer Videe 
que nous avons d*un sage ou d'un philosophe. Nous 
pensons d'abord quun philosoplie sait tout, autant 
que cela est possible, sans avoir cependant la science 



54 CATECniSUE 

des details ; ensuite quit suit ce quil y a de plus dif^ 
ficile ; sentir, par exemple^ est une chose commune a 
tous ; aussicst-elle facile^ et n'y a-f-i7 rien de philo- 
sophique W dedans. Puis nous regardons comme plus 
sage dans une science celui qui la sail avec plus de 
certitude et qui est plus capable d'en ddvelopper Ics 
causes. Parmi les sciences, nous appellerons plutot 
sagesse et philosophic cclle qui a pour but elle-meme 
et le savoir, que celle qui se rapporte a une autre ; 
celle qui commande^ plutot que celle qui sert. Telles 
sont les id^es que nous avons de la sagesse et des sages. 
Or , tout cela se trouve rcuni dans la science des pre^ 
mikres causes , des premiers principes , des notions 
universelles, Elle connatt tout en quelque sorte ; elle 
connatt ce quil y a de plus difficile^ de plus eloigne 
des sens ; elle connatt avec le plus de certitude, elle 
est le plus capable d'enseigner, elle est ce quil y a 
de plus scientifique, parce quelle connatt les premiers 
principes de toutes les sciences; c'est d elle a com- 
mander parce quelle sail pourquoi chaque chose doit 
se (aire, elle en connatt le bien final. 

D. Ce procWi^ d'Arislote me paratt admirable. 
C*est peut-^tre pour cela que ses definitions ont ele 
trouv^es g6n6ralement si exactes? 

R. II ajoute, pour confirmer son id6e de la phiio- 
sophie : L'histoire vient a Vappui de ce que nous rfi- 
sohs. On avait les choses n^cessaires pour une vie 
commode, lorsquon sc mit a cultiver la sagesse; ce qui 
fait bien voir que c'est pour elle et non pour une 
autre utilite que nous la cherchons. Comme nous ap- 
pelons libre, un homme qui existe pour lui et non 
jpour un autre, de mdme parmi les sciences, la philo^ 



ou SErfs coasatitf. 5?> 

Sophie schIc est la science libre, puree que settle ellt 
rt*existe qve pour elle. Aussi la possession en sera-t- 
file justement regardee comme une chose non hu- 
niainc : car la nature de Fhomme est esclave en bien 
des choses, Simonide a dit^ en consequence, que Dieu 
setd a ce don precieux. Mais comme la divinite nest 
point jalouse, les Jwmmes ne doivent pas perdre Ves- 
poir d'y partkiper. II ny a done aucune science plusi 
honorable ; car la plus divine est sans doute la plus 
honorable aussi. Or la philosophie Vest de deux ma- 
nieres. En effet , celle qwj Dieu posscde principalc- 
ment, et qui est la science des choscs divines, est cer- 
tainement la plus divine des sciences. La sagesst a ces 
deux avantages: s'occupant des causes, elle s*occupc 
de Dieu que tous regardent comme cause et principe : 
ensuite Dieu la possede ou bien lui scuU on bicnprin- 
cipalement. Les autres sciences peuvent done i'tre 
plus necessaires en la vie, mats aucune nest meil- 
leure (1). 

D. Wc vous scmble-1-il pas que dans ces belles pa- 
roles, sous le nom de sagesse ou d'amour de.la sa- 
gesse, Aristote unit ou confond les deux sciences que 
Ton a distingu^esdepuis, la pliilosophie et la tli^ologie, 
et que c'est k cette derniere surtout que reviennent 
les grands ^loges qu'il en fait ? 

R, It n'y a point de doute. 

D. Que peut-on remarquer encore dans ce pas- 
sage ? 

R. On y voit que, pour trouver la di^fmition de la 
sagesse ou de la philosophie, et il en est ainside lout, 
Aristote ne fait que rt^sunier les notions communes 

(!) Arisf., Metaph. I 1, c. i et 2. 



r>f) CAT^CniSMC 

que tout le monde en a. On y voit aussi que, suivant 
Aristote comme suivant Platon, la sagesse habite en 
Dieu seul, et que ce n*est que par la bont^ divine 
que nous y avons part. lis sembUnt Fun et Tautre un 
lointain ^cho de Salomon, qui nous roontre la sagesse 
(*ngendr^e de TEternel avant tons les si^cles , arran- 
geant avec lui toutes choses, Be jouant devant lui 
dans Tunivers, faisant ses d^lices d'etre avec les en- 
fants des homines, et ^levant sa voix jusqu'aui portes 
dcs cit^s. (Proverb.) 



GBAPZTIUS XZZII. 

D. Avez-vous encore quelque chose k dire sur 
Aristote ? 

R. Oui : et m^me plus d'une chose. 

D. Quelle est la premifere ? 

R. En consid^rant lelangagecommundeshoinmes 
avec son attention r6fl6chie, Aristote fit une d^cou- 
verte, qui, petite en apparence, a eu d'immenses r6- 
sultats, en donnant a Tintelligence et k la parole hu- 
maine, quelque chose de plus suivi, de plus nerveux 
et de plus ferme qa'elle n'avait auparavant. 

D. Quelle est done cette d^couverte k la fois si 
petite et si grande? 

R. Le premier, Aristote remacque la forme nalu- 
relle et complete du raisonnement, le syllogisme, en 
constate le* regies et les abus. 

D. Qu'est-ce que vous trouvez vous- m6me de plus 
remarquable dans le syllogisme? 

B. Chose ^tonnante ! Gic^ran et saint Augustin unt 



DD SENS COMMUN. 37 

trouv6 dans la philosophie d'Aristote et de PlUton une 
€sp^ce de trinity scientiGque : Tetre, la v^rit^, le bien. 
Une trinity analogue se r^vMe dans le raisonnement 
complet. 

D. Comment cela? 

R. Le void : Dans le raisonnement complet ou le 
syllogisme, on distingue trois propositions : la ma- 
jeure, la mineure et la conclusion ; et troLs id^es 
principales ou trois termes, les deux extremes et le 
moyen terms ou le m^iateur. 

D. Je voisbien le nombre trois et dans les proposi- 
tions et dans les termes. Mais n*y a*t-il que cela? 

R. II y a plus. Le syllogisme est parfait lorsque, la 
premiere proposition subsistanl par elle-m^me, la se- 
conde precede de la premi^re^ et que la troi^i^me pre- 
cede de la premiere et de la seconde: comme dans la 
Trinity divine, le P6re subsiste par lui-m6me, le Fils 
procfede du Pere, et le Saint-Esprit procfede du P6re 
et du Fils. 

D. Gette analogie est sans doute remarquable : y 
aarait-il quelque chose de semblable pour les trois 
terraes? 

R. Oui : Car le syllogisme est encore parfait lors- 
que le moyen tenne ou le mOdiateur, quoique person- 
nellement distinct des deux extremes, est cependant 
de m^me nature que Tun et Tautre : comme dans le 
myst^re de rincarnatioo, le mOdiateur ou le Christ, 
quoique personnellement distinct de Dieu le P^re et 
de rhomme, les deux extremes qu'il s'agit de t€- 
coocilier, est cependant de la nature de Tun et 
die Tautre. 

D. Ges deux regies du syllogisme me paraissent ||^ 

6 



58 CATEGIIISME 

ia fois bien neuves et bien aDcieiuies. Ne pourraient- 
elles pas remplacer les autres ! 

R. Elles le pourraient; car, au fond toutes les 
regies anciennes et moderDes du syllogisme revien- 
nent k cette ubM dans la trinity, et h cette trinity 
dans runit6; reviennent h cette ressemblance avec 
les deux principaux myst^res de la foi chr^tienoc. 



CHAPITRE ZZZZII. 

D. Mais, suiyant Aristotc, sur quoi reposcnt les 
propositions fondamentales da raisonnement? 

R. Suivant Aristote, les propositions fondamen- 
tales desquelles ^mane la conclusion reposent uni- 
quement sur la foi. 

D. Quelles sont ses propres paroles? 

R. II y a demomtration^ dit-il, lorsquc le syllo- 
gisme procdde de propositions vraies et premieres, ou 
bien de propositions emanees de celles-ci, 

D. Qu'est-ce qu'il appelle propositions vraies et 
premieres? 

R. Voici ses paroles : Sont vraies et premieres, 
':eUes qui obtiennent crdance, qui persuadent par elles- 
mimes et non par d*autrcs. 

D. En donne-t-il quelque raison ? 

R. Voici la raison qu'il en doune : Car dans les 
principes scientifiques, il ne fautpas chercher lepeur- 
quoi ; mxiis chacun desprincipes doit dtre cru, doit etrc 
de foiparlui-mime, {Top, L 1, c. 1.) 

D. Quelle consequence tire-t-ilde Ik? 

R. II tire de Ici cette consequence, que c'est une 



DU SE?rS COMMUX. 50 

n^cessil^ de croire aux principes et aiix prt^misses 

plus qu'k la conclusion (1). 

D. Qu'est-ce qu'il dit encore sur les principes dd- 
monstralifs ? 

R. J'appelle principes d^monstralifs. dit-il encore, 
les opinions communes par lesquelles tons les hommes 
demontrenl: par exemple, qu'il n'y a pas de milieu 
eotre le oui el le non, qu'il est impossible qu'une 
chose soil tout k la fois et ne soit pas, et autres pro- 
positions semblables (2). 

D. Que concluez-vous de tout ceci ? 

R. Ainsi done Aristote fonde les premiers prin- 
cipes, non sur T^vidence, comme on le lui fait dire 
dans bien des livres , mais sur la foi, la persuasion 
commune, mais sur le sens commun. 

D. Que concluez-vous encore? 

B. La science n'exclut done pas la foi, mais la pri^- 
suppose au contraire. Cela est tellement vrai qu' Aris- 
tote dit dans un passage : Quiconque croit et connait 
les premiers principes, celui'ldsait (3). Et ailleurs 11 
approuve qui d^Onirait la science. Une conception 
tres'digne de foi. {Top.^ L 6, c. 2,) 

]). De quelle foi parle ici Aristote. 

R Quand Aristote parle de lu foi aux premiers prin- 
cipes, de croire aux v6rites premieres, il parle de 
cette foi humaine et naturelle qui est dans Tindividu 
comme la base de la raison bumaine ; il parle de v^- 
rit<^s de Tordre naturel r6v616es par le langage hu- 
main, et qui ne supposent dans Tindividu que le d^«- 
veloppemfnt naturel de son intelligence native. 

(i) Analy!>. post, 1. 1, c. 2 , sub fin. 

(2) Mefaph., I. 2., cap. 2, alias. I. 3, c. 3. 

(3) Dc morib. ad Nicom., I. 5, c. 2, alias c, 3. 



CiO CATECUISME 



CHAPITRS X3CKZV. 

D. Aristote s*appuie-t-il sur le m6me fondenient 
dans sa dialectique? 

R. Aristote s*appuie toujours sur le ineme fonde- 
inent pour (^tablir sa dialectique ou sod art de dis- 
cuter scientifiquement. 

D. Faites-le voir par ses propres paroles. 

R. Examinant quelles propositions il conyient de 
(liscuter ou non, il s'exprime en ces termes reroar- 
((uablfts. Personne ayant du sens n'entreprend a 
prouver ce qui nest approuve de personne , ni ne 
rvvoquc en question ce qui est inanifeste a tous ou a la 
plupart : car ceci ne presente aucun doute, et ccla, 
nul neVadmettrait, {Ibid,, L 1, c. 8.) 

D. Que conclut de Ik Aristote ? 

R. La proposition dialectique est done une propo^ 
sition qui parait probable, soit a tous, soit a la plu- 
party soit aux plus renommes, pourvutoutefois quelle 
ne soit pas un paradoxe, car on adtnet volontiers le 
sentiment des sages, des qu'il n'est pas contraire au 
sentiment du grand nombre, (Ibid, ) 

D. Aristote pense-t-il qu'il faille discuter toute 
proposition quelconque ? 

R. Ecoutez ses paroles : Se mettre en peine de ce 
que le premier venu avance de contraire au sentiment 
commun, est une sottise, II ne faut pas examiner tout 
probUme ni toutes propositions, mais ccUe-ld seule- 
ment au sujet de laquelle pourrait avoir des doutes un 
homme ayant besoin dc raison, et non pas de chdtiment 



DU SENS COMML?(. ()f 

qu dc sensation. Car ccux qui douteraicnt s*H faut 
honorer la divinitd, aimer ses parents ou non, ccux- 
Id ont besoin d'etre chdtics ; ceux qui doutent si la 
neigc est blanche ou non^ ont besoin de voir, (Ibid. , 
r. 9.) 

D. Gertes Arislote me parait plein de bon sens. 

R. II ajoute : // ne faut non plus s'occuper de pro- 
hlemes dent la demonstration est trop pres ou trop 
loin : dans le premier cas^ il ny a point de doutc ; 
dans le second unc discussion nen viendrait point a 
bout, Ainsi parle Arislote. 

D. De Ik que conclaez-vous entre autres. 

R. Geux-lk done qui ont perdu leur temps en de 
vaines disputes ^taient certainement bien loin de 
suivre lespr^ceples d' Arislote. 



GBAPITRB XMXV. 

D. Est-ce qti' Arislote n\i rien invents sur le doute 
scientifique ou m^thodique ? 

R. No n : Aristolc n'a rien invents sur cet article ; 
iiiais il a remarqu^ quelque chose qui existe depuis 
toujours. 

D. Quelle ej=t celte chose qu'Aristole a remarqu(5e? 

R. Arislote, le premier, a remarqu6 et consign^ 
par ^crit la n^cessil^ et les homes legitimes du doute 
m^thodique, pour acqu6rir une science veritable. 

D. Quelle preuve nvez-vous de voire assertion ? 

R. Dans sa m^taphysique, on lit un chapitre inti- 
tule : Usage du doute et oil il faut douter. 

D. Ge litre seul est d(^jk remarquable : mais, de plus. 



(12 CATEGHISMH: 

qu'est-ce que dit Arislote dans ce cliapitre ? 

R. Pour parvenir a la science que nous chcrchons,^ 
dit-il, cest arte nccessite d* examinsrd* aborden quellcs 
ckoses il faut douter ; ce sont celles oil quclques-uns 
pensent differemment des autres, et celles encore ou, 
sans cela , il a He omis quelque chose do principal, 
{McUiphysique, 1. 2, C.l.) 

D. Que concluez-vous de Iti? 

R. Ainsi done Aristole, d'accord avec le bon sens, 
n'entend pas qu'on doive, ni m^me qu'on puisse dou- 
ler de tout, mais Ik seulemenl ou les avis sont parla- 
gpes, et ou Ton s'apercoit qu'une consideration impor- 
tante a ^le negligee. 

D. Et alors, pour rendre h chacun ce qui lui appar- 
tient, que faudrait-il dire? 

R. Pour rendre ci chactm ce qui iui appartient, il 
faudra dire, d*apr^s ce que nous venons de voir, que 
c'est Aristole qui, il y a deux mille ans, a d^couverl 
et consign^ par ^crit I' utility et les regies du doute 
inethodique. 



CBAPITRE XXXVl. 

D. Mais ce doute scientifique, d^couverl et eiire- 
gislre par Aristole, ily aphis devingl siecles, les sa- 
vants raodernesn'ont-ils pas dit, ne disenl-ils pasen- 
rore, qu'ila6l6 invents par Descartes, il y aseulement 
deux siecles? 

R. Oui : ce doute scientifique, d^couvert et enrc- 
gislre par Aristote, il y a plus devingl slides, comme 
on Ic voit dans ses ouvragos, les savants modernfts 



DU SE.NS COMMIN. fio 

ont dit et disent encore, dans leurs livres, dans les 
academies, dans les chaires deprofesseur, m^medans 
la tribune legislative, qu' il a et6 invents par Descartes, 
il y a deux slides seulement, et que c'cst kcette pro- 
digieuse invention que nous devons d'avoir plus d'eg- 
pril et de science que les anciens. 

D. La gloire de Descartes serail done d'avoir inven- 
i^ une chose, trouv6e et connue depuis deux raillc ans ? 

R. Ce n'est pas toul-k-fait cela. 

D. Que sera-ce done ? 

R. La v^rite est qu'Aristote, ainsi que nous Tavons 
vu, adecouvert Tutilil^ et les regies du doute ra^lho- 
dique, et que Descartes, interprets par les CarlSsiens, 
n'a invents qu'un doute sans mSlhode, sans regie et 
sans remede. 

D. Ge que vous dites-lh est bien hardi : cela dc- 
inande des preuves. 

R. En voici : Descartes, interprets par les CarlS- 
siens, veut qu'au moins une fois dans sa vie, chacun 
rSvoque sSrieusemenl en question tout ce qu'il a cru 
jusque-lk : les premiers principes, meme sa proprc 
existence. 

D. Eh bien ! Tentreprise est chanceuse, je l*avoue ; 
mais peul-etre Descartes a-t-il un moyen sur pour sor- 
tirde 1^. 

R. Eh bien ! pour sorlir de ce doute universel, Des- 
cartes, interprets par les Cartesiens, ne donne h chacun 
que sa propre raison, cette mSme raison qui doute 
d'elle-mSme aussi bien que de tout leresle : en un mot 
pour sortir du doute, il ne prSsente d*autre moyen que 
ce doute meme, c'est-k-dire qu'il n'en prSsente aucun. 

D. Prouvez par un exempfc ce que vous diles. 



()i CiTKCUISHB 

R. On le voit par son propre exemple. Apres s'^lre 
mis idouler detoules les v6rit6s, m^me des plusuni- 
versellement reQues, Descartes cherche k se prendre 
h quelque chose de certain. II lui semble d'abord qu'S 
I>eut 6lablir celte r^gle g6n6rale : Tout ce qtie j'aper- 
^ois claircment et distinctement est vrai Mais un doute 
I'inqui^le. N*y a-t-il pas quelque ^tre invisible ; assez 
puissant et assez m^chant pour m'abuser dans les 
choses mftme que je crois connallre avec la plus grande 
Evidence? 

D. Ge doute est infmiment grave, et suit naturel- 
lement de sa mdthode. Comment Descartes fait-il pour 
ensortir? 

R. Pour sortir de ce doute, je dois examiner, dit-il, 
s'il y a un Dieu ; et, si je trouve qu'il y en a un, je 
dois encore examiner s'il peut me Iromper. Car sans 
la cannaissance de ces deux vMtes^ je ne vois pas que 
je puisse jamais ctre certain d'aucune chose! 

D. Dans la position ou Descartes s'est mis, je crois 
qu'il a raison. Mais comment va-t-il sortir de Ik ? 

R. Je dirai comme vons, mais comment, selon Des- 
cartes , serai-je assure que Dieu est ? Parce que Tid^e 
de Dieu est la plus claire et la plus distincte de toutes 
celles qui sent dans man esprit? Ainsi d'un c6l6, si Dieu 
n*est pas, mes perceptions les plus claires et les plus 
distinctes pourraient me tromper ; et d'un autre c6t^, 
Dieu est, parce que, s'il n'^tait pas, mes perceptions 
rJaires et distinctes me tromperaient. L'existence de 
Dieu prouve la v^rit6 de mes perceptions, claires et dis- 
tinctes, et mes perceptions claires et distinctes proii- 
vent Texisteuce de Dieu. G'est-k-dire que Descartes, 
k prendre ses expressions ^ la rigueur> ne sort de 



Di: SE.XS COMMLTf. 05 

son doute que par une absurde contradiction, ou plu- 
t^t qu'il n'en sort point. \o\\k dans le fond , tout le 
secret qu'il a invents. 

D. Qui est-ce qui en a jug6 de la sorle ? 

R. Le savant Huet, 6v6que d'Avrancbes ; et il n'esl 
pas le seul. ( Huet. Ccnsura philosophicB cartesiana, 
Lahhe F, de la Mennais. Defense de VEssai sur Vin- 
diff. en mat. de Religion, ) 



GHAPITRS XXXVn. 

D. Mais Descartes n'a-t-il pas donn^ des explication!^ 
sur ces difficulles ? 

R. Descartes a donn^ sur ces difficult^s, des expli- 
cations tr^s-authentiques et qui se trouvent dans toutes 
les Editions de ses centres, 

D. Que r^sulte-t-il de ces explications de Descartes? 

R. D'aprfes ces explications tr^s-aulhentiques, Des- 
cartes ne pretend nullement soumeltre au doute eih 
Texamen les premiersprincipes de laraison naturelle, 
ni les conclusions principales et pratiques qui en d^- 
coulent , mais uniquement les conclusions m^lapby- 
siques qui constituent la science proprementdite. En< 
core soumet-il ces conclusions au doute etcirexamen, 
non pas de tout esprit, mais seulement des esprits so- 
ndes et exerc^s, qu'il reconnalt 6tre en fort petit 
nombre. Enfin il excepte formellement et h plusieurs 
reprises m^me du doute et de Texamen des esprits les 
plus capables, toutes les v6ril6s surnatnrelles, toutes 
les v^rit^s de la foi chrdtienne, atteadu que de leur 
nature elles sont au-dessus des lumieres naturelles de 



00 CATi'XfUsMK 

la raison, el que pour les saisir et les bien entendre 
il faut la lumiere surnaturelle de la gr^ce ct de la foi, 
qui se manifesle par renseignementde I'lilglise calho- 
lique. 

D. D'apr^s celte doctrine de Descartes, quels se- 
ralent les moyens surs pour dislinguer la v^rit^ de 
t'erreur, pour distinguer F^vidence veritable de I'^vl- 
dence apparente? 

R. li y aurait les trois r^gles saivantes. 
D. La premiere ? 

R. Quant aux premiers principesde la raison natu- 
relle et leurs principales conclusions, on peul consul- 
ler le sens commun de tous les hommes. 
D. Laseconde? 

R. Dans les conclusions doign^es et scientifiques 
du meme ordre naturel, consultez le sens commun 
des doctes. 
D. La troisieme ? 

R. Mais dans les v^rit^s, principes el conclusions, 
de r ordre surnaturel, qui constituent la f(^.v61ation pro- 
prement dite, et m6me dans les matieres de Tordre 
naturel, raais qui selient k Tordre surnaturel, la regie 
souveraineet infaillible, c'est la divine aulorit^deVE- 
glise catholique. 

D. Ces trois regies se d(5couvrent-elles vraimenl 
dans les Merits et laconduite de Descartes? 

R . Oui , ces trois regies se d^couvrent dans les ^ciits 
et la conduite de Descartes lui-m^me. II reconnait 
d'abord que les premiers principes de la raison natu- 
relle sont conirauns et m^me inn6s k tous les hommes. 
Quant aux conclusions ^loignto et scientifiques, il ne 
veut de jnges que les plus solides esprils. Mais pour 



Dl SEN< COMMIT. 07 

ce qui est de I'ordre surnalurel, des v^rilcs de la loi, 
ousimplement de ce quiparait y toucher, commel'o- 
pinion surle mouvement de la terre, il s*en rapporte 
k Tautorit^ de TEglise ; et comme le remarque Bossuet, 
on lui voit prendre des precautions dontquelques-unes 
allaienl jasqukTexces (1). 

D. Quel bien r6sulte-t-il de lout ceci ? 

R. On aurait ainsi, suivant le degr^ des malieres, 
trois regies de certitude pour dislinguer la virile do 
I'erreur, T^vidence r^elle de r^vidence apparente, el 
lout le domaine inlellectuel fonclionnerait d'accord. 



GHAP.ZTRS ZXXVZll. 

D. Qu'est-cequi apouss6 Descartes ison douteral- 
sonn6 ? 

R. Ce qui a pouss6 Descartes k sondoute raisonn^, 
c'est un vif d^sir de prouver aux sceptiques, aux alh^es 
et aux mat6rialistes I'exislence de Dieu et rimmale- 
Halite de T^me. 

D. Comment cela? 

R. Le voici. Les sceptiques, les atli^es et les mate- 
rialistes mettaients^'ieuseraent en doute ces premieres 
v^ril^s de la raison et de la morale. Pour les gu(^rir, 
Descartes s'inocule en quelque sorle leur maladie. Jl 
soumet au doute et h I'examen lous ses jugcments ou 
doutes scientifiques. 

D. Quel est le premier r^sultat ? 

R. Tou jours il lui resle cefait Evident : Que quel- 
qu'un me trompe ou ne me Irorape pas, toujours est- 

(1) Bossuet. t. 38, Edition Lebel. Lettre 253 5 M. Partel, ' 



68 CATfccmsMf: 

il que je doute, que je pense ; done je suis, et je suis 
line chose qui pense. Voilkdonc, en tout cas, quelque 
chose de certain. 

D. Quel est le second r^sultat ? 

R. Ce qui n'est pas raoinscertain, c'est q^e cc n'est 
pas moi qui me conserve Texistenoe d'un moment h 
I'autre, pas plus que je ne me la suis donn6e. Celui qui 
me Ta donn6e et me la conserve, c'est done Dieu, cet 
^tre infiniment parfait, dont j'ai Tid^e claire et nelte 
commede moi, et dont celteid^e implique rexialence 
m^me. Telle est pour le fond, I'argumentation gra- 
duelle dans ses six mMitations m^taphysiques. 

D. Quel est en deux mots, son proc6d6 ? 

R. Evitant les longs circuits des raisonnements or- 
dioaires, il espfere alteindre en trois pas ces grands 
ren^gats de la raison naturelle: les sceptiques, les 
ath^es, lesmat^rialistes; les saisir par leur doute meme, 
et leur montrer que tant qu'ils ne reconnaissent pas 
I'exislencede Dieu, toutesleurs sciences n'ontaucune 
certitude raisonnde. 

D. Que conclure de la par rapport a Descartes? 

R. Maintenant, lors m^me que Descartes n'aurait 
pas r^ussi dans son entreprise, ce serait toujours une 
gloire de Tavoir tent^e. Mais il y a plus .• h notre avis 
du moins, il a r^ussi pour qui sait le lire et le com- 
prendre. 

D. Qu'est-ce qu'on voit encore en cela? 

R. On voit aussi combien il avail raison de dire que 
cette argumentation avec les sceptiques, les ath^es et 
les mat^rialistes, ne convenait pas h tout individu, 
mais seuleraent ^ des esprits d^gag^s des images cor- 
porelles, et exerc6s h rescrimeduraisonnement. 



DU SENS GOMMIK. 6d 

ft. En avez-vous une preuve de fail ? 

R. Une preuve de fait, c'est que les meiileurs es- 
prits de son temps, les Gassendi, les Mersenne, ne 
cemprenaient pas loujours le sens et les limites pre- 
cises de son syst^me de philosophies tant par la diffi-^ 
calt6 de la chose, que parce que lui-m^me ne s'ex{)ri- 
mait pas toujours avec assez de nettet^ et de pr^- 
eision. 

D. De 1^? 

R. De \k une longue suite de sept series d*objec^ 
lions, les septi^mes de la part du J^uite qui profes^ 
sait la philosophie au college de La Fl^che, ou Des- 
cartes avail fait ses etudes. 

D. Que trouve-t-on dans les r^ponses de Descartes? 

R. G'esl dans les r^ponses de Descartes k ces ob- 
jections que nous avons trouv^ ces explications au- 
tbentiques qui donnenl k sa philosophie un sens tout 
autre qu'on ne croit commun^ment, et qui lui conci- 
li^rent peu h peu les auteurs de ces objections ^ nom' 
moment le J^suite. 



CBAPtTRE XXXIX« 



D. Quelles sont les principales de cies explications? 

R. Les voici: Dans ses R^ponses au recueil dts 
principales instances, faites par le chanoine Gassendi, 
Descartes s'exprime en ces termes : « Vos amis re- 
roarquenl trois objections centre la premiere medita- 
tion, k savoir : !•. que je demande une chose impos- 
sible, en voulanl qu'on quitte toutcs series de pr^jug^s; 
2« qu'en pensanl les quitter , on rev^t d'autres pr^. 



70 GATECUISME 

jug^squi sont plus pr^judiciables ; d"" et que la m^^ 
tbode (le douter de tout que j'ai propos^e, ne peut 
Bervir k Irouver aucune v6ril6. » 

D. Que r6pond Descartes k la premiere objection ? 

R. La premiere de ces objections, dit-il, est fondle 
sur ce que i'auteur de ce recueiln'apasconsiddr^que 
le mot de pr^jug^ ne s'6tend point k toutes les notions 
qui sont en notre esprit, notions dont j'avoue qu'il est 
impossible de se d^faire, mais sculement k toutes les 
opinions qu'ont laiss^esdans notre espritlesjugements 
que nousavons porii^s auparavant; et parce que c'est 
une action de la volont^ que de juger ou de ne juger 
pas, ainsi que j'ai expliqu^ en son lieu, il est ^videot 
qu'elle est en notre pouvoir; car enfin, pour se d^fairc 
de toutes sortes de pr^jug^s, il ne faut autre chose 
que se r^soudre a ne rien assurer ou nier de tout ce 
qu'on avait assure ou ni^ auparavant, sinon apr^s Ta- 
voirde rechef examine, quoi qu'on ne iaisse pas pour 
cela de retenir toutes les m^mes notions en sa m^- 
moire. J'ai dit n^anmoins qu'il y avait de la difficult^ 
li chasser ainsi hors de sa cr^ance tout ce qu'on y 
avait mis auparavant ; partie k cause qu'il est besoin 
d'avoir quelque raison de douter avant que de s'y de- 
terminer, et partie aussi^ci cause que, quelque r^so- 
ktion qu'on ait prise de rien niei* ni assurer, on s'en 
oublie ais^ment par apres, si on ne Ta fartemenl im- 
prim^e en sa m^moire : c^est pourquoi j'ai d^sir^ qu'en 
y penstlt avec soin. » 

D. Que r^pond Descartes k la seconde objection ? 

R, « La seconde objection^ dit-il, n'esl qu'uii^ 
supposition manifestement fausse. Car, encore que 
j'aie dit quit fallait m^me s'edorcer de nier les chords 



r 



fit StS% COMHCN. 71 

qu^on avait trop assurces auparavant , j'ai tres-ex- 
press^Qient limits que cela ne se devait faire que 
pendant le temps qii'on porlait son attention k cher* 
eber quelqne chose de plus certain que tout ce qu'oti 
pourrait ainsi nier ; pendant lequel temps il est Evi- 
dent qu'on ne saurait se rev^tir d'aucun pr^juge qui 
soil pr^judiciable. » 
D. Que r^pond Descartes k la troisieme question ! 
R. ({ La troisieme aussi, dit-il, ne contientqu'une ca- 
villation ; car, bien qu'il soit vrai que le doute seul ne 
suffit pas pour etablir aucune v^rit^, il ne laissepas 
d'etre utile a preparer Tesprit pour en ^tablir par 
apres ; et c'est a cela que je Tai employ^ (!).» 
D. Que dit-il encore un peu plus loin ? 
R. Un peu plus loin, au sujet de la seconde medi- 
tation, Descartes dit des objections qu'on lui faisait: 
<(La seconde objection que remarquent ici vos amis, 
c'est que pour savoir qu'on pense, il faut savoir ce 
que c'est que penser; ceque jene sais point, disent- 
il«, k cause que j'ai tout ni^. Mais je n'ai ni^ que les 
pr6jug6s, et non point les notions, comme celle-ci, qui 
se connaissent sans aucune affirmation ni negation. » 
{Ibid,, p. 258 et 259, in-12. Cousin, p. 306, in-8.) 

D. Que penser alors des partisans et des adversaires 

de Descartes qui supposent que le premier principe 

de sa philosopbie est derejeter tons les principes, tous 

les axi6mes? 

R. Je conclus que ni les uns ni les autrcs ne con- 

(1) Les MMitations m^taphyslqu^s de Hen^. Descartes* 
Paris, 172/i, t. 2., in-12, p. 255-257.— CEuvrcsde Descartes, 
pobli^eg par Victor Cousin, Pv'w, 1825, t. 2, in-8, p. 3^3* 
906* 



1i CAtEGUlSHfi 

naissent les explications, les vrais priocipes de celui 
qu'ils d^fendent ou combatteot. . 



GHAPITftE XL. 

D. Comment Descartes justifie-t-il son fameux 
syliogisme ou argument : Je pense done je suis? 

R. Mais il declare que ce n*est pas un syliogisme. 

D. Comment ce syliogisme, enthym^me, raison- 
ment, argument, pour ou contre lequel s'escriment tous 
les partisans et les adversaires de Descartes, lui-meme 
d^clarerait que ce n'est pas un syliogisme , pas un 
argument ? 

R. Voici ses propres paroles, qu*on lit dans se» 
Riponses aux setondes objections , recueillies de plu- 
sieurs th^ologiens et philosophes,par le p^re Mersenne, 
teligieux Minime : « Qtiand nous apercevons que nous 
sommes des choses qui penseot , c'est une premiere 
notion qui n*est tir^e d'aucun syliogisme. Et lorsque 
quelqu'un dit : Je pense, done je suis ouj*existe, ii ne 
conclut pas son existence de sa pens^e , comme par 
la force de quelque syliogisme , mais comme on voit 
une chose conuue de soi , il la voit par une simple 
inspection de Tesprit ; ainsi qu'il parait de ce que, s*il 
la r^duisait h uri syliogisme , il aurait d^ auparavant 
connaitre cette majeure : Tout ce qui pense, est ou 
existe ; mais au contraire elle lui est enseign^e de ce 
qu'il sent en lui-m^me qu'il ne se pent pas faire qu'il 
pense s'il n'existe. Car c*est le propre de notre esprit 
de former les propositions g^n^rales de la oonnais- 
sance des particuli^res. )> (Descartes, t. I , p. 89 et 



\ 



BU SfiNS GOMMUK. 73 

90,10-12. — T. I, p. &26-/i28» in- 8. Goasin.) 
D. Mais comment Descartes peot-il dire, je peme, 
fexiste, lui qui ne sail pas encore philosopbiquement 
ce que c*est que la pens^e et Texistence? 

R. Descartes r^pond'kcette diiBcult^ au commence* 
ment de sesReponses aux sixiitnes objections ^ faitespar 
divers tb^ologiens, philosophe& et g^om^lres. « C^esl 
mie chose tr^s-assur^e, dit-il, que personne ne pent 
^tre certain s'ii pense et s'il existe, si premi^rement 
il ne sail ce que c'est que lapens^eetque I'existence. 
Son que pour cela il ait besoin d'une science r^fl^chie 
QQ acquise par demonstration; et beaucoup moins de 
ta science de cetle science, par laquelle il connaisse 
qu'il sail, et de rechef qu'il salt qu'il sait , et ainsi 
jusqn'^ rinfini, 6tant impossible qu^on en puisse ja* 
inais avoir une telle d'aucune chose que ce soit ; mais 
fl suffit quMl sache cela par cette sorte de connais* 
aance iot^rieure qui pr^cMe toujours Tacquise, et qui 
est si naturelle k tous les hommes, en ce qui reganle 
la pens6e el Texistence, que bien que peut-6tre ^tant 
aveugl^s par quelques pr^jug^s et plus attentifs au 
8on des paroles qu^ii leur veritable sigoiGcation, nons 
puissioos feindre que nous ne Tavons poiut, il eslnd- 
anmoiris impossible qu'en effet nous ne Tayons. Ainsi 
done, lorsque quelqu'un apergoit qu'il pense et que 
deliiil suit ^videmmentqu'il existe, encore qu'il oese 
soit peut-^tre jamais auparavaot mis en peine de sa- 
voir ce que c'est que la pens^e et que rexistence^ il 
ne se pent faire n^anmoins qu'il ne les connaisse 
assez Tune et Tautre, pour £tre en cela pleinement 
Wtisfait ? » ( T. 2, p. 200 et 291, in-12. — T. 2, p. 
333 et 334» in-8, Cousin.) 

7 



N 



74 cATECflign 

D. D'aprto tOQt cela, est-il exact de dire que Des- 
cartes commence par se mettre dans ntt isolement 
absolu des autres hommes, dans un doute absola de 
toutes les v^rit^s ? 

R. Gela n'est pas exact : car toujours il admet et 
le langage humaio, et les notions communes, les pre* 
miers principes de la raison humaine: son isolement, 
son doute n'est relatif qu'aux consequences m^taphy- 
siques que les savants tirent de ces notions communes, 
et qui constituent la science proprement dite; et cet 
isolement, ce doute n'a pour but que de verifier bt 
jttstesse de ces deductions scientifiques. 



GHAPITRE ZLX. 

D. Dans quel sens Descartes dit-il qu'on ne peat 
rien savoir certainement, si on ne connatt premiere- 
ment que Dieu existe? 

B. Voici comme lui-m6me s'explique dans sea 
R^ponses aux secondes objections : a Lk ou j'ai dit que 
nous ne pouYons rien savoir certainement, si nous ne 
connaissons premi^rement que Dieu existe, j'ai dit en 
termes expr^s que je ne parlais que de la science de 
ces conclusions dont la m^moire nous peut revenir 
en Tesprit, lorsque nous ne pensons plus aux raisons 
d'o& nous les avons tiroes. Gar la connaissaoce des 
premiers principes n'a pas accoutum^ d'etre appeiee 
science par les dialecticiens. » « 

D. A quelle partie de ses oeuvres Descartes faisait* 
il ici allusion T I 



m SENS COXHUK. 75 

B. A la mMitation cioqui^me, De Vexistence des 
chases materielles; et de rechefde Dieu : qu'ilexiste^ 

R. Qu'est-ce qu'il y dit par rapport k la question qui 
nous occupe? 

B. u Et pour ce qui est de* Dieu, dit-il, certes, si 
moD esprit n'^tait pr^yenu d'aucuns pr^jug^s, et que 
ma peus^e ne se trouv&t point divertie par la pre^ 
sence continuelle des images des choses sensibles, il 
n*y aurait aucune ehose que je connusse plut6t ni plus 
iaeilemeot que !ui. Gar y a-t-ii rien de sol plus clair 
et plus manifeste que de penser qu'il y a un Dieu, 
c*esl-h-dire un. tire souverain et parfait, en Fid^e dn- 
quel seul Texistence n^cessaire ou ^ternelle est com- 
prise, et par consequent qui existe 7 Et quoique, pour 
bienconcevoir cette v^ril^J^aieeubesoin d'unegrande 
application d'esprit, toutefois k present je ne m'en 
tiens pas seulement aussi assure que de tout ce qui me 
semble le plus certain ; mats outre cela je remarque 
que la certitude de toutes les autres choses en d^ 
pend si absolument, que sanseetteconnaissance il est 
impossible de pouvoir jamais rien savoir parfaite* 
ment. » 

D« Comment Descartes prouve-t-il cette conse- 
quence ? 

R. a Gar, dit-il, encore que je sois d'une telle na- 
ture que, d^s aussitdt que je comprendsquelque chose 
fort claireoient etfort distinctement, jenepuism^em- 
p^cher de la croire vrale, n^anmoins, parce que je 
suis aussi d'une telle nature que je ne puis pas avoir 
I'esprii cootinuellement attache k une m^me chose, 
et que souvent je me ressouviens d^avoir juge une 
chose etre vraie, lorsque je cesse de considerer les 



76 GATlfefllSMS 

raisoDS qui m*ont oblige de la juger telle, il peatjan* 
river pendaat ce temps-Ik que d'autres raisons se pr6- 
sentent k moi, lesqueiles me.feraient ais^ment chan- 
ger d'opinioOy si j'ignorais quMI y eutun i>iea;et 
ainsi je n'aurais jamais une vraie et certaioe scienct 
d'aucune chose que ce soit» mais seulement de vagues 
et incoostantes opinions. » 

D. Comment Descartes prouye«t-il qu'avec la coin 
naissance de Dieu on peut avoir une science parfaitet 

R. (( Mais, contioue-t-il, aprfes avoir reconnu qu'il 
y a un Dieu, pour ce qu'en m^me temps j'ai recoDnu 
aossi que touteschoses dependent delui, et qu'il n'est 
point trompeur, et qu'ensuite de cela j'aijug^ que tout 
cequeje consols clairement et distinctement nepeot 
manquer d'etre vrai ; encore que je ne pense plus anx 
raisons pour lesqueiles j'ai jug6 cela ^tre veritable, 
pourvu seulement que je me ressouvieome de Tavoir 
dairement et distinctement compris, on ne me peut 
apporter aucune raisoo contraire qui me iafasse ja- 
mais r^voquer en doute, et ainsi j'en ai une vraie et 
certaine science, Et cette m^me science s'^tend aussi 
k toutes lesautreschosesquejemeressouviens d'avoir 
autrefois d^montr^es, commeanx v^rit^ delag^mA- 
trie, et autres semblables. » 

D. Quelle conclusion finale Descartes tire*t-il de 
lit 

R. a Et ainsi je reoonnais trte-claireiaent, condut- 
il sa cinqui^me meditation, que la certitude et la v6- 
n\A de toute science depend de la seule connaissance 
du vrai Dieu, en sorte qu'avant que je le connusse je 
oe pouvais savoir parfaitement aucune autre chose. 
%\ i present que je le connais, j'ai le moyen d'acqu^- 



Du sps ^M^nm. 77 

rir une science parfaite touchant ane infinite de cboses, 
noD-seulapent de celles .qui sodI en lui, mais ausside 
celles qui appartiennent k la nature corporelle, en tant 
qu'elle peat servir d'objet aux d^monstralioni des 
g^om^tres. » 



CBAPITIUB ZX.II. 

D. Finalement et quant au fond, la pbilosopbie de 
Descartes diff^re-t-eile beaucoup de c^e d'Aristote? 

B. Finalemeni, le fond est le m^e dans les deux 
philosophes. 

D. Quel garant donnerez-vous de votre assertion t 

R. Descartes luinn^me. 

D. Que dit^il & ce siijet 7 

B. c( J'avertigtf^ulement ici, dit-il dans sa lettre an 
pire Binet, provincial des X^suites, pour ^ter tout sih 
jet de caption et de dispute que quand je parle des 
principes particuliers ' lapbilosopbie p^ripat^ticienne, 
je n'entendt pas parler de ces questions dont les so- 
lutions sont tiroes, ou de la seule ^xp^rience qui eA 
commune k tons les hommes, ou de la consideration 
des figures et des mouvements qui est propre aux ma- 
tb^maticiens, ou des notions communes de la m^ta* 
pbysique qui sont coromun^ment regues de toutes les 
personnes de bon sens, et quej'admets aussibienque 
tout ce qui depend de rtep^rience, des figures et des 
mouvements, comme it paratt par mes meditations. » 

D. Quest-ce que Descartes r^pondait au reproche 
de nouveaule qu'on falsait h sa pbilofopbie, comparte 
k la peripateticienne T 



78 q^TSCBISMK 

B. « Je dis de pins, ajoute-t-il au m^me endroit^ ce 
qui peut-^tre pourra ^mbler paradoxe, qu'il D*y a 
rien en toate cette pbilosophie, en tant que p^ripati- 
ticienne et difT^rente des autres, qui ne soit Douveau, 
et qn'au contrake il n'y a liendaDs lamieone qui ne 
soit ancien ; car pour ce qui est des principes, je ne 
re^ois que ceux qui jusques ici out ^t^ connus et admis 
g^n^ralemeDt par tousles philosophes, et qui pour ce* 
la m^me sent les plus anciens de tous ; et cequ'ensoite 
j'en dMuis paralt si manifestement ( ainsi que je le fats 
voir) ^tre contenu et renferm^ dans ces principes 
qu'il paralt en-mtoe tenips que celaest tr^s ancien, 
puisque c'est la nature m^me qui Fa gravS et imprim^ 
dans nos esprits. » 

D. D'oti viennentalorsles differences entre la pbi- 
losophie de Descartes et celle d' Aristote ? 

R. EUes viennent g^n^ralement, nop pas d'Arietote 
ni de Descartes^ m^s de leuts disciples qui ont modi- 
fi^ k leur gr6 ou ait^r^ la doctrine de leur maltre. 
D. Donnez-en uo exemple. 
R. Par exemple : Descartes ne cesse de dire etde 
r^p^ter que son doute scientifique ne tombe point sor 
les premiers principes, connus en tout temps et re^os 
de tousles bommes maissurlescons^quenceSy les d^ 
ductions ^loign^es et m^tapbysiques qui constituent 
la science proprement dite ; et cependai^t les Gart6- 
siens lui font g^n^ralement dire, que son doute est 
oniversel et absolu. 
D. Y a-t-ii un autre exeipple encore ? 
R. Ainsi encore Descartes prouve que les principes 
de sa pbilosopl^e sont vrais, non*seulement parce 
qu'il les trouve ^vidents lui-mftme, mais parce qu*ils 



DU SENS COttBfUff. 79 

^oot ii6 jug^stelsen tout temps et par tons leshommes; 
<t dependant les Cartdsiens lui font g^n^ralement dire 
an siqpposer que T^vidence de Tiodividu a*a jamais 
iesoin de serassurersurT^vidence commune. 

D. Quel inconvenient Bossuet voyait-il sortir de la 
pbilosophie aiosientendue? 

R. D^s son temps Bossuet voyait un grand combat 
se preparer centre I'£glise, sous le nom de pbilosophie 
cart^eienne ; il voyait nattre de son sein et de ses prin- 
dpes , h son avis mal entendus, plus d'une h^r^sie ; 
mais il ne dit pas comment, h son avis, il fallait enten- 
dre ces principes pour les entendre bien. D*apr^s les 
explications autbentiquesde Descartes, nouscroyons 
avoir suppler h ce que Bossuet ne dit pas. ( Bossuet. 
Lettre du 21 mai 1687 ii un disci fie du pire Male- 
tranche, ) 



GHAPITRS ZUII. 

D. A quoi tient Pabus que les Gartisiens autorisent 
dans hwr doule m^thodique? 

R. Get abas tient k deux points* 

D. QuelB sQnt-ils7 

R. A c^ que les Gart^sienjs veulent Tuniversalit^ 
du doute, et qu'ils ne donnent h chacun d'adtre 
r^e "pour en qgrtir que sa propre raison, son Evi- 
dence in{}ividuelle. 

D. Axistote a-t-il Mi& ces deux inconvEnients? 

R. II* a Evit^ le premier, cdmme nous Tavons vu; 
^t il combat le second. 

H Et de quelle manifere? 



} 



80 CATECBlSn 

R. D'apr^s les Gart^siens, ce qui paralt h chacun 
est certain. Aristote, au deuxi^me Kvre de sa Eo^ta- 
physique, a un chapilre, c'est le sixi^me, qui a pour 
inscription : Ce qui paratt a chacun nest pas certain 
pour cela. 

D. Gitez-nous ses paroles, s'il vous platt. 

R. Ce que soutient Protagoras, dit il, d savoir que 
Vhomme est la mesure de toutes choses^ reviem a ce 
que disent d'autres sephistes, que la mime chose peut 
d la fois itre et n'dtre pas. 

D. Voilk qui est fort ; mais Aristote le prouve-t-il? 

R. Voici comme il le prouve^ Em effet c'est dire^ 
ce qui paratt d chacun est certain. Cela itant^ il or-' 

rivera que la mime chose esty et en mime temps tCesi 
pas, qu'elle est en meme temps mauvaise et bonne, et 
ainsi de heaucoup d'autres contradictions: attendu 
que telle chose parattra bonne d ceux ci et mauvaise 
d ceux-ld, et que la mesure pour chacun sera ce qui 
lui paratt. 

D. Que dit Aristote apr^s cela ? 

R. Vouloir donner la mime creance aux e>piniens 
et aux imaginations de gens qui se contre'd^ent , c'est 
le faitd'un sot. Cela est manifeste ,d'apris ce qui 
arrive dans les sensations. Jamais la minte chose ne 
paratt douce auxunsetlecontraire auxautres^ lorsque 
les sens et le discemement de ceux-ci ou de ceum-id ne 
sont pas corrompus ni deranges. D'ou il faut tirer la 
consequence, que les uns sont la mesure, et «gue Us 
autres ne la sont pas. J*en dis autant du bien et du 
mal, de Vhonnite et du dishonnite^ et autres objeu 
semblables {Metaph.^ L 10« c, 6). 



Bu SINS comnm. '81 

D. Comment pourrait-oo r^sumer tout ceci? 

R. Aristote Iui-m6me resume ailleurs le tout en 
deux mots: Ce quiparatt d tous^ rious disons quecela 
est. Qui dterait cette croyance, ne dirait rien de plus 
croyable (1). G'est-k-dire, si Ton ne croit point aH 
sens commun, on ne peut plus rien croire : ii n'y a , 
plus de certitude, plus de v^rit^ pour I'homme : c'est 
le donte universel , et la mort de rintelligence. 

D. Quelle r^gle Aristote donne-t-il pour lensei* 
goement? 

B. Dans un chapitre intiiul6 De la Mcthode d'eih- 
ieigner, il donne cetle r^gle g^n^rale: Pour itablir 
la fox de ce qu'on avance, ilfautapporterdes raisans^ 
des timoignages, avee des exea pies analogues. Car 
ta plus forte preuve c*est qu'il soit constant que tous 
tes hammes confessentcequeVondit, Sil'onnepeutpas 
riussir ju.^que /a, t7 faut au moins s'appuyer de quel" 
que vraisemblance : car ckacun a qutlque chose de 
vrai, que Von peut tirer en pr uve. Ce qui se dit avec 
veritd, mais ohscuriment^ dcviendra clair si Von 
iubstitue des expressions mieux connues d celles qui 
sont confuses {Eudem,, l. 1, c. 6). 

D. Finalement , que conoluez-vous sur Aristote? 

R. Finalement, Aristote part du sens commun 
isomme base, il y revient comme r^gle, et dans sa li>* 
gique ou Tart de raisonner, et dans sa dialeclique on 
Tart de discuter, et dans sa m^tapbysique ou la scienoe 
des id^es universelles. Ce n'est pasqu*il ne se Irompe 
quelquefois en route ; mais il enseigne lui-m^me com- 
ment le nedresser. 

(1) De morib, ad Nicom., 1 10, c. 2« 



SI CATltCHIStt 



D. Aristote n'est-il pas Fftuteur de lajm^tbode ^co- 
lastique? qu^est-ce que cette m^lhode? 

R. Les vocabalaires nous apprennent que scdas- 
tique vient du latia scola^ en franQais ecole, et que 
m^thode scolastique veut dire m^thode ordinaire dans 
les ^coles, m^thode pour enseigner ce queTon sail h, 
des ^coliers qui I'ignorent. 

D. Quels sont les caract^res d'une bonne mSthode 
d*enseignement? 

R. Avoir et donner une id^e nette et precise dece 
que Ton enseigne: pour cela, poser des principes 
certains, en d^duire les consequences par des raison- 
nements justes, n'employerque des expressions claires 
ou nettement d^finies, ^viter les digressions inutiles, 
les id^es vagues, les termes Equivoques, mettre dans 
tout Tensemble un ordre qui Eclaircisse les questions 
les unes par les autres. 

D. Mais c'est la m^lhode gEom^trique ! 

R. La m^thode scolastique n'est pas autre chose. 

D. A quoi done la m^thode scolastique est-elle op- 
pos^e? 

R. La ro^tbode scolastique est oppos^e h la mE- 
tbode oratoire. Siun gEom^tredeiayaitsestbEordmes 
en des barangues cic^roniennes il serait ridicule. Vn 
avocat qui r^duirait son plaidoyer en formules alg^ 
briques ne le serait pas moins. Gbaque m^tbode est 
bonne, appliqu^e oii et comme elle doit I'^tre. 

D* Donnez-en un exemple. 



DU flIHS COMMim. 83 

R. Exemple : ia religion catboliqae embrasse toas 
les slides, tous les peuples, toutes les v^rit^s. Les 
p^res de TEglise qui en ont traits les difKrentes par- 
ties d'une mani^re oratoire, forment pent-^lre phis 
de cent volumes in-folio; les auteurs plus r^cents, 
forment des bibliotb^ques ; par la m^thode scolas- 
tique, Tbomas d'Acquin a r^sum^ le tout en un to- 
fame, et plus tard on a r^sum^ ce volume en une pe- 
tite brochure, nomm^e le cat^chisme. 

D. Ua r^sum^ pareil ne serait-il pas utile pour 
les autres connaissances 7 

R. Un r^sum^ pareil des autres connaissances jni- 
maines est k d^sirer et k faire. Aristote I'a fait pour 
les (Donnaissances de son temps. A la fois conqu^rant 
eC l^gislateur des regions de Fintelligence, il les a dis- 
tributes par provinces, par cantons, par communes, 
assignant k cbaque science, souvent k chaque mot, ses 
limitesjQaturelles. 

D. De quelle utility fut ce r^sum^ d' Aristote? 

B. Dans les si^cles du moyen &ge, lorsque les 
Goths, les Francs, les Lombards, les Saxons, deve* 
nus Chretiens, commenc^rent h prendre goUt aux 
sciences, le plus simple et le plus press^ fut d'ap- 
prendre d'abord ce que Ton savait avant eux. L'En- 
cyclop^die d' Aristote fut un bienfait immense, sur- 
tout en Occident, oil trois philosophes catholiques 
Tavaient encore r^um^e en latin, savoir: BoSce et 
Gassiodore, tous deux consuls remains, et saint Isi- 
dore 6v6que de Seville. 

D. Pourquoi TEncyclop^die d' Aristote ne sufllrait- 
eRepIus? 

R. C*est que depuis son temps, les sciences d'ob- 



6i GATEGHISMB 

servatioQ en particulier ont fait des progr^s considi^ 
rabies. II faudrait done aujourd'hui uq nouvel Aris- 
tote pour r^sumer, avec la clart^ et la precision du 
premier, toutes les sciences actuelles et les coordon- 
oer eiitre elles de maniere h presenter au lecteur oft 
ensemble exact de ce que Ton sait aujoard'hui. Uoe 
gloire immortelle attend cet bomme. 



CHAPXTRE ZLV. 

D. Mais, dit-on, la m^thode scolastique n'a riea 
invented. 

R. Ge reproche suppose des id^es peu nelles de cc 
que Ton dit. La m^tb ode* scolastique est une m^tbodcr 
d'enseignement, et non pas une m^thode d'invention. 
Pour enseigner bien> il faut donner des id^es nettes 
et precises de ce que Ton enseigne. Pour les donner> 
il faut les avoir. Avant d'enseigner aux autres il faut 
savoir soi-m^me. Enseigner ce qu'on ne sait pas, en- 
seigner bien ce que Ton sait mal» est un secret que 
Ton ignorait dans les si^cles d'ignorance. Peut-^tre 
qu'on Fa d^couvert depuis, comme tant d' autres. 
Peut-elre est-ce I^ le secret de tant de cours de phi- 
iosophie qu'on imprime, oii des id6es vagues, eon- 
fuses, souvent contradictoires, sont d^lay6es dans nn 
«tyle d'orateur.et de poSte? Peut-6tre est-ce Ik le se- 
cret de cette confusion d'id^es et de langues dont on 
se plaint jusque dans les tribunes legislatives, etdont 
plus d'une fois on y donue m^me Texemple 7 

D. Mais, dit-on encore, la m^thode scolastique lue 
r^oquence et la po^sie. 



Du SKIS Gomiinf. 8& 

B. Aotreidi^e peu nette,car elle suppose que c'est h la 
m^tbode scolastique ou g^om^trique, k former les orar 
tears elMes pontes. Lam^thodeg^om^triqueestboooa 
pour fonner les g^om^tres , des esprits exacts, qui 
raisonnent juste, sur ce qu'ils savent. Mais voulofr 
qu'elle leur apprenne en mSme temps h rev^tir tout 
eela des omements de F^loquence et de la poteie, 
c'est Youloir que raoatomie nous enfieigne k nous vA» 
tir avec goQt et k nous presenter aveo grftce. Si des 
scolastiques Font pr^tendu, le tort en est k eux , noo 
pas k leur m^thode. Si un g^om^tre a dit an sortir 
d*une belle tragMie de Racine : Qa'est-ce que cela 
prouve ? G'est le travers du g^oni^tre, et non de la 
gtom^trie. 

D. Mais, ajoute-t-on, lorsque r^nait la m^thode 
scolastique, il n*6tait pas permis de faire de nouvelles 
d^couvertes? 

R. Supposons le fait aussi vrai qu'il Test pen : est^ 
ce la m^thode qui en est responsable, on ceux qui en 
abosaient? De ce que cette m^thode est bonne pour 
enseigner ce que nous savons, en conclure que nooi 
aavoDs tout et qu'il n'est pas permis d'apprendre da- 
irantage, si jamais personne Ta dit, assur^ment ce 
n*esl ni Aristote, ni sa mdlbode. Au contraire, pour 
d^ouvrir ce que Ton ne sait pas encore, le meilleor 
moyen n'est-il pas d'avoir une idte netle de ce que 
Von sait d^jliT 

D. Mais enfin les sooiastiqties ont traits bien dea 
^esfions oiseoses, ridicules. 

R. Les scolasUqnes, soit ; mais non ta scolastique. 
Encore, les questions qui trayaillent le plus les pes- 
aeurs des derniers temps, an Kant, on H^el, aoat 



86 ciTBcaisiis 

prteis^ment de ces questioQs oiseuses qa*oo repro* 
che aux scolastiques d'avoir trait^es, et que peut-^tre 
on ne traite soi-m^me d'oiseases et de ridicules que 
parce que Ton se tient k la surface et dans le vague, 
et qu'on n'approfondit rien. 
D. Enfin que cooclaez-TOUs sur cet article T 
R. Pour coDclure, ne nous laissons point prendre 
k des mots sans savoir au Juste ce qu'ilssignifient Le 
mot scolastique n'est pa9 plus criminel qu'un autre. 
La m^tbode scolastique est bonne pour donner de la 
precision aux id^s, de la; justesseauxraisonnements. 
A ces raisonnements et k ces id^es, I'^loquence ora- 
toire donnerade la souplesse et de lagr&ce. Lapo^sie 
leur cHommuniquera quelque chose de cette beauts 
surhumaine oil elle aspire. Ainsi dans le corps humaio, 
les OS et les nerfs constituent la force ; les chairs et 
le sang y ajoutent la gr^ce des contours et des conleurs: 
la transformation celeste que le chr^tien esp^re com- 
muniquera un jour k tout Tensemble quelque chose 
de cette beauts surnaturelle et divine, qui est I'image 
ou plut6t le type Gnal de la po^ie veritable. 



GHAPXTBS ZLVI. 

D. Yous avez montrd que pour le fond de la doc- 
trine Platon et Aristote sont d*accord : en direz-vdus 
autant de Z^non, le fondateur du stolcisme? 

R, Ge qui, suivant Gic^ron et Plutarque, distingue 
Zinonetlesstolciens, c'est que, pour le fond des 
doctrines, ils pensaient comme Platon et Aristote, mais 
ila laissferent les mots usitis pour en inventer de dou- 



Du siofs GomiuK. 87 

▼eau. Qnaot k leurs opinions particuli^res, elles 
contredisent non-seulement la doctrine d'Aristote et 
de Platon, mais le sens commun de tout le monde. 

D. Hontrez-le seulement poiir la morale, le fort 
des stoic^ens. 

R. Platon , Arfistote et leors premiers disciples ap^ 
pelaient biens et maux ce que tout le monde appelle 
biens et maux. Le principal bien est celui de T&me, 
la yertu : le plus grand mal est celui de Tftme, le Yice. 
BaiSy apr^s le bien de T&me, il y a les biens du corp9, 
comme la sant^, et les biens ext^rieurs, comme le v^ 
temeot, la nourriture, le logement, des parents, des 
amis. Ges biens ne sent point h comparer avec la 
vertu: cependant ce sont encore des biens. Dem^me, 
apr^s le mal de Vkxae viennent les maux du corps et 
les maux ext^rieurs : ces maux ne sont point k com- 
parer au vice, cependant ce sont encore des maux. 
Sans la vertu, on ne saurait 6tre heureux ; avec la 
vertu, on Test toujours : cependant le bonheur ne se- 
ra point complet, si le corps soufTre ou que Ton man- 
que des choses n^cessaires. Telle est la pens^e com<- 
mune de tout le monde : le christianisme y a mis le 
sceau divin; car il nous apprend que le bonheur 
m^me des saints dans le ciel ne sera complet que 
quand le corps ressuscit^ participera k la gloire de 
r^me. 

D. Que disaient Ik-dessus les stoiciens ? 

R. Les stoiciens soutenaient qu'il n'y avait de bien 
que la vertu, de mal que le vice. Les biens du corps 
et les biens ext^rieurs ne sont pas ies\ biens> mais 
seulement des cboses avantageases, convenables h la 
nature, priftfrables en cas de cboix. La douleur du 



L 



88 CATBCQISMK 

corps, la pauvret^, le d^laiseement ne sont pas des 
maux, parce qu'il n*y a rien Ik de d^shonn^te : ce 
soot seulement des choses f^cheuses, &pres, que la 
nature ^vite quand elle peut. Qui ne voit combiea ce 
mot de Cic^roQ est juste : Zcnon parlait autrement 
que^ tous^ et il pensait comme les autr^s {De Finib., 
I li, ft. 20). 

D. Que direz-vous des opinions particuU^as de 
Z£qoq et de son ^cole ? 

R. Quant aux maxiuies particali^res des stoiciens, 
telles que cellea-ci : Tous ceux qui ne sont pas sages 
sont igaiement mis^rai)les ; tous les sages sont sou- 
Yerainement heureux ; toules les bonnes actions sont 
6gales; tous les p^ch^s sont egaux, Gic^ron dit que 
le sens commun et la nature y r^pugnent, et que la 
v6nt6 reclame centre {Ibid, n. 19). Plutarque a fait 
cm ouvrage tout entier sous ce titre : Des notions 
communes , ou du sens commun , centre les stoiciens. 
Les raisonnements de Cic^ron et de Plularque sont 
d'autant plus justes que les stoiciens reconnaissaient 
formellement, comme on le voit par Epict^te, que les 
notions communes sont la r^gle, que tout le monde 
est d'accord Ik-dessus, mais'qu'on peut se tromper 
dans Tapplioation et qu'on ne peut se tromper que 
Ik (!)• 



GHAPXTRS ZLVZX. 



D. Mais avec le sens commun, telque Tentendent 
Sossuet, F^nelon, Tertullien, Aristote, Platon, H^ra* 
(i) Epictet. Arrian. L i, c.,22, !• 3, c 26. 



DU SINS GOSOfUN. 89 

eUte, Descartes, chaque indiridu peut-il avoir la eer- 
UtnAe 7 

R. Sans ancup donte qu'avec le sens commun ainsi 
sntendu, chaque individu peut avoir la certitude. 

b. A quelles conditions? 

R. A une seule. 

D. Laquelle? 

R. A la seule condition qu*il ait le sens commun* 
qu'il I'^coute et qu'il le suive dans les applications 
qui se pr^sentent h faire. 

D. Gombien d*esp^ces de certitude distinguez- 
vous > 

B. On distingue ordinairement trois esp^ces de 
certitude : la certitude physique, la certitude mita- 
physique, la certitude morale. 

D. Mais les trait^s de logique ne prescrivent*il9 
pas pour chaque esp^ce de certitude des regies par* 
ticuli^res que Tindividu est oblige de suivre? 

R. Gela eslvrai ; mais ces regies ne sont que l89 
lois du sens sonimun, du bon sens, de Texp^rience 
g^n^rale : en les suivant, Tifldividu ne fait que suivre 
le sens commun. 

D. Faites-le voir pour la certitude m^taphysique. 

R. La certitude m^tapbysique est celle qui r^sulte 
de r^vidence, de la vue claire et nette d*une chose« 
vue si claire et si netle, qu'il faudrait renoncer au 
boD sens pour ne pas y croire. Pour que Tindivido 
aequi^re cette certitude, il faut avant tout qu'il jouisse 
doison bon sens, et qu'il n'ait pas I'esprit d^rangti 
par le d^lire ou la folie : autrement, il faut avant tout 
qu'il ait le sens commun. Ensuite il ne faut pas qu'il 
prenoe une Evidence apparente pour une Evidence 



90 CAT8CHISXB 

r^elle. 

D. Qa'eDtendez-vous par Evidence apparcnfe et 
par Evidence r<ielle ? 

R. Je pease que tout le monde en tend par &\i- 
deDce simplement apparente, une Evidence quii n^en 
parait une que pour celui qui n*y regarde pas bien, 
et par Evidence r^elle celle qui paraii telle h tons 
ceux qui savent y regarder. 

D. En est-ii de m^me pour la certitude physique ? 

R. La certitude physique est celle qui r^sulte de 
la relation des sens, savoir : de la vue, de Tome, du 
tact, du godt, de Todorat. Pour que rindividu puisse 
acqu^rir la certitude physique, il faut d'abord qu'il 
ait les sens bien conditionn^s, et ensuite qu'il en use 
bien : par exemple, pour bien voir, il faut avoir de 
bons yeux et ensuite bien regarder. 

D. Est*ce tout? 

R. Non : car pour la certitude pbysiq^ie, les regies 
de la logique demandent encore que ia relation des 
f;ens soit constante, uniforme, et de phis conforme k 
la raison ou k Texp^riehce. 

D. Mais comment saurai-je d*une roani^re sure 
que j*ai bien observe ou non ces r^gles.^ 

R. Rien de plus facile. Graignez-vous, par exemple, 
que vos yeux vous aient tromp^s ? faites comme tout 
le monde, prenez de bonnes lunettes. N'^tes-vous point 
encore rassur^s? priez vos amis et vos voisins d'y re- 
regarder k leur tour : appelez-y tons les bommes si 
votts voulez ; ce sera toojours mieux. De m^me ajiez- 
vous des doutes, si une proposition qui vous parait 
^vidente, un raisonnement qui vous parait juste, Test 
en effet? faites comme nousfaisons, dansnos colleges, 



DU SENS COHMUN. 91 

nos s6minaires, nos academies ; voyez ca qu*en pen- 
setont vos coodisciples et sartout vos professeura. 
N*en 6tes-vous pas encore content ? examinez ce qu'en 
ont dit les grands hommes, les bons auteurs de tons 
les pays et de tons les si^cles. Leur accord, voiI& le 
nee plus ultra de la certitude humaine. Est-ce une 
question qui touche auxv^rit^s religieuseset qui vaut 
la peine, interrogez la partie intelligente de Thumanit^, 
TEglise catholique, et avecia certitude humaine vous 
avez encore la certitude divine. 

D. Direz-vous autant de la certitude morale que 
des deuxautres? 

R. A plus forte raison : car la certitude morale n'est 
que la certitude qui r^sulte directement de T accord 
des sentiments et des t^moignages parmi les hommes. 

D. Que remarquez-vous encore sur tout cela ? 

R. Je remarque qu*au milieu de tout cela nous fai- 
sons continuellement des actesde foi naturelle et ni- 
cessaire. 

D. Comment cela t 

R. Vous me demandez, jevousr^ponds : nous cro- 
yons done, vous que j*existe, moi que vous existez ; 
nous croyons done que nos id^es se transmettent de 
Tun k Tautre par la parole : nous croyons que les mots 
que notre bouche prononce iront parToreille decelni 
qui ^coute produire ou r^veilier dans son ftme les 
m^mes pens6es et les m^mes sentiments que nous 
avons dans la n6tre. Toute conversation, lout langage 
parmi les hommes repose sur cette foi k la mediation 
de la parole. 

D. Pour conclure, qu'est-ce que Bergier , auteur 
judicieux de ces derniers temps, pense sur la question 



98 CATicmSMK 

de la certitude ? 

R. Bergier parle du sens commun, qu*il appelie la 
raison par excellence, d'une mani^re beaucoup plus 
d^velopp^e que Bossuet et F^nelon, et il T^tablit 
comme Funique fondement de toute cevtitude. Dans 
son Traite dela Religion^ u 10, p. /!i61, il dit que la 
r^le de la foi catholique est la m^me que la r^gle 
de la certitude morale ; et , r. 4 , il montre que la 
certitude morale, aussi bieoque la certitude physique 
et la certitude m^tapfaysique, repose sur le sens com^ 
mun. Voici entre autres comme il s*exprime, p. /i62 .* 
A quelle ^preuve fauuil done mettre ces dimonstra' 
tions pritendiies ( il s^agit de demonstrations g6om^ 
triques ) ? C'est de voir si elles font la mdme impret" 
sion sur tous les hommes capables de ^es comprendre ; 
alors il est impossible qu' elles soient fausses, Ainsi en 
derni^re analyse j. )a certitude m^taphysique se rMuit 
aussi bien que les autres au dictamen du sens commun. 



GHAPXTRE ZLVXXX. 



D. De tous les syst^mes philosophiques sur la cer- 
titude, lequel adoptez- vous finalement ? 

R. Finalement, pas un, mais tous. 

D. Expliquez-vous un peu davantage, 

R. L'homme, intelligenoe incarn^e, est k la fois 
esprit et corps : it n*est pas corps seul, ni esprit seul, 
mais I'un et Tautre : il ne Test point isol^ment, maia 
avec ses semblables. Pour done bien connaltre la rai- 
son humaine, il faut consid^rer Thomme total et com- 
plet : non dans sob corps seul, non dans son esprit 



BU SENS comfUH. 93 

sen], non dans son individu seul, non dans la sociiti 
seule, mais dans le tout ensemble : car rhomme est h 
la fois tout cela. Side plus il est chr^tien, si par lafoi 
divine son esprit et son coeur sont ^lev^s h un ordre 
de cboses au-dessus de la nature ; il ne faut pas coi^ 
fondre Tbotilme et le chr^tien ; il ne faut pas m^con- 
naitre I'bomme pour le chrdtien, ni le cbr^lien pour 
i^homme. 

D. Mais les syst^mes de philosopbie les plus connus 
de DOS jours ne prennent-ils pas garde h tout cela? 

R. Les syst^mes de philosopbie les plus connos 
de nos jours p^cbent tous contre ce que nous venons 
d6 dire. Le sensualisme ne voit dans Thoinme que les 
sens, le corps, Tanimal : Tid^alisme n'y voit que les 
id^es, Tesprit, sans relation avec Tunivers sensible : le 
rationalisme n'y voit que la raison de Tindividu, sans 
relation avec celle de ses semblables : le syst^me ex* 
clusif de la raison g^o^rale, ne voit que la soci^t^ et 
m^connait Tindividu : le syst^me exclusif de la foi di- 
vine, ne voit que le chr^tien et m^onnait rbomme. 
Gbaque syst^me est faux en ce qu'il exclut lesautres : 
tous sont vrais d^s qu'ils viennent k s'embrasser et h 
s'unir. 

D. Ges syst^mes s^embrassent-ils, s'unissent-ils 
qnelquepart? 

B. Ces systSmes s'embrassent et s'unissent dans la 
personne du Christ. 

D. De quelle mani^re ? 

R. Gomme Dieu, le Ghrist a cr^6 tout rbomme, 
non pas son corps seul, non pas son Ame seule, mais 
Tun et I'autre. II ne Ta pas fait pour demeurer seul, 
mais pour 6tre en soci^t^. II Ta fait k son image, k Ti- 



94 CATEGHISMB 

mage de Dieu. Or Dieu, quoique un et unique, n'^ 
pas seul : il est une soci^t^ de trois personnes, dont la 
seconde, par une ineffable tradilion.^ proc^de dela 
premiere, et la troisi^me de la premiere et de la se- 
conde. Le Christ est cette sagesse^ternelle qui se jooe 
dans I'univers, et fait ses d^lices d'etre avec les en* 
fants des hommes {Prov, 8, 31 ) ; qui va chercbant 
ceux qui sont dignes d'elle, qui se montre h eox 
avec hilarity au milieu des chemins et dans toutes 
sortes de rencontres {Prov. 6, 17) ; qui parmi les 
nations se communique aux ftmes saintes et y ^tablit 
des amis de Dieu et des proph^tes {Prov. 7, 27). 
II est cette lumi^re veritable qui ^claire tout homme 
Tenant en ce monde {Joan. 1, 9). Et cette lumi^re, el 
cette sagesse, etce verbe-Dieu s'est fait bomme : il a 
pris un corps et une &me, non pas un corps illusoire, 
mais un corps r^el ; non pas une ftme diff^rente de la 
n6tre, mais une &me pareille. II unit k jamais, dana 
Tunit^ de sa personne divine, etTbumanit^ et la divi- 
nity, et le corps et I'^me, sans que jamais cependant 
Tftme se confonde avec le corps , ni la divinity avec 
rhumanil^. Et avec ccla, il dit, en parlant de I'ordre 
curnaturel de h gr&ce et de la gloire : Personne ne pent 
venir h moi, si mon P^re ne Tattire (Ibid. 6, &&). 

D. Que eoncluez-vous ielkl 

R. Lors done que la pbilosopbie des sens nous dit 
que les sens du corps nous donnent la certitude, elle a 
raison. Gar celui qui est la v^rit^ m6me nous a donn^ 
les sens corporels, ils les a pris lui meme en $e faisant 
homme, et nous a dit : Palpezetvoyez {Lue. 2li, 39). 
Et lorsque la pbilosopbie de Tesprit et des id^es noui 
dit que les id^es de Tintelligence nous donnent la cer- 



SD 8BIVS COIOIUN. 9S 

titttde, elle a raisoo ; car c*est la v^riti m^me {Joan. 
14y 6) qui nous a donn^ une hme intelligente et qui 
Fa prise elle-m^me. Gependaot, eomme notre toe 
n'est pas Dieu, mais seulement faite k son image, nous 
ne voyons pas, comme Dieu, la y^rit^ en e]le-m6me» 
lav6rit^ absolue; nous en voyons seulement une image, 
mais une image vraie puisqu'elle vient de Dieu« Et 
lorsque la philosophie de la raison individuelle nous 
dit que rindividu complet et d^velopp6 pent avoir la 
eertitude, elle a raison; car la lumi^re veritable 
6claire tout homme venant en ce monde {Ibid. 1, 9). 
Et lorsque la pbilosophie de la raison g^n^rale nous 
fit que la v^rit^, que la certitude se trouve dans la 
raison commune de Tbumanit^, elle a raison; car la 
lumi^re veritable ^claire non pas seulement tel oa td 
homme, mais tout bomme venant en ce monde; etil 
est plus facile de distinguer en tons que dans un seul 
ce qui vient de cette irradiation divine et commune, 
d'avec ce qui vient d'ailleurs. Et lorsque la pbiloso- 
phie de la foi nous dit que la v^rit^, la certitude se 
trouve dans les Ecrituresdespropb^tesetdesapdtres, 
elle a raison ; car c'est la sagesse ^ternelle qui a ins* 
pir^ ces amis de Dieu. Et quand cette mtoe pbiloso- 
phie nous dit que la certitude ne se trouve que dans 
la foi chr^tienne, elle a raison pour Tordresurnaturel 
de la gr&ce et de la gloire. Slais comme dans le Gbrist, 
la divinity ne d^truit point Tbumanit^, pas m^me les 
cicatrices du corps: ainsi, dans le cbr^tien, la foidi* 
Yine ne d^lruit point la raison bumaine, pas m£me 
dans ses moindres lueurs; mais au contraire, elle 
I'il^ve, la perfectionne, et lui communique quelque 
chose de son caract^re divin. 



96 CAlicHISMt 



CHAFTRE XLIX. 

J). Quelle est la r^gle de It foi catholique? 

R. La r^gle de la foi catholique, comme l*explique 
eaint Vineent de L^rins, c*est de croire ce qui ^ €16 
cru en tous lieux, en tous temps et par tous. QuoS 
vbique^ quod sempeTy quod ah omnibus ereditum 

D. Comment les catholiques appliquent-ils cetle 

rtgleT 

B, En suivant Tuniversalit^, Fantiquit^, le consen* 
lementy r^pond le xsfim^ Vincent, Hoc ita ftet^ $i ur 
mamur universalitatem, antiquitatem, consensionem, 

D. Que veut dire le root catholique? 

R, II veut dire universel. Gar dit le m6me auteur^ 
cela est vraiment et proprement catholique, ainsi que 
I'annonce la force m^me el la raison du mot, qui em- 
brasse h peu pr^s universellement tout. Hoc est 
eienim vere proprieque catholicum^ quod ipsa vis ?u»- 
mints ratioque declarat, qua omnia fere universalittr 
amprehendiU 

D. N'y a't-il pas une grande ressemblance entre 
la rfegle de la foi catholique et la r^gle du bon sens 
ou du sens commun? 

R. II y a une si grande ressemblance que, suivant 
le judicieux et savant Bergier, lar^glede la foi ca- 
tholique est la m£me que la r^gle de la certitude mo^ 
rale qui, ainsi que la certitude physique et la certi* 
tude m^taphysique » se r^duit au dictamen du seiy 
commun. 



BU SBHS GOMMtN. 97 

D. N'y remarquez-vous cependant pas quelque 
diflSrence ? 

> 

R. J'y reniarque la m^me diffi^reDce qu'entre la 
nature et la grftce, qu'entre la raison et la foi. 

D. Expliquei-vous. 

B. La gr^ce ne d^truit pas la nature, mais la sup- 
pose, r^l^ve et la perfectionne : de m^me, lar^glede 
la foi catholiqae ne d^truit pas la r^gle du bon sens, 
la r^gle de la raison naturelle; au contraire, elle la 
suppose, r^l^ve et la perfectionne. 

D. Comment k r^gle de la foi catholique perfec- 
tionne- t-elle la r^gle du bon sens ou du sens commun T 

H Ed ce que la foi catholique la fait participer h 
Tassistance sp^ciale et immanquable que Dieu lui a 
promise. 

D. En quoi encore ? 

R. En ce que la foi catholique lui offre dansr^gKse 
el son chef, un qrgane infaillible pour lui faire con- 
nattre ce qu'il y a de vrai ou de faux dans les questions 
les plus graves dont Tesprit humain puisse s*occuper. 

D. Ne pourriez-vous pas r^sumer le tout en deux 
mots? 

R. On pourrait dire , je pense, que la r^gle de la 
foi catholique n*est que la r^gle du sens commun , 
mais ^lev^e par Dieu m^me h sa plus haute puissance. 







98 cATieBisiw 



r^ SECONDE PARTIE. 



Viritit principales que le sens commun et h$ 
foi catholique nous apprennenl et ncm 
obligent de croire. 



CHAPITBE I. 



D. Quefles sont les principales v^rit^s que le seoa 
commuD et la foi caiholiqaeaous apprennent et nous 
obligent de croire, sous peine de p6oh^ centre la foi 
catholique et centre le sens commun ? 

B. La premi^.re de toutes les v^rit^s que le sens 
commun et la foi catholique nous apprennent et souf 
obligent de croire, sous peine de p^ch^ centre la foi 
catholique et centre le sens communr c*est qu'il y a 
un Dieu, p^re tout-puissant, cr^ateur du ciel et de ia 
terre et souverain seigneur de toutes choses. 

D. Cette v6rit6 a-t-elle 6t6 v6rilablement cnie en 
tons lieux, en tous temps et par tons les hommes 7 

R. Oui, dans tous les lieux, dans tous les temps, 
tous les hommes, m^me ceux qui adoraieot plusiears 
dieux, croyaient quMl n'y avail qu'un Dieu tout-pius^ 
sant, cr^ateur du ciel et de la terre el souverain sei- 
gneur de toutes choses. 



M sBfs GomuN. 99 

t). Qaelle preuve avez-vous de cette croyanc€ uoi* 

V^rselle ? 

R. Le t^moigaage aDanime des catholiques, des 
Protestants, des tncr^dules et des paleos. 

D. Mais les p^res et les doctears de FEglise soot-ils 
inen d' accord avec vous ? 

R. Les p^res et les docteurs de TEglise soot si bien 
d*aC<^ord avec moi que je ne parle que d*apr^ eux. 

D. Comme c'estune question fort grave, voudriez- 
Vous bien citer quelques-unes de leurs paroles 7 

% Tr^s-volontiers : nous commencerons par les 
pires latinsp pour finir paries p^res grecs. 



D. Parmi les p^res latins, quel est le premier en 
date? 

B. Le premier en date, c'est I'orateur Minucius 
F^lix, qui ^crivit vers la fin du deuxi^me sitele. Dans 
UD dialogue intitule Octavius^ le palen G^cilius repro- 
ehe aux Chretiens d*adorer un Dieu qui ne connaissait 
que la seule nsttion des Juifs. Le chr^tien Octaviuslui 
' r^pond : Ne cherekez fas un nam d Dieu : Dieu , voild 
son nam. Ld il faut des vocables ou il faui distinguef 
une multitude d'individus, chacun par son appellation 
propre, A Dieu^ qui seul est^ le nom de Dieu est tout 
entier. Mais quoi ? N'ai-je pasy quant d lui, lecon- 
sentement de tous ? J'entends le vulgaire larsqu'il HHe 
les mains au del ne dire autre chose, sfnon Dieu', 
Dieu est grand , Pleu est vrai, si Dieu nous en fait la 



too CATECflISm 

grtU:e. Esi-ce U le discours naturel du vutgatre, 
bien lapriire du chretien confessant la fciJ Et ceya: 
qui fantde Jcvis le souverain se trompent pour le nami 
mats Us s^ accordent pour la mime puissance {Octav,^ 
If. 18 ). De la populace, il passe aux pontes. J'enteiyJU 
les poetes aussi proclamer un seul pire des dieux £i 
des hommes. Si nous passons aux philosophe ^ vays 
les trouverez, diffirant sur les noms , d' accord sur la 
those mime. Et apr^s avoir cit6 les plus c^lebres, it 
cODclut : Chacun croira d'apris cela, ou que les chr^ 
tiens sent philosopher^ ou que les philosophes itaient 
dis'lor chritiens (Ibid. n. 20 ). Telle est la r^ponse 
du Chretien Octavius : et le paien G^cilius la trouve si 
bonne qu'il fioit par se faire chretien lui-m^me. 

D. Le plusancienp^re de r£glisedesGaules pense^ 
kil comme Afinucius F^lix? 

R. Le plus ancien p^re de I^glise des Ganles, quoi- 
qu'il fut Grec d'origioe, saint Ir^o^e, disciple de saint 
Polycarpe, qui le fut lui-m^me de rap6tre saint Jean, 
^tsiAii de la mani^re suivante I'unit^ de Dieu centre 
les h^r^tiques valentiniens. Ilnoussuffit, quant dpri^ 
sent J du timoignage que ne nous contestent pas nos ad' 
wr aires, tous les hommes itant en fin d' accord Id- 
dessus ; les plus anciens conservant cette croyance d'a^ 
pris la tradition primitive du premier homme, et ci^ 
lebrant dans leurs hymnes un seul Dieu crcateur du 
del et de laterre : ceuxqui vinrent apris eux, en re" 
cevant le ressouvenir des prophktes de Dieu : les Gen- 
tihy Vapprenantde lacriation mime; et I'Eglise, ri- 
pandue par^dessus toute la terre , ayant re^ cette 
mime tradition des apdtfei, Ce Dieu itant dmc ainsi 
€onstatiy et recevant de taus le timoignage qu*il est : 



jm SKIS coMiiniL 101 

fe p^e^ invent^ par les hiritiques est induhitahlement 
suns cont (stance et sans thnoin, Simon le Magicien a 
ite le premier d dire qu'il iiait Im-mime ce Dieu oti- 
dessus de toutes chases^ et que le mande avait iti fait 
par les anges ; ses successeurs^ ainsi que nous Vavcns 
mantri dans le premier livre^ ayant par des asser^ 
tfons diverses avanci des doctrines impies centre U 
CriateuTy les valentiniens, leurs disciples^ rendent 
ceux qui partagent leurs sentiments ^pires que les Gen* 
tils ; car ceuX'Ci , tout en servant la criature et ceux 
qui ne sont pas dieuXy plutdt que le Criateur, attri- 
buent nianmoins le premier rang de la divinity au 
Dieu criateur de cet univers (Iren. adv, HcBres, 
I 2,-c. 9). 



CH APinuB m. 

D. Mais il est uq p^re que Tod «era sans douie 
bien aise d'entendre sur <^ette imporlante question : 
c^est oelui que saint Gyprien appelait le maltre. 

B. Yous voulez parler de TertuUien, qui dit : he 
total du crime c'est de ne veuioir pas reconnaitre ce" 
Itfi qu'on ne peut ignorer ; et -encore: O timoignage 
£une dme naturellement chritienne ! 

D. Tout le monde connatt ces paroles de son apo* 
l(^^tiquc. Mais n'a-t-il pas ddveiopp^ cette derni^re 
pens^e dans un traits k part? 

R. Oui, dans son traits Du timoignage de Vdme, 
apr^s avoir dit que plusieurs Chretiens avaient prouv^ 
li^v^rit^ de leur doctrinepar le timoignage des pontes 



102 GAliCHISME 

et des philosophes, il s'^crie: Moi j'invoque un ti^ 
moigneye nouveau^ plus cannu qu'aucune litti" 
rature, plus repandu qu'aucune doctriflg.., Tiens-toi 
Id, ddme ! nonpas toi formic dans Ics icolesy exereec 
dans les bibliothdques^ repue dans les academies ct 
Ics partiques d'Athines, ct travailUc d^une indiges- 
tion dc sagcssc, C'est toiy dmc simple, rudCy grossUrc, 
toi telle que font ceux qui n'ont que toi:c'esttoi que 
yinterpelley dmc tout entikre de viUage^ de carre* 
fouTy de Vouvroir, fai besoin de ton ignorance puis- 
que personne ne croit d la science, si peu qu*^ 
y en ait. 

D. A ce style on reconnatt Tertullien : mais enfth 
que fait-il dire k cette knie du people", prise k l^moin t 

R. Nous diplaisons, quand nous prichans un Dieu 
unique par cet unique nom. Rends thnoignage, s'il 
en est ainsi. Ce quil ne nous est pas permis, noust'cH" 
tendonSy etd la maison et dehorSy prononcer de la 
sorte tout haut et avectoute liberti : « Ce que Dieu don* 
nera, ce que Dieu voudra, » Par cette parole tu fais 
entendre qu'il en est un d qui tu confesses toute puis^ 
sancCy d la volonti de qui tu portes tes regards : en 
mime temps tu nies que les autres soient dieux, en 
les disignant par leurs noms propres, Satume, Ju- 
piter, Mars, Minerve, Tu affirmes seul Dieu, celui 
que tu nappelles^ que Dieu : en sorte que si tu 
nommes ceux-ld dieux de temps d autre, tuparais U 
faire comme une chose d'emprunt, 

D. Ges paroles sont remarquables pour Texistence 
et Tunit^ de Dieu ; mais y ena-t-il depareilles quant 
it sa nature ? 

-R. Quant dlanature de Dieu^ continue TertuUiAQ 



DU 8Klf$ COMMDlf. 103 

eo s'adressant toujours k I'ftme paienne, quant d la 
miture de Dieu ttUe que nous la prickons, tu ne Ti- 
gnares pas non plus, « Dieu est bon, Dieu est hienfai" 
sent* » i^est Id ton expression. » Mais Vkomme est 
ntauvais, » ajoutes^tu, pour insinuer que Vhommeest 
mauvais parce quHl s'est iloigni de Dieu qui est bon, 
De mhne, n que Dieu vous b&nisse^ » tu le dis aussi 
facilement qu'il est nicessaire d un ehrhien. — Ainsi 
donCy et d la maison et en public, saju que personne 
$e moque de toi ni t*en empiche^ tu ficries du fond 
de ta conscience, « Dieu voit taut, je le recommande 
d DieUy Dieu vous le remdra, » et, « Dieujugera entre 
nous, p D'ou te vient cela^ d toi qui n'es pas cKri^ 
tienne ? d toi le plus souvent encore couronn^e de ban^ 
delettes de CMs, omie du manteau de Saturne^ re- 
vSttte des insignes d'Isis. Jusque dans les temples tu 
implores Dieu pour juge : debout sous unli chapelle 
d'Esadape, dorant une Junon d'airain, chaussant une 
Minerve^ tu n'en appelles d aucun des dieux presents. 
Dans ton for, tu en appelles d un autre juge. Dans 
tes temples, tu souffres un autre Dieu. O timoignage 
de la vMti qui, pr^s des demons mimes, te rend ti- 
main des chrdtiens I.. 

D. A quelle soorce premiere Tertullien fait-il re- 
mooter ceis t^moignages de Vkme 1 

B. Nous ravoDS d^j^ vu : car c*est dans ce petit traiti 
quHl dit ces paroles : Ces timoignages de VAme sont 
d'autant plus vrais qu'ils sont plus simples, d'autant 
plus simples qu*ils sont plus vulgaires ; d^autant plus 
mdgaires quils sont plus commutts; d'autant'plus com^ 
muns qu'ils sont plus naturels; d'autantplus naturels 
qu^ib sont plus divins. — VAmea M enseigniepar la 



104 CAT^HISHB 

nature f et la natwre par Dieu. 

D. Quelle consequence Tertullien tirail-il de toot 
cela centre les adorateurs d'idoles 7 

R. Aprte avoir dit que les livres des H^breux sool 
de beaucoup plus anciens que toute la litt^rature ho- 
maine,. et que de ceux-l&^ientorigiaairement cequll 
7 a de bon dans celle-ci, il conclut qu'il importe pea 
de savoir si la conscience de Fdme a H^ form^e par 
Dieu m^me on par les lettres divines. Puis il ter- 
mine par cette allocution au paien : Lars done que tu 
as peur de devenir chretien, consulte Vdme ; pour* 
qnai nomme't-elle Dieu, tandisqu'elle adore un autre 
que lui ? Pourquoi, quand elle disigne lei esprits nuuh 
dits, les appelle't-elle demons ? Paurquoi^ dans ses 
protestations, regarde^t-elle le del, et, dans ses exi- 
crationSf la terre ? Pourquoiy servant aillewrSy titvo- 
que'-t-elle ailleurs unjuge ? Pourquoi a-t-^elle les pa* 
rales des chrStiens, eux qu'elle ne veut ni entendre ni 
voirl Pourquoi nous a-t-elle donnS ces paroles^ au 
les ayt-elle revues de nous ? — C'est en vain que tu 
voudrais attribuer les chases de cette sorte a cette 
langue seule ou a la grecque, St cause de leur parem- 
t^, pour nier runiversaliti de la nature. Ce nest pas 
aux Latins ni aux Grecs seuls qu^il tomhe'une dme 
du del, L'homme est lemimecheztoutes les rtations, 
le nam est different, Vdme est la mhne^ la vaim est 
differ ente. L' esprit est le nUme, le son esiautre, A 
chaque peuple il est une langue propre, mats Jp ma- 
ti^re du langage est commune, Partout Dieu, par- 
tout la honte de Jheu ; partout le dhnon, partout la 
malediction du diman ; partout V invocation dujuge- 
mens divin, partout la mart, partout la conscience de 



DU 8018 coimuN. lOB 

la mart, partout le thnoignage. Toute dme proclamt 
par son droit ce qu'il ne nous est pas nUtne permis de 
ckuchotter. Toute dme est doncjustement et caupahle et 
thnoin : coupable d^erreur^ tout autant qu'elle est ti- 
main de la vMti ; et elleparaitra au tribunal de Dieu^ 
aujour dujugement sans avoir rien d dire, Tu pri" 
chais Dieu , et tu ne le recherchais pas ; tu ahhorais 
les demons J et tu les adorais ; tu en appelais au JU" 
gement de Dieu, et tu n'y croyais pas ; tu pressentais 
les supplices de Venfer, et tu ne les privenais pas ; 
^n respirais le nom de chritienne, et tu persicutais 
te chrMen ( Tert. de Testim. anima). 



CHAFiTRB nr. 

D. Saint Gyprien pense-t-il de m£ine sur cetta ques- 
tion ? 

R. Apr^s Tertullien, il n'y a pas de doute que saint 
gyprien, qui Fappelait son maltre, tienne le m^me 
burgage. Aussi dans son traits dela Vanitidesldoles, 
r^p^te-t-il les m^mes raisonnements, et presque les 
m^es expressions conduantes comme Tertullien : 
le total du crime, c'est de ne vouloir reconnaltre ce- 
ku que tu ne peux ignorer. De plus, dans un concile 
de Carthage tenu sous le pontificat du saint martyr, 
le confesseur Satumin dit : Les Gentils, hien qu'ils 
adorent les idoles^ connaissent cependant le Dieu 
scuverain, pkre et criateur, et iU le confessent ; 
Marcion au contraire le blaspheme {Labb.j t. 1, 
Condi, ). 

D, N'y a-t-il pas dans ces premiers sitoles un pr^* 

10. 



106 CATicHISHB 

ceptear du tils aln^de Gonstantin, Lactance, surnom- 
m6 le Cicir&n chr^tienl est-il du m^me avis que les 
•p^res que nous venons de voir ? 

R. Lactance qui, avant d'embrasser le cbristia- 

nisme, avait ^t^ pafen, de m^me que saint Gyprien, 

Tertullien, Minucius F^lix, qui par consequent devait 

bien savoir ce que les paiens croyaient ou ne croyaient 

pas, Lactance raisonne comme les p^res que nous 

avons d^jei vus. Ceiuc qui dans leur culte, dit-il, pri^ 

fkrent au Dieu vivant et vMtable^ criateur du ciet et 

delaterrty des hammes marts et enterrh^ seraient en^ 

core pardonnables si cette etreur ne venait que de 

leur ignorance ; mats comme nous voyons souvent les^ 

adarateurs mime des dieux confesser , proclamer 

le Dieu souverain ; quel pardon peuvent Us esp^er 

s^ib n'adorent pas celui quib ne peuvent ignorer 

touted' fait ^ Car quUls [assent un serment, qu'ibfor" 

mentdessouhaitsou qu'ibrendent graces d quelqu^uUp 

ce n'est point Jupiter tit plusieuradieuxqu'ib attestent^ 

mais Dieu seul; tant ilestvraique la nature fait 

jaillir la veriti du fond des ccsurs, malgri qu'an en 

ait, Du reste, s'ib en agissent de Uz sorte, ce n*est pas 

quand ib sont dar^la prospiriti ; car jamais ils nmt' 

Uient Dieu plus compUtement que lorsque^ comhUs 

de ses bienfaits, ib devraient benir davantage sa mi" 

Uricorde; mab sont-ibfrappisde quelque grand maU 

keUr^ aussitSt ib se souviennent de Dieu ; mats la 

gfterre^ mab la peste^ mais une longue sicheresse^ 

ntab une horrible lempite, mab la grile^ lesjettem- 

elles dans Vipouvante, aussitot ils recourewt d DieUy 

ib implorent lesecours de Dieu^ ib conjurent Dieu de 

venird leur aide, Est-dn exposi d faire naufrage ou 



m SENS Gomnjii. 107 

A juelque danger semblahle, c*est liii qu'on mvoque^ 
e'esi lui^tf'oft rielame ; quelqu'un tamb^ dims lader^ 
mOre mish'e est-il riduit a mendier son pain^ c^est 
pour I'amour de Dieu et de Dieu seul quUl detnande 
Vaumdne : e'est par son nom divin et unique qu'il im- 
plore Us eompassion des hammes, Ibne se saumenneni 
done jamais de Dieu que quandilssontdans la petfw; 
des qu'ils n'ani plus rien d craindre, d^s qu*ils soni 
kors de danger, ils courent tomtjayeux aux temples de 
leurs dieux ; e'est d ceux-ld qu'ils offrent des libations, 
des sacrifices et des eouronnes. Quant d Dieu, qu*ils 
avaient implori dans leur malheur, ils ne lui adres* 
sent pas seulement une parole de reconnaissance ; tant 
il est vrai que la prospMt^ engendre la dissolution, et 
ia dissolution Vimpiit^ envers Dieu, aussi bien que 
les^autres crimes {Lactant. diw. inst. i. 2). 

D. Parmi les premiers p^res latins, n'ayez-voos 
poiat encore h citer Arnobe? 

R, Est-il quelqu*un parmi les h9mmes, s'icrie 
Aruobe, qui ne soit pas venu au monde avec la no* 
lion du Dieu souverain ? A qui ne8t4l pas innS d 
imprime presque dans le sein de sa mere, qu'il esi 
on Roi et un Seigneur, gouvernant tout ce qui esi ? 
On sail, ajoute4'il, on sait que le Dieu toui'puissant 
na eie ni engendre, ni mis au monde, ni n'a com- 
mence en un certain temps : on le sait par I'unani^ 
mitS et le commun assenliment de tons les mortels 
{Amob. n. 10 et 11 ). 



w m m 



i08 tukT&Hisn 



CHAPITIUB V. 

D. Eo passant des pferes latins aux grecs, qui tron* 
terons-oous d'abord ? 

R. G*est le martyr et lephiiosophe saint Justin qni, 
dans son livre de la Mcnarchie oude I'Uniti de prin- 
dpe^ ^labiit par le t^moignage det pontes et des phi- 
losophes* cd qu*il appelle la croyance catholique, et 
dont Toubli avait amen^suivant lui le cultedes idoles. 
n fait la m^me chose dans sa premiere apologieadres- 
s6c aux empereurs Anlonin et Marc-Aurfele. Qette apo- 
logie du saint martyr, ainsi que f ontes eelles des pre-^ 
miers p^res se r^duil h cette alternative : lA oh les 
pontes et les philosophes ne sont pas d' accord avec le 
cfaristianisme, ils ne sont pas d'accord entre eux : \k 
on ils sont d'accord entre eux, ils sont d'accord avec 
le christianisme. 

D. Le pbilosophe Ath^nagored'Athfenes. parle-t-il 
comme le philosophe Justin dans sa requite aux em- 
pereurs Marc-Aur^le et Commode ? 

R. Si les philosophes et lespoetes, y dit Ath6- 
iiagore, ne reconnaissaient pa$ unseulDieu, et ne 
parlaient des mitres de maniere a en [aire les uns 
des demons, les autres de la matiere, les autres 
des hommes ; il y aurait quelque motif de nous 
vexer, nous qui distingiions. Dieu et la matiere, 
ainsi que les natures del'un et de V autre. Cards 
meme que nous connaissons Dieu et son Fils et le 
Saint' JE sprit, de meme nous avons appris qu'ilest 



DU SKIS COMMUK. 109 

dTauires puissances qui exerceni V empire sur la 
fnatiere et par la matiere : rune d'elles; hostile a 
Dieu\ V autre, amie et fidele {Athenag. legate, 
n. 24). 

D. Trouve-t-OD la m^me doctrine dans le philo^ 
sophe Clement, chef de T^cole chr^tienne d'Alexan- 
Ariel 

R. Dans son exhortation aux palens, o& il proQ?e 
^alement l*unit^ de Dieu par le t^moignage des 
pontes et des philosophes, Clement d'Alexandrie en^ 
gage Platon k chercber avec lui une connaissance pins 
complete de Dieu: Car, dit-il, a taus les hommes ila 
4ti instills une certaine influence divine, C*e$l 
pourquoi its confessent, meme malgrS eux, qu'il 
e9t un seul Dieu, incorruptible, non engendrd, qui 
riside toujours au sommet duciel (Clem. Alex., 
p. 44 et 45, Sdit. du Vaisseau. ) 

D. Orig^ne, disciple deG16ment , pense-t-il diflPi- 
remment de son maltre ? 

R. Orig^ne parle comme son maltre. Sur ce pas- 
sage de saint Paul aux Romains, oil il est dit que »Ies 
hommes don t il^tait question, sont inexcusables parce 
que ayant connu Dieu its ne Font pas glonfi^ comme 
Diea, le disciple de Clement fait cette reflexion : Cts 
paroles regardent tous les hommes en qui est la 
raison naturelle; mais principalement toutefois 
les sages de ce monde et ceux quon appelle 
philosophes , qui se font une etude d' examiner les 
creatures de I'univers, et tout ce qui s'y est fail, 
Bt de conclure des cheses visiblespar cellesqui ne 



fiO CATEGHISm 

$e vaient pas ( Orig. in^ Ep, ad Rom, l. l,c, i ). 

D. Avez-voas, sur tout eela, quelque remarque & 
faire! 

R. Voilk ce que disent les premiers p^res de r£«- 
gtise, qui la plupart avaieot ^{^ paiens, qui tous vi«* 
taient au milieu des paiens, qui tous travaillaient h, la 
conversion des paiens, et y travaillaient arec fruit* 



CHAPITRE VI. 

IX. Mais n'avez-vous pas oubli^ un p^re qui vaut & 
lui seul plusieurs aufres, et parlagrandeautorit^dont 
it jouit dans Ti^glise, et parce qu'il a plus approfondi 
cette question que tout autre ? 

R. Yous voulez parler de S. Augustio. 

D. Toutcommevousdites. 

It Je ne Tai point oubli6, mais r^servS h la fin 
pour r^sumer toute4a question ety r^pandre un nou^ 
veau jour. 

D. Que dit-il done ? 

R, Expliquant k son peuple ces paroles de J^sos^ 
Quist: (( J'ai manifest^ votre nom aux hommes, 
Voyons, dit«il, ce qu'il dit de ceux de ses dis* 
ciplesqml'ecoutaientalors: « J* ai manifests. Hi' 
ih votre nom aux hommes que vous m'avez don- 
net. » Est-ce quils ne connaissaient pas le nam 
de Dieu, tux qui itaient Juifs ? Que deviendrait 
alors ce quon lit : < C'est en Judee que Dieu est 
etmmi, c'est en Israel que sen nom est grand?* 



DU SBNS Gomniff. ill 

Par consdquent j'ai manifeste voire nom a ee$ 
hammes-ci que vaus mavez donnis du monde, 
qui m'dcoutent disant ces choses : non pas voire 
nom par lequel vous eies appeli Dieu, mats celui 
par lequel vous eies appele man Pere ; nom qui 
ne pouvait etre manifesid sans la manifesialion du 
FUs meme ; car son nom de Dieu de la creaiion 
entiere na pu eire absolument inconnu, meme a 
iouies les naiionsavaniquelles crusseniau Christ, 
Telle est en effei la force de la vraie DivinilS 
qu^elle ne peut eire entieremeni cachee a la cria* 
ture raisonnabie usani deja de la raison. Car 
excepts un petit nombre en qui la nature esi par 
trap depravie, ioui le genre humain con fesse Dieu 
auteur de ce monde. En iant done quil a fait Is 
monde, doni les principales parlies sont leciel et 
la terre, il esi le Dieu connu de iouies les nations, 
meme avant quelles fusseni imbues de la foi du 
Christ. Mais en iant quil ne doit pas eire inju» 
rieusemeni adore avec les faux dieux, il est le 
Dieu connu dans la Judee. Enfin, en iant quil est 
Fire de ce Christ par lequel il die les pSchis du 
monde, ce sien nonv'la^auparavani inconnu a tous, U 
le manifesia alors a eeux que son Pere lui-mime Im 
avail donnis du monde ( S. Aug. in Joan,, c. 17, 
n. 4, irac. 106). 

D. T a-t-il encore un autre p^re qui s*exprim6 d^ 
ffi^me? 

R. S. Thomas , TAnge de r^cole , dit comme & 



ftS cATicmsn 

Attgaslin : En tant que Dieu a fait c€ numde, il est 
cohnude totaes les nations ( Summ. 22 , q, 2, a. 8 )y 

D. Bo r^sam^ 7 

B. VoiU done pour le moins dix p^res de F^glise, 
et ceux-l& pr^cis^ment qui se sont occup^s de ces qaes- 
lions toute kur vie, les voilk qui affirment unanime* 
ment que les Geo tils conoaissaient le vrai Dieu, le 
cr^teur de Tunivers, noD-seulement quant k son exis*^ 
tence, mais quant k ses principaux attributs, sa sagesse, 
SSL providence, sa bont6, son unit^, sa justice, etc. 
St lis parlent non-seulement des pontes et des philcH 
sophes, mais g^n^ralement de tons les hommes ; non- 
seolement des savants, mais des plus ignorants, des 
liommes sans lettres, des homines de carrefour, nour--^ 
lis dans Tidol^trie d^s leur enfance, et actuellement \ 
ixcup^ dans les temples k honorer les faux dieux. 



CHAFITBE VIX. 

D. Mais voici une difBcult^, et une diJEBcult^ grave 
qui pent venir h de bons catholiques. On dira et on a 
dit : voilk bien des ^res quienseignent formellement 
avec 8. Paul que les Gentils connaissaient le vrai Dieu, 
bien qu'ils ne Tadorassent pas comme tel. Mais n'y a- 
t*il pasd'autres p^res et d'autres textes deT^critare 
quidisent que ces m^mes Gentils ne le oonnaissaient 
pas? 

R. Cela est vrai. 

D. Comment alors est-11 possible de concilier les 
mks avec les autres 7 



MI an camam. IIS 

IL Void coamie c'est noD-seidaiieiit potAle, oHtis 
facile d'aprts la distinctioa qa'a bite plus hanl S. A«* 

IX Ebbien, ditespramptemeDt 

R. Quand oo compare r£critare avec rtcritort, 
les p^res avec 1«| p^es, on voit qa'ii lant distingner 
dans la conoaissaoce de Diea comme quatre d^gr^ : 
i"" la conoaissaDce des Gentils ; 2* la coooaissance des 
Jvifs ; S"* la coDoaissancedesClir^tieos; 4'iaconDati* 
sance des saints daos le ciel. La premiere est ignorance 
comparativement k la seconde, la secoode compara- 
tivement &la troisi^me, la troisi^mecomparatiTemettt 
a la quatri^me. 

D. La distinction oa la gradation me parait bonne , 
mail il faut la justifier. 

R. Ainsi dans son £p!treauxRomains« S. Paul apo 
direeng^n^ral de tons les Gentils, et particuli^remenl 
des pins savants d'entre eux, qu'ils ^taient inexco* 
sables, parce que ayant connu Diea ils ne Font pas 
glorifi^ comme Dieu {Ram.^ 20 et 21 ) ; et pais dire 
dans son Epitre aux Thessaloniciens qae ks Gentib 
oa les nations ignorent Dieu ( 1. Thess. /», 5 ). 

D. VoiU le pour et le contre sur le m^me degri ; 
mais les autres ? 

R. Ainsi le Sauveur dit k la Samaritaine : Vans 
adorez ce que vous ne savezpas; nous adorons ce 
que nous savons, parce que le salutvient desJuifs 
[joan. 4, 21 ). Aux Juifs. Cest monpere qui me 
glorifie, lui que vous dites qui est voire Dieu, et 
vous ne le connaissez pas : mais je le eonnais ; et 
sije disais quejene lesaispas, je s^erais semblable 



114 CATtoiism 

a vous, menteur ; mats je le sais etje garde sapa* 
role (Ibid, 8, 5Aet 55). Ases apolres, en par* 
iant des Juifs : Jls vous feront ces chosbs parce 
qu'ils nont connu ni mon Perenimoi {Ibid. 16, 
5). De ses apdrres, en parianti son Pere: J*ai 
manifestd voire nom auxhommes^uevous tnaves 
donnes du monde ; je letir ai fait connaitre voire 
worn etje le leur ferai connaitre encore (Ibid. 17, 

6 61^6). 

D. Voilii bien les trois degr^ de connaissance dis-' 
tinga^s par S. Augustin ; mais oii est le quatrifeme ? 

B. Enfin, S. Paul dira du don m^me de la science, 
miraiouleusement communique par TElsprit saint : Ija 
science meme sera detrnite. Car nous connaissons 
en partie el en partie nous prophetisons. Mais lors* 
que sera venu ce qui est par fail, alors s'ivanoui* 
ra ce qui est parlieL Lorsquejilais enfant je rat* 
sonnais en enfant, mais quand je suis devenu 
komme , j'ai mis dehors ce qui elait de F enfant. 
Nousvoyons maintenant par un miroir en Snigme, 
maii alors nous verrons face a face. Maintenant 
je connais en partie, mais alors je connaitrai 
comme je suis connu (1 . Cor. 15). 

D. En v^rite les quatre degr^s de connadssance me 
paraissent bien ^tablis par FEcriturem^me; mais en- 
fin que concluez-vous de i& ? 

R. Tout se concilie de cette mani^re, et TBcriture 
avec FEcriture, et les p^res avec les p^res. Dieuesl 
bon, m6me envers les Gentils : quoiqu'il le soil plus 
earers les Juifs, ^plus encore envers les chr^Uens, et 



Bu SIRS comnm. 115 

qu'il le soil de toute sa bont^ envers les sainU dans 
le del. Tout doit Mnir sa mis^ricorde, et les Gentib 
aaxqaels il ne refiisa pas le premier degr6 de sa coa«- 
Baissance, et les Juifs qu'il ^l^ve k la secondey eC les 
Chretiens qu'il ^I^to k la troisifeme, et les saints qu'il 
transforme dans les splendeurs de la quatritoe. Lauez 
le Seigneur, toutes les nations ; louex^le^ tous lee 
peuples, farce que sa misericorde s'est affermie 
sur nous, et la verite du Seigneur demeure aja^ 
nuiis (Ps. 116). 



GHAPITBS VUI. 

D. Mais UD autre scrupnle genera peut-£tre debons 

catholiques. Reconoaltre avec les p^res qu'on a cit^ 
que les Geotils connaissaient jusqu'k un certain point 

le vrai Dieu» n'est-ce point d^roger au bienfait de la 

ngdcmption ? 

R. D'abord la seule autorit^ de ces p^res doit d^j^ 
nous fadre eonclure que non. Ensuite si nous exami- 
nons comme lis entendent la cbose, nous rentendrons 
eommeeux, etoousreconnattrons avec eux que toutes 
ces connaissances viennent originairement du R^- 
dempteur. 

D. Comment cela 7 

R. Suivanl S. Ir^n^e, ainsi que nous Tavons vu, 
la connaissance du vrai Dieu vient de quatre sources : 
i*" de la r^v^lation faite au premier bomme ; 2' de la 
r^v^lation par Moise et les proph^tes ; 3** de la r^v^ 
tation naturelle par le spectacle de la creation ; k* de 
kr^v^lation par J^sus-Ghrist en personne. 



f 1 6 CATECHISmt 

D. Expliquez-nous uo pea %a long la premiere T 
R. La premiere reDouvel^e par Henoch et par No6 
eCsecond^e par la troisi^me, embrasseunep^riodede 
plus de deux mille ans, suivant TH^breu et la Vulgate, 
depuis Adam jusqu'h Abraham, vers le temps duqud 
ridol&trie commeoQa k s'introduire. Jusquahrs^ dit 
S. Thomas^ une nouvelle revelation rCetait fas n^ 
ee^saire, tous les hommes persistant do^ns le cuUe 
d'un seul Dieu {Summ. 22, 9. 176. a. 6). S. 
Gyrille d' Alexandrie parle comme S. Thomas. R^pon- 
dant h cette objection de Julien TApostat : Pourquoi 
Dieu na-t'il eu soin que des Juifs ? II ' dit entre 
aiitres : Nous demontrerons sans peine que, saU" 
vmr de tous , Dieu a eu egalemeni soin des w^ 
turns et non pas d'Israel seul. On voit meme ma- 
mfostement qu'il a pris soin des nations avant d'ap- 
peler Israel de VEgypte pour le conduire en la 
terre de promission par Moise. Ceux qui s*ap* 
pliquent a V etude de la ehronologie eomptent de- 
puis Adamjusqua Noe 2242 ans ( calcul d«s Sep- 
Cante). Or durant cette periode, on »e trouve dans 
les lettres sacrees pas un seul qui soil incriminS 
d'idoldirie. lis sont accuses d*autres choses, et iU 
perissent justement par le deluge : car toute chair 
avail corrompu sa voie. On ne trouve pas non plus 
raccusation d'idoldtrie intentee a aucun des fi^ls de 
tioi apres le diUxge. Ce nest que 942 ans apres 
{toojours d'apres les Septante) ; lapostiritideNoi 
4kant dispersee de toutes parts, les hommes s'eten- 
dant deja en Orij^ni &t sur les cites de la mer^ ^ 



m sKRs coMHuir. 117 

9^4lant dija riunis dans des villes : ee fat alar$ 

mculemeni que regna le premier en Assyrie tm 

hcmme superbe el arrogant ^ Arbelus (B^lus)^ 

qu'on dit avoir recu le premier de ses sujets le nam 

deDieu, Snivant ce pere, il yaurail eu 3184 aiof 

depois Adam jusqu'au commencemeot de TidolAtrie. 

n ajoute que ce fut soas Ninas , fits d'Arb^lus^ qOB 

vteut le divin Abraham, et que d^testaot let efforts im- 

inesdes Assyriens et l-outrage qu'ils faisaient^ laioft- 

jest^ divine, il fut appel^ ^ une connaissance plus cer- 

laine du vrai Dieu. Nous disans dancj conclut-il, qus 

la providence du Dieu tout-fuissant dans le soin 

des nations a ete antirieure a la vocation d' Israel 

hors de VEgypte ; et meme la vocation des Hebreux 

est une vocation des Gentils, ayant ite accompUe 

dans le chefde la race, savoir en Abraham que 

Dieu lira d'une foret sterile pour en (aire un adfh 

raieur en verite ( Cont. Julian. , J. 5, object, ult^ ). 

D. Y a-t-il encore d'autres p^res qui pensent sur 
cMte question comme S. Cyrille ? 

R. II y en a'plusieurs autres, notamment S. Epi- 
phane qui, dans son Histoire etsa Refutation g^n^rale 
de toutes les heresies, porte comme fait et principe 
fondamental : que TEglisecatboliqueest de T^terniU; 
qn'elle est le commencement de toutes choses, et 
que toutes les t^r^sies lui sont post^rieures. De ces 
h^r^sies il en compte vingt avant J^sus- Christ, et dans 
ces vingt il met le paganisme ou Tidol^trie vers le 
temps d' Abraham ( Adv. haeret. , I. 1 ). 

D. Que direz-vous de la seeonde revelation ? 

B. Quant & la sec onde revelation \, faite par Abraham , 



If oise el les autres proph^tes, & Athanase observe 
ga'elle D'^tsit pas pour les Juifs, mais pour toute la 
terre. Les hommes pauvaient dtmc^ diUil, lewmt I09 
regards vers I'eiertdue des deux, et donsiderani 
Vordre de la nature et Vharmonie des choses, en 
reconnaitre le prince et le moddrateur, le Verbe 
de Dieu qui, par sa providence universelle, mani' 
feste a tous le Pere, et qui meut pour cela tout$$ 
choses, afin que par lui tous puissent connaitr^ 
Dieu. Que si cela leur etait difficile, ils pouvaient 
par le seul tommerce atec les saints, parvenir a 
cette science, de maniere a connattre le Dieu creor 
teur de tovtes choses, peredu Christ; comprendrs 
de la que lecultedesidolesn*est appuyesurriend^ 
divin, mais Tju'il estrempli d'impiStS. Ilspouvaieni 
aussi, par Vinstitution de la loi , itre detoum4$ 
des crimes et mener une vie vertueuse. Car ee n*esi 
pas en faveur des Juifs seuls que la loi a ete intra* 
duite, les prophetesnon plus nontpas eteenvoyes 
Qux seuls Juifs, qui les persecutaient ; mais ils oni 
iti destines pour etre les maxtres et les instituteun 
de Vunivers entier, et comme une ecole publique et 
sacrie, tantpour ce qui regarde la connaissance d4 

Dieu, que pour ce qui regarde laconduite de rdm€ 
(Delncarn. Verbi). 

D. Est-ce Ik une opinion particuli^re h S. Athanase ? 

R. 6. Chrysostdme tient le m^me langage. // est 
une vde par les creatures, il en est une autre par 
les serviteurs. C* estpar celle-ci que dans les siecles 
aneiens, Dieu a dissimini la doctrine dans chaque 



B0 mis comuK. 119 

pdneraiion. II itistruii les Egypiiempar Abraham, 
ainsi que les Perses; leg IsmaSlites par $es deseet^ 
dlants, aingi quune infinite d'autres ; les habitants 
de la Mesopotamiepat Jacob. Vausvoyezque I'uni^ 
0ers entier e6t eti enseigne par les saints, si les 
hommes avaient vaulu, De plus, avant eux, le di* 
luge et la confusion des langues avaient suffi pow 
exciter leur esprit. De la mime maniere, tow eetsx 
qui habitaient V Occident apprenaient toutes chases 
par leur commerce avec les marchands egyptiens 
(InPsal.A). 

D. Mais cette maniere de voir est*elle jostifite pir 
TEcritore saiote ? 

B. Le saint homme Tobie disait : Binissez U Sei- 
gneur, en f ants d' Israel et louez4edevant les nations; 
Car s'il vous a disperses parmi des nations qui V^ 
gnorent,cestafinque vousy racontiezsesmerveilles 
et que vous leur fassiez savoir quil ny a d' autre 
Dieu tout-puissant que lui ( Tob. 15. 3 eM). En fin 
Dieu lui^meme disait a Pharaon : Void pour quoije 
i'ai eiabli, c*est afin de montrer en toi ma force, et 
que mon nom soit raconte par toute la terra 
{Exod. 9, 16). 

D. Voil^ qui est bien pour les deux premieres r^v^ 
lations : que direz-vous de la troisi^me 7 

R. Pour ce qui est de la troisi^me sorte de r^v^kh 
tion par la raison, les p^res qui out d^fendu le chris^ 
tiafiisme centre les pafens, remarquent deux choses. 
La premiere, c*est que la raison qui ^claire tout honuBe 
venant ence monde^ eslleVerbedeDieu^ Cen'estjfos 



i20 gauEgihsms 

mulement chez les Grecs que le Verbe a etabU C09 
niriUspar Socrate, dilS. Justin : lememe Verbe., 
fait homme, et appele Jdsus'Christ, I' a fait encore 
ehez les Barbares (1. Apol,n, 3). S. Athanase, 
aipsi que nous Tavons vu, Clement d'Alexandrie et 
antres s'exprimefit de m^me. La seconde observatioo, 
c'est que ce Dieu qui apparait aux patriarches et anx 
proph^tes, ^tait lememe Verbe de Dieu. Bossuet a t6- 
sum^ cetle commune pens^e des p^res, en sa sixi^me 
£l6yation de la dixi^me semaine. 

p. Que conclure de tout ceci ? 

B. Toutes les lumi^res viennent ainsi du Fils de 
Dieu, ainsi que viennent du soleil toutes leslumi^r^ 
qui pr^cfedentson lever, m6me celles qui r^pandent 
d^s les t^n^bres comme un jour nocturne. G*est de 
lui, par lui et pour lui que lout est. Toutes choses 
viennent d'un seul et meme Verbe, dit le livre de 
rimitation (Z. 1 , c. 3), et toutes choses parlent 
unseul etmeme Verbe, et c'est la ce prtncipe qui 
nous parte. Sans lui personne ne comprend ni ne 
juge avec rectitude, A lui done la gloire de loot 
dans les si^cles des slides. 



CHAPtTBS XS. 



D. Ce que les p^res de I'Eglise enseignent tou- 

'chant le degr^ de coonaissance que lespaiens avaient 

du vrai Dieu, se trouve-t-il confit'v^ par Faveu des 



DU SENS COBOfUN. 121 

palens eax-m£mes et par quelques faits encore sub- 
sistants? 

R. Oui. 

D. Doanez-nous-en quelques preuves? 

R. Sopbocle disait eu plein tb^tre aux Atb^niens : 
Dans la verili, il ny a quun Dieu qui a fait le del 
et la terre ct la mer azuree et les vents impetueux, 
Laplupart des mortels , dans V egaremenl de lew 
cceur, dressent des statues des dieux comme pour 
trouver dans ces images de bois, dairain, d*or^ 
d'ivoire, une consolation de leurs tnaux, lis lent 
offrent des sacrifices, ilsleur consacrent des fetes, 
i'imaginant quen cela consiste lapiete (1). 

D. Aristote a-t-il dit quelque chose k ce propos? 

R. Arislole dit : C'est « une tradition ancienne, 

iransmise des peres aux enfants, » que cest Dieu 

quia tout fait et quiconserve tout, II n* est point 

d*etre dans le monde qui puisse se suffire a lui* 

meme , et qui ne perisse sil est abnndonnd do 

Vieu, Oui, Dieu est veritablement le generateur et 

conservateur de tous lesMres , quels quils soient 

dans tous les lieux du monde. Mais il ne Vest pasfh 

Ig. maniere du faible artisan, dont V effort est pe- 

mble et douloureux, II Pest par sa puissance infi- 

me, quiatteint sans aucune peine les objets les plus 

eloignes de lui. Assis dans la premiere et la plus 

haute region de lunivers, au sommet du monde, 

comme I'a d%t le poete, il se nomme le Tres-Haut, 

(!) Soph, apud S. Justin, de Monarc, et Clem. Alex. , 
Strom, , L 5, p. 603. 

11 



122 ey^TEGHisMv 

{De MundOfCap. 6.) 

D. Quest-ce que dit le paien Maxime de Tyr. 

R. Voici comme il parle : Dans les autres chases, 
les hommes pensent fort differemment les uns des 
autres. Mais au milieu de ceite difference generale 
de sentiment sur tout lereste,malgre leurs disputes 
eternelles, vous trouverez par tout le monde une 
unanimite de suffrages en favour de la Diviniti, 
Partout les hommes confessent. quHl y a un Dieu, 
le pere et leroi de toutes choses et plusieurs dieux 
qui sont fils du Dieu supreme, etquipartagent 
avec lui le gouvernement de Vunivers, Voila ce que 
pensent et affirment unanimement les Grecs et les 
Barhares, les habitants du continent et ceux des 
cdtes maritimes, les sages et ceux qui ne le sont pas 
(Dissert. 4). 

D. Qu'est-ce que dit Lactance sur cette unit^ dn 
Dieu supreme et cette multiplicit^edieuxsubalternes 
que recoDDaissent les paiens ? 

R. Lactance dit a ce sujet : Les paiens qui ad- 
mettent plusieurs dieux, disent cependant que ces 
divinites subalternes president tellement a toutes 
les parties deVunivers quil ny a qtiunseul gou' 
verneur supreme. Les autres ne sont done pas des 
dieux, mais les serviteurs ou les ministres de ce Dieu 
unique, tres-grand et tout-puissant qui les a pre- 
poses pour executor sesvolontes [Div. Ins.) I. I,c,5- 

D. Quelle est la remarque de Bossuet sur cette 
m^me question ? 

R. Bossuet dit dans sa Preface sur r^pocalypse ^ 



Dt) SSXS COBIMUN. 12S 

QiMX^dje vois dans lesprophetes, ei V Apocalypse, 
et VEvangile meme, cet ange des Perses, cei ange 
des Gre€s,iCet ange des Jvifs, I'ange des petits en* 
fants, qui enprend la defense devant IH^eu centre 
ceux-qui les scandalis€nt,"Vange des eaux, I'ange 
dufeu, et ainsi des autres ; et quandje vois parmi 
tons ces anges, celui qui met sur Vautel le celeste 
encens des prieres,je reconnais dans ces paroles une 
espece de mediation des saints anges, Je vois meme 
te fondement quiapu donner occasion aux patens 
de distribuer leurs divinites dans les elements et 
ies royaumes pour ypresider ; car toute erreur est 
fondie sxm une verite dont on abuse. 



GBAPITBS X. 

D. Jusqu'i pnSsent vous avez ]ustifi6 vos r6pons6s 
pour les idol^tres de rantiquit^ ; mais en est-il de 
inline pour les paiensactuels deTAsie? 

R. Oui, et nous en avons pour t^moin, parmi beau- 
coup d'autres, le savant Anglais W. Jones, qui dit : 
Les Indiens, les Arabes, les Tarlares, les Persans, 
et les Chinoisreconnaissenluniversellementlapuis" 
sance supreme d'wn esprit qui a tout crie et qui con- 
serve tout; qui est infinimentsage, puissant et bon^ 
et infiniment au-dessus de la comprehension des 
creatures les plus elevees, Dans aucune langue, 
excepts I'hebreu, on ne trouve des prieresplus 






124 GATiCHISME 

A. 

pieuses et plus sublimes a KEtre des etres, des ex* 
positions plus magnifiques deses atlributs, de plm 
belles descriptions de ses oeuvres visibles que dans 
Varabe, lepersanet le Sanscrit {Recherches asiat^t 
^ 4, p. 183). 

D. Maiscette connaissaoce du Dieu supreme esl* 
die r^pandue parmi le peuple : 

R. Voici une sentence, eutre autres, que les brails 
manes, ces fameux philosophes, ces ^ternels domina^ 
teurs des idi^es de Tlnde, font apprendre dans la pla- 
part des 6coles : Avant que la terre, Veau^ Vair^ le 
^ent, le feu, Brahma, Vichnou, Siva, le soleilf les 
itoiles, et autres objets sensibles existassent, fe 
Lieu unique et eternel, Suayambou (celui qui 
existe par lui-m6me ) existait. Telle est la sen- 
tence que les Brahmanes font apprendre dan& la pin* 
part des ^coles, et celasous les yeux d'un t^moin ocor 
laire qui Ta vu pendant Irente ans (1). 
D. Voilk qui est merveilleux ; mais avec cela 7 
B, El avec cela, jamais peuple aussi superstitieuse* 
mentidoiatre que le peuple dent les brahmanes sent, 
depuis tout temps, les philosophes et les docteurs. U 
adore tout k la fois et ToiseauGarouda, esp^ce d'aigte, 
et le serpent Gapel que cet oiseau mange : au lieu de 
tuer CCS Tenimeux reptiles qui leur donnent souvent 
la mort, il ya ieur offrir en sacrifice les mets les plus 
d^Iicats au bord de leurs trous ; 11 adore des pierreset 
des plantes, et c^l^bre une f^te anuuelle en Thonneur 
d'uneherbetr^s-commune nomm^e Darha. Dans plus 

(i) Dubois; Masurs et imtitutwni des peuples de I'lndSf 
\, 2, p, 193. 



DU SENS COBIMUN. 125 

d'une occasion oo y adore jasqB'ksapelleet sabSche: 
^ one certaine fSte chacun oifre un sacrifice k tous les 
OQiils de sa profession. 

D. A ceup s^r, les brahmanes ou philosophes de 
rinde n'ont pas tears pareils en Europe. 

B. Peut-^tre qne vous vous trompez. II y a qua- 
rante ans, ia philosophic frangaise du dix-huiti^me 
si^cle, maltresse des affaires en France, imagina un 
caleodrier oii cbaque jour 6tait consacr^, non plus k 
un saint ou ^une sainte, mais k une b^te, k une plante, 
ou & un outil. Dans ce calendrier philosophique^ la 
vache et le bceuf tenaient un rang fort distingue, ce 
dernier dtaitle principal perscnna^3 d'une des grandes 
flutes de Tann^e; nous en avons ilt t^moin. 

D. Jusqu'^ present, quels co::^t les philosophes qui 
Vous paraissent avoir Favantage, les philosophec de 
France ou les philosophes d*Inde ? 

B. Jusqu'^ present les philoso{Aes d'Inde Tempor- 
tent sur ceux de France, du molds k en juger par un 
article des plus considerables, celui de la vache pt du 
bceuf. 

D. Comment cela ? 

B. Dans Tlnde, comme il y en aeu en France, il y 
a quarante et quelques ann^es, il est des f^tes en I'hon* 
neur de Fun et de Fautre ; mais dans FInde il y a deux 
ou trois choses de plus. D'abord la vache y est quel- 
que chose de si satr^ qu'en tuer une ou manger de sa 
chair est un crime beaucoup plus grand que de tuer 
un homme, fut-ce m^ine son p^re ou sa m^re. En se- 
cond lieu, Furine de vache est aux Indous une eau lus- 
trale, non-seulement pour se laver, mais pour boire. 
Enfin pour un brahmane, pour un de ces fameux phi^ 



1 



126 CATECHISia 

losophes de Tlnde le plus grand bonheur, le moyen le 
plus iClr f avoirrindalgence pl^ai^re de tous les p^ch^s, 
le moyen infaillible d'aller tout droit en paradk, c'est 
de mourir en tenant one vache, non par la t6te, mais 
par la queue. 



CHA^ITBlS XL 

D. Esp6rez-vous que jamais les FranQais surpassenl 
on du moins ^galent en ceci les Indous ? 

R. Je ne Tesp^re pas, mais on peut le craindre. 

D. Pourquoi? 

R. Par la raison que celui qui pose un principe 
doit s'attendre k la consequence. 

D. Mais ou done voyez-vous en France le principe 
de cette monstrueuse idol^trie que les htahmes ont 
etablie dans Tlnde? 

R« Je le vols dans Tenseignement des brahmes 
frauQais qui donnent h eux seuls 1q droit d'eqseigner 
la France. 

D. Expliquez-vous un pen plus. 

R. N'est-il pas vrai que si tout est Dieu, il faut 
tout adorer, la queue d'une vache aussi bien qu'une 
prostitute nue ? 

D. La consequence me parait juste; mais oil done 
enseigne-t-on uue pareille doctrine? 

R. Dans FUniyersite brahmanique de France, 
comme on le voit par les ^lucubrations de ses doc- 
teurs, m^me de ses grands maitres. 

D. Mais n'est-ce pas un article du sens commun 



m SENS C0MMU5. 127 

anssi bien que de la foi catholique, qu'il y a une dis- 
tance infinief entre Dieu et les creatures, entre la subs- 
tance de Dieu et celle des creatures, entre son mode 
d' existence et ie leur? 

R. Oui le premier article du bon sens et de la foi 
catholique dit qu'il y a une distance infinie. 

D. Comment peut-on alors sans ofTenser souverai- 
nement le bon sens et la foi catholique supposer que 
Dieu et les creatures sont la m^ie chose, que leur 
substance est la m^me ; en un mot que tout est 
Dieu? 

B. On ne peut pas le supposer sans oiTenser sou- 
verainement la foi catholique et le boa sens. 

D. Mais au nom de qui enseigne-t-on ces impies 
extravagances? 

R. Ge n'estpas au nom de TEglise catholique qui 
les condamne, et qui seule a reQu de Dieu le droit 
d'enseigner les v6rjl^s religieuses. 

D. Serait-ce au nom de TEtat, qui pourtant se de- 
clare lui-meme sans doctrine, sans croyance» sans 
religion ? 

R. Je Tignore, ce qu'ily a de sur, c'est que rfelal 
paye les hommes qui posent ainsi les fondements de 
Tidol^trie brahmanique, et cela apr^s avoir d^cr^t^ 
(|ue la religion catholique serait la base de Tensei- 
gnement public en France. 

D. Une chose me passe^ c'est que les Frangais aient 
pn inventer cela. 

R. Les frangais ont trop d'esprit pour avoir in- 
vents rien de pareil : c'est une marchandise import^e 
d'Allemagne^ particuli^rcment de Prusse et timbrfe 
des Qoms prusslens de Kant et de H^geL 



128 GATEGHISMB 

D. En v6ril6 si, sur le premier article du symbole 
et du bon sens, la France marche d^s maintenant k 
la queue de la Prusse, elle pourra bien marcher un 
jour h la queue de Tlnde. 



GHAPXTAS SIX. 

D. Le p6re de la philosophie francaise, si francaise 
il y a, en un mot Descartes, a-t-il donn6 de pr^s ou 
de loin dans ce chaos philosophique, dans ce pan- 
ih^isme Prussien ou Indou? 

R. Nullement. 

D. Quelle preuve en avez-vous ? 

R. D'abord, et pendant sa vie et k sa mort, Des- 
cartes 8*est montr6 sincere catholique, croyant tout 
ce que TEglise catholique croit et enseigne. 

D. Ensuile? 

B. Ensuite, le principal but de sa philosophie est 
de prouver, contre les sceptiques, les ath^es et las 
mat^rialistes, I'existence de Dieu et rimmat^pialit^de 
r<ime humaine. 

D. Et quelle id^e donne-t-il de Dieu? 

R. La meme id6e que I'Eglise catholique, i sa voir, 
d'un etre infiniment parfait, cr^ateur du ciel et de la 
terre et souverainement seigneur de toules choses. 

D. Quelles sont ses propres paroles ? 

R. c( Par le nom de Dieu, dit-il dans sa medita- 
tion Iroisieme, j'entends une substance infinie, 6ter- 
nelle, immuable, ind^pendante, toute-connaissaate , 
taute-puissanle, et par laquelle moi-mtoe et toutes 



DU SBNS COHMUN. iSf 

les autres choses qui sont ont itt cr^^es et pro- 
dnites. » 

D. Qu'est-ce qu'il obsenre par rapport h cette 
id^e de Dieu ? 

R. 11 observe que cette id^e de Dieu est la mim% 
dans tout les hommes, et il en cooclut qu'elle n'eit 
pas une fiction de notre esprit. 

D. Gitez-nous les paroles m^mes. 

R. « Si cette id6e n'^tait rien autre chose ea nous 
qifane fiction, dit-il dans ses r^ponses aux secondes 
objections, elle ne serait pas conQue si exacteraeni 
de la m^me fegon de tout le monde; car o'est une 
chose tr^s-remarquable que tous les m^taphysicieos 
s'accordent unanimement dans la description qu'Qs 
font des attributs de Dieu, au moins de ceux qui 
peuyent 6tre connus par la seule raison humaine, en 
telle sorte qu*il n*y a aucune chose physique ou sen*- 
slble, aucune chose dont nous ayons une id^e si ei*- 
presae et si palpable, touchant la nature de laqueUe 
il Qc se rencontre cbez les philosophes une plus 
gtande diversity d'opinions qu'il oe s'en rencontre 
toochant celle de Dieu. » 

D. D'ou Descartes tire-t-il ses preuves sp^ciahi 
que Dieu existe? 

R^ II les tire de Tidte m^ine de Dieui et puis de 
notre propre existence. 

D. Parexemple? 

B. Par exemple, apr^s avoir pos6 dix d^fioitio&e 
avec dix axiomes ou notioni communes, ii en d^duit les 
trots demonstrations suivantesderexistence de Dieo : 

i* Dire que quelqne attribat est contenu dant la 

12 



'J^-. 



i 30 GATEGHISME 

nature on dans le concept d'une chose, c'est le m^ine 
que de dire que cet atlribut est vrai de cette chose, 
et qu'on peut assurer qu'il est en elle, par la defini- 
tion neuvi^me ; 

Or est-il que Texistence n^cessaire est contenue 
dans la nature ou le concept de Dieu, par Taxiome 
dixi^me ; 

Done il est vrai de dire que I'existence n^cessaire 
est en IXieu, ou que Dieu existe. 

D. Quelle est sa seconde demonstration? 

R. La r^alite objective de chacune de nos id^es 
requiert une cause dans laquelle cette m^me r^alit^ 
soit contenue, non pas simplement objectivement , 
mais formellement ou ^minemment, par Taxiome cin- 
qui^me ; 

Or est-il que nous avons en nous Tid^e de Dieu 
(par la definition deuxi^me ethuiti^me), et que la 
r^alite objective de cette id6e n' est point contenue en 
nous, ni formellement, iii eminemment, (par Taxiome 
sixifeme) , et qu'elle ne peut etre contenue dans au- 
cune autre que dans Dieu m^me, par la definition 
huiti^.me; 

Done cette idee de Dieu qui est en nous demande 
Dieu pour sa cause ; et par consequent Dieu existe, 
par Taxiome troisi^me. 

D. Comment Descartes demontre-t-il Texistence 
de Dieu, de ce que nous-memes, qui avons en nous 
son idee, nous existons ? 

B. Voiei sa demonstration. 

Si j'avais la puissance de me conserver moi-meme 
j'aurais aiissi, k plus forte raison, le pouvoir de me 
donner toutes les perfections qui me manquent ( par 



DU SENS GONMUlf. 131 

Taxiome huiti^me et neuvi^me), car ces perfections 
ne sont que des attributs de la substance, et moi je 
suis une substance ; 

Mais je D*ai pas la puissance de me donner toutes 
ces perfections, car autrement jelesposs^deraisd^j^, 
par Taxiome septi^me ; 

Done je n'ai pas la puissance de me conserver moi- 
m^me. 

Et apr^s, je ne saurais exister sans^tre conserv^,tant 
que j'existe, soit par moi-m^me, suppose que j'en ale 
ie pouvoir, soit par un autre qui ait cette puissance, 
par Taxiome premier et deuxi^me ; 

Or est-ii que j'existe, et toutefois je n^aipaslapuis- 
^nce de me conserver moi-m^me, comme je viens de 
prouver ; 
Done je suis conserve par un autre. 
De plus, celui par qui je suis conserve a en soi for- 
mellement ou ^minemment tout ce qui est en moi, par 
Taxiome quatri^me ; 

Or est-il quej'aieu moi la perception de plusienrs 
perfections qui me manquent, et ceile aussi de Tid^e 
de Dieu, par la definition deuzi^me et huiti^me ; 

Done la perception de ces mdmes perfections est 
aassi en celui par qui je suis conserve. 

Enfin, celui-lk m^me par qui je suis conserve ne 
pent avoir It perception d'aucunes perfections qui lui 
manquent, qu*il n'ait point en soi formellement ou ^mi- 
nemment, par Taxiome septi^me ; car ayant la puis- 
sance de me conserver comme il a ^t^ dit maintenant, 
ilaurait, k plus forte raison, Ie pouvoir de seles don- 
ner lui-m^me, si elles lui manquaient, par raxiome 
hoitifeme et neuviime ; 



1 52 . CATEGHISMB 

Or est-il qa*il a la perception de toutes les perfec- 
tion9quo je recoonais me manquer, et que je congois 
ne poavoir ^tre qu'en Dieu seal, comme je riens de 
prouver ; 

Pone il les a loutes en soi formellement ou ^minem- 
ment ; et ainsi il est Dieu. 

D. Quel est le coroUaire que Descartes tire dece 
qui precede? 

B. Dieu a cr^^ le ciel et la terre, et tout ce qiiiy 
est contenu, et outre cela il peut faire toutes les choses 
que nous concevons clairement, en la mani^re que 
nous les concevons. 

D. Comment Descartes dtoontre-t-il ce corollaire ? 

B. Toutes ces choses' suiventclairement de la pro- 
position pr6c6dente. Car nous y avons prouv6 Texis- 
tence deDieu, parcequ'il est n^cessaire qa'il y aitun 
6tre qui existe dans lequel toutes les perfections dpnt 
il y a en noui quelque id^e soient contenues formelle- 
ment ou ^minemment ; 

Or est-il que nous avons en nous Tid^e d'unc puis- 
saHice si grande que par celui-Ui seul en qui elle r^« 
side, non-seulement le ciel et la lerre, etc. , doiveot 
ai^oir 6t6 cr^^s, mats aussi toutes les autres choses que 
nous concevons ^tre possibles peuvent 6tre produites ; 

Done, en prouvant Texistence de Dieu, nous avons 
aossi prouv6de lui toutes ces chosef . 

D. D'apr^s tout cela, peut-on dire que les savants 
de France qui, avec lesidol&tresdeTInde, confondent 
Dieu avec un animal, une plante, une pierre, peut-oo 
dire que ces savants connaissent etsuivent la philoso- 
pfaie de Descartes 7 



DU SENS COMMMUlf. 133 

R. A coup sftr ils ne la suivefit pat, peut-^tre inline 
qu'ils rignorent 



D. Est-il encore quelqu*autre v^rit^ principale que 
des savanta ignorent ou sur laquelle ils se trompent ) 

B. II en est encore phis d'une. Ainsi tel savant iV- 
Instre confondant personne et essence mettra trois es^ 
sences dans la Trinity au lieu de trois personnes, el 
dira dans un ouvrage bien connu, la stconde esence 
s'inclioe devant la premiere. 

D. Est-ce le seul qui se trompe de la sorte 7 

Un autre non moins famenx dira que les troii per- 
soones divines sont les trois principes de la creation. 

D. Que remarquez-vous Idt-dessus 7 

B. Les Manich^ens ne supposaient que deux prfo- 
cipes de la creation, en supposer troit, c*est un de 
plus, 

D. Est-ce que les p^res de TEgliseont jamais ensei- 
gn^ qu'il y eut plus d'un principe de la creation 7 

K Au contraire ils ont toujours enseign^ contretef 
paiens, et surtout contre les manich^ens qu'il n*f ^ 
qu'on principe de la creation parce qu'il n'f a qu'an 
seal Dieu cr^teur. De 1^ le titre de ta monarchieon 
de Tonite de principe, que le martyr et philosopbis 
saint Justin donne au livre qu'il (it sur ce sujet. 

0« Qu'est-ce que lecat^bisme qu'on fait appreodre 
aux enfants enseigne k cet ^rd 7 

B. On y demande h T enfant : Les trois persoones &- 



i 54 GATEGHISU 

viDes soot-elles trois dieux? L'enfant r^pond: Nod, 
les trois personnes divines ne sont qu'un seal Diea. 

D. Est-cfl toat ce que dit Ik-dessus le cat^chisme ? 

R. On y demande encore : Pourquoi les trots per- 
soaaes divines ne sont-elles qu'un seul Dieu ? Et ['en- 
fant r^pond : Parce que les trois personnes divines 
n'ont qu'une seule et m4me essence, un seul et m^me 
entendement, une seule et m^me volont^, une seule 
«tm^me puissance, une seule et m^me operation. 



GHAPITRS ZIV. 



D. Y a-t-il encore d*autres v^rit^s principales du 
cat^chisme que les savants ignorent, tandis que les 
ignorantsles savent ? 

R. Oui, il y en en a d*autres encore, particulifere- 
ment la notion de la gr^ce de Dieu. 

D. Comment cela ? 

R. Dans leurs oeuvres historiques ou philosophiques 
la plupart des savants modernes, en parlant de la doc- 
trine de TEglise catholique sur lagr^ce divine et la na- 
ture humaine, supposent que, d*apr^s cette doctrine, 
la gr^ce divine n'estque la restauration de la nature bu- 
maine, et que la nature humaine, non ^r^cfa^e, n'aviut 
aucun besoin de la gr^ce divine. Ainsi pense Tauteur 
d'on ouvrage fort en vogue : Etudes philosophiques sur 
le ehristianisme, 

D. En quels termes Tauteur de cet ouvrage r^- 
SQme-t*il sa doctrine sur cette matifere 7 



DU SENS GOMMUN. 155 

B. « La gr^ce de J^sus-Ghrist, dit-il, est le retour 
de la vie primitive, aussiparalt-elle surnaturelle, et elle 
Test en eifet, mais par rapport ^|Ia nature corrompue 
settlement. Gar, par rapport k la nature primitive, 
elle est naturelle, puisqu*elle est cette nature m^me 
r^int^gr^e en nous. » ( Etudes philosophique» sur le 
cliristianisme par Augusts Nicolas, cb. 15, de lagrtee 
et des sacrements, t. 2, p. 207, seconde Edition 
de Bruxelles. 18/^6). 

D. A cela que trouvez-vous k redire ? 

R. D'abord e'est imposer k TEglise le contraire de 
ce qu'elle enseigne ; puis, c'est enseigoer soi-m^me 
uneerreur que TEglise acondamn^e dans les P^Iagiens 
et dans les Jans^nistes. 

D. Qu'est-ce que TEglise enseigne done sur la na- 
ture humaine etla gr4ce divine? 

R. Elle enseigne que la gr&ce est non-seulement 
une restauration de la nature d^chue, mais encore et 
surtout un don surnaturel, un don au-dessns de la 
nature meme non d^cbue. 

D. Quelle est cette erreur que I'Eglise a condamnte 
k la fois et dans les P^lagiens et dans les Jans^nistes ? 

R. Baius et les Jans^nistes, tout en criant au p^la- 
gianisme, supposaient avec les p^lagiens, que dans le 
premier bomme, la gr^ce n'^tait autre cbose que la na- 
ture ; que le premier bomme poavait ainsi, par ses 
seules forces niturelles, s'^lever au-dessus de lui- 
m^me, francbir Tintervalle infini qui s^pare la crea- 
ture du Gr^teur, et voir Dieu imm^iatement en son 
essence. D'oit ils concluaient n^cessairement, que, 
sirhomme d^cbuabesoin delagr&ce proprement dite, 
ce n'ttsf que pour gu^rir et restaurer la nature. Or, 






1 36 GATECHISMB 

TEglise a condamn^ cette proposition du jans^niste 
Qaesnel : La grace du premier homme est une 
fuiie de la creation, et elle etait due a la nature 
$aine et entiere ( 1 ) ; et celte autre de Baius : L'C" 
levation de la nature humaine a la participation 
de la nature divine etait due a Vintegrite de la pre- 
miere creation ; et par consequent on doit fappC' 
ler naturelle et nonpas surnaturelle (2). 

D. GommeDt saint Thomas explique-t-il la doctrine 
de TEglise sur la gr&ce divine et la nature humaine 7 

B. D'apr^s Texplication de saint Thomas, qui est 
Texplication catholique, la grdce est un don surnatu'* 
rel^ non>seulemement k Thomme d^cha de la perf«C'*> 
tion dasa nature, mais k Thomme en sa natore emigre : 
sumaturel, non-ceulement k Thomme, mais k toute 
creature; non>seuIement & toute cri^ature actuelle- 
meat existante, ma[3 encore k toute creature passible 
(12, q. 110, a. i; — q. HI, a. 1, ad 2 ; — q. 112, 
a. 1:— g. lU, fl. 2). 

D. Saint Thomas en donne-t-il quelque raison ? 

R. Saint Thomas ne se borne point k Texpliquer 
ainsi, mais il en donne une raison si claire et si simple 
qn'il suffit de Tentendre pour en 6tre convaincu. 

D. Quelle est cette raison si claire et si simple? 

B. La vie ^ternelle consiste k eonnaitre Dieu , k voir 
Dien, non plus k travers le voile des creatures, ce que 

(1) Gratia Adami est sequela creationis^ et erat debita na- 
ttine sans etintegrae. Prop. 35. 

(2) Humanae naturs subllmatio et eialtatioin consortimn 

divioae naturae, debita fuit intiegritati primae creationiSy ac 

proinde naturalis dicenda est, et non.siipematura]is. Prop. 
31, 



DU SENS GOMMUN. 157 

fait la tfa^ologie naturelle ; non plus comme dans un 

miroir^ en ^nigme et en des similitades, ce que fait 

la foi : mais h le voir tel qu'il est, k le connaitre tel 

qu*i\ se connail. Videbimus eum sicuti est, dit le 

disciple bien-aime (1 Joan. 3, 2). EtS. Paul : 

Mainlenant nous levoyonsparun miroiren eni^me; 

tnais alors ce sera face a face, Maintenant je 

le connais en parlie ; mais alors je le connaitrai 

comme fen suis connu{l Cor, , 13, 12 ). Or tout 

le monde sait, tout le monde caovient que de Dieu h 

une creature quelconque ily a rinfmide distance. II 

est done naturellemeDt impossible k une creature, 

qudle qu'elle soit, de voir Dieu tel qu^il est, tel que 

lui-m^me il se volt. II lui faudrait pour cela une fa* 

cult6 de voir infinie, une faculty que naturellement 

elle n'l pas, et que| naturellement eile ne p«ut pas avoir. 

Ily a plus, la vision intuitive de Dieu, qui consti- 

tne la vie ^ternelle, est tallement au-dessus de toute 

creature, que nul ne saurait par ses propres forces 

ea concevoir seulement Tid^e. Oui, dit S. Paul apr^s 

le prophete Isaie : Ce que ioeil na point vu, ce 

que I'oreille na point entendu, ce qui nest point 

monte dans le coeur de Phomme^ voila ce qu$ Dieu 

aprepare a ceuxqui I'aiment (1 Cor, 2,9). Pour 

done que Fhomme puisse m^riter la vie ^ternelle, et 

meme en concevoir la pens^e, il lui faut, en tout ^tat 

de nature, un secours surnaturel, une certaine parti* 

cipation & la nature divine. L'homme ne pouvant s'6- 

lever en ce sens jusqu'^ Dieu, ilfaut que Dieu des- 

cende jusqu'k Thomme, pour le d^ifier en quelque 

sorte. Or cette ineffable condescendance de la part de 



1 38 CATBGHISMB 

Dieu, cette participation k la nature divine, cette dei- 
fication de rhomme, c*est la gr^ce (1» 9. 2 18, a. U ; 
— q. 23, a. 1 ; — g. 56, a. 3 ad 2 ; — 22, q. 5, a 5). 

D. Si on supposait le contraire de cette explication 
et de cette doctrine, que s'ensuivrait-il ? 

R. Supposer que rhomme puisse, par les seules 
forces de sa nature d'homme, voir Dieu tel qu'ilesten 
lui-m^me, tel que lui-mSmeil se voit, c*est supposer 
que I'homme est autant que Dieu, ou que Dieu D'est 
pas plus que i'faomme : c'est supposer qu'il n'y a pas 
une distance infinie entre Fbomme etDieu : c'est offen- 
ser le premier article du symbole et du bon sens. 

D. Que concluez-vousde cecit 

B. Je conclus entre autres, qu'il est d^une extreme 
importiinee pour les savants de savoir le cat^chisme. 



D. Avez-vous d'autres observations sur des ma- 
ti^res semblables 7 

R. II en est une qui touche de pr&s h ce que nous 
venons de voir. 

D. Qu'est-ce que c'est ? 

R. C'est de s'imaginer que par le p^ch^ originel, 
I'bomme a 6t£ priv^ de quelque chose qui ^tait Aik & 
sa nature ; ensuite, que si Adam n'avait pas p^ch^, 
ses descendants n'auraient rien k craindre ni k souf- 
frir. 

D. En quoi consiste done la vraie punition du p^ 
ebi originel T 



DU SENS GOMMUN. 139 

it. La yraie punition du p^ch^ originel consiste h 
6lre priv^ des dons surnaturels que Dieu avail sura^ 
joutis k la nature humaine dans le premier homme» 
chef et repr^sentant de cette nature, et elle ne con- 
siste qu'en cela. 

D. Expliquez-nous un peu plus votre r^ponse. 

R. Le principal de ces dons 6tait la gr^ce, qui de- 
vait se consommer dans la gloire, dans la claire vue 
de Tessence divine. L'immortalit^ dn corps, la parfaite 
soumission des sens h Vkme et de r&me h Dieu en 
^talent les suites. Par le p6ch6, Thonime a perdu tons 
ses dons surhumains : il est r^duit k sa nature seule, 
nature ini(>arfaite, mais telle n^anmoins que Dieu au- 
rait pu Ty cr^er d^s Tongioe. Telle est la doctrfne de 
FEglise, qui en consequence a condamn^ dans Baius 
cette proposition : Dieu n^aurait pu des Vorigine 

creer Fhomme tel quil nait maintenant {Bail, 
prop. 55 ). 

D. Que faut-il faire pour bien appr^cier notre chute ? 

R. Pour bien appr^cier la chute que nous avons 
faite dans notre premier p^re, consid^rons bien d'oii 
nous sommes tomb^s. Notre premier p^re avait un 
esprit naturellement clair et net, une volenti naturel- 
lement droite, un corps parfaitement soumis k Vkme. 
De plus son &me ^tait ^lev^e k F^tat surnaturel et di- 
vinpar la gr&ceque nous appelons sanctifiante ou ha- 
bituelle. Son esprit recevait de la gr^ce que nous appe- 
lons actuelle la force deconcevoir les v^rit^s, etla 
volonte, la force d'aimer les vertus de cet ^tatdivin 
qui, sous tous les rapports surpassait infiniment les 
forces de la nature, si parfaite qu*elle fiit. S'il nous 
avait engendris dans cet iM, nous y serious nis avec 



L 



140 GATEGHISME 

tm esprit naturellement clairet net, avecune Tolont^ 
aaturellementdroite, avec ud corps parfaitemenl sou* 
mis & r^me. Surtout dous serions n^s comme lui avait 
^t^ cr^^, dans i'^tat de gr^ce et avec le seconrs de la 
grtice, pour embrasser les v^rit^s et les vertus surna- 
turelles. 

D. Avez-voas quelque remarque k faire k ce pro- 
pes? 

B. Remarquons bien, nous naitrions dans le mdme 
^tat que notre premier p^re a ^t^ cr^^, mais non pas 
dans un ^tat meilleur. Gomme lui, nous serions sou* 
mis h r^preuve ; comme lui, nous pourrions perdre la 
gr^ce et tomber dans un^tatdep6ch6etde mort. Saint 
Thomas examinant ex professo la question, si les en- 
fantsn^sdans i^^tald'innocenceeussent dt^ confirm6& 
en la justice, r^pond formellement que non. Outre an 
texte de S. Augustin qui le suppose, il en donne la rai* 

son que void : 1 1 est Evident que les enfants en Leur naissan- 
cerCeussent pas eu plus de perfection qtie leurs parents en 
Cetat de generation. Or tmit le temps qu'ils eussent engen^ 
driy leurs parents n' eussent pas eti confirmSs dans la juS" 
tice. La preuve en est que I'homme n'y est confirms que par 
Id Claire vue de Dieu; ce quine se pent avec la vie animaU, 
dans laquelle seule a lieu la generation, o Vous ne pourrez 
voir mja faccy dit le Seigneur k Motse : car nul homm£ ne 
meverraet vivra (1 Exod, 33, 20j.)) Done les enfants nese- 
raient pas non plus nes dans cetie confirmation (Sumrn, 
p. 1, q. 100, a, 2;. 

D. Votre remarque me parait importante. 

R. II est bon de se rappeler ceci : car on s'imagine 
trop souvent que si notre premier pfere avait 6t6 fidfele, 
nous n'eussions rien h craindre ni rien h faire. La y^* 
rit^ est, suivant S. Thomas, que ce commun anc^tre 



DTT SENS GOMMUH; 441 

« 

etiMl ^t^ fidtie, nos anc^tres particuUers pouTaient 
DQ r^tre pas, etpar suite nous engeDdrer dans an 
p^ch^ origiael. Eafin tous nos anc^tres eu^sent-ils ^td 
fiddles, ooas pourrioos ne I'^tre point, tomber dans 
UD ^tat de f^cM et de mort (1). Et dans cet ^tat pour* 
rions-nous compter sor la mis^ricorde qui a suivi la 
cbate de notre premier p^re ? Pensons-*y bien ; et an 
Ueu de murmuper bous trouverons de quoi b^nir. 

D. Pourriez-vous nous dire qaelque chose sur T^tat 
des enfants morts sans bapt^me T 

B. Pour ce qui est des enfants qui meurent avec h 
8eul p^ch^ originel, S. Augustin dit que leur peine 
est de toutes les peines la plus douce {Enchirid. , e, 
93). S. Thomas inf^re de Ik, qu'elle est plus douce 
que celled'unp^cfa^ vdniel. En eiaminantla chose en 
detail, il conetut que cette peine consiste uniquement 
dans la privation, et son dans aucune soufTrance , daiiB 
la privation d« tout ce qui est au-dessus de la nature 
de rbomme, comme de voir Dien en lui-m^me, mais 
non dans aucune soiiffrance, dansaucane douleur, pts 
m^me & cause de cette privation. Gar pour s'affliger de 
n^avoir pas ce bien sumaturel, il faudrait que ces en* 
fants le connussent. Or ce qui est au-dessu» de la na*^ 
tare, on ne peut le conuattre que par la lumi^re any- 
naturelle de la gr&ce et de la foi, que ces enfants n'oot 
point. Done, conclut I'Ange de T^cole, leurs&mesire 
•aventpas qu'elles sont priv^ d*uii tel bien. Etc'eft 
ptHB'quoi ellesn'en aonl point afflig^ea : mais ce qu'el* 



(1)6. Tb.q,S,demalo« art ^.^L ^deseacBUvrestp. 395 
dfflOon d'AnverSk 



14i GATSQaiSMB 

les ont naturellement, elles le possMeDt sans doa« 
leur (1). 

D. EsMl exact de dire que Dieu, en punition de 
leurs fautes, a maudit nos premiers parents, Adam et 
Eve, qu'il a maudit toute leur race, toute la nature bu- 
maine ? 

R. Cela n'est pas exact, parce que TEcriture sainte 
neledit pas. 

D. Qu'est-ceque dit done TEcriture sainte? 

R. EUe dit au 1*' chapitre de la Gen^se que Dieo^ 
apr^s avoir cr^^ et uni nos deux premiers anc^tres, 
leur donna sabi^n^dietion ; et elle ajoutedans T^pitre 
aux Romains (c. 11, v. 29), que les benedictions, 
les dons de Dieusont sans repentance. 

D. Mais ne les a-l-il pas maudits par suite de leur 
faute? 

R. Non. Par suite et en punition de leur faute, il 
leur imposa une penitence, mais il ne les maudit pas : 
il imposa h Thomme pour penitence une culture plus 
p^nible de la terre, laquelle est maudite pour cela, 
mais non pas Thomme ; il imposa pour penitence k la 
femme les douleurs de renfantement, mais il ne la 
maudit pas. Ce qu'il maudit devant Tbomme et la 
femme, c'est le serpent, c'est le demon, premier auteur 
de leur faute. II y a plus : dans cette malediction da 
serpent, Dieu annonce h Thomme et h la femme la 
plus grande, la plus ineffable de toutes les benedic^* 
tions, un Redempteur qui ecraserait la tete du serpent ; 
et il leur annonce que ceSauveur nattra non p^s de 
I'homme et dela feibme, maisde la femme seule ! 

(1) Oper. S. Thorn. , t. 8, 9, 5. de Psna peccati origin, 
art. 8. 



DU SENS COMMUN. 143 

D. EsUl exact de dire que, par le pich6 originel, 
le libre arbitre de rhomme est ^teint? 

R. Non-seulement cela n'est pas exact, mais c*est 
one h^r^sie de Luther, de Galviu et de Jans^nius, que 
TEglise catholique a frappte d'anath^me, principale* 
ment au concile de Trente. (Session 6, ch. 1.) 

D. Qu'est-ce que rEgliseenseignedonck cet £gard? 

R. £Ue enseigue que le libre arbitre de rhomme 
u'est pas ^teint, mais seulement diminu^ ; ainsi que 
les lumi^res de sa raison et les forces de sa volont^. 

D. D'apr^s cela, rhomme d^chu peut-il encore, 
par les seules lumi^res de sa raison naturelle , con- 
naltre quelques v^rit^s ; etpar les seules forces de sa 
volont^, faire quelque bien. 

R. Qui, il peut encore, par les seules lumi^resdesa 
raison naturelle, connaitre quelques y^rit^s de Tordre 
natural, et par les seules forces de sa volont^ faire 
quelque bien du m^me ordre : et TEglise a condamn^ 
phis d'une fois, notamment dans les Jans^nistes, le 
sentiment qui le nie. 



CHAPITIUB ZVX« 



D. Reste encore la plus terrible des v^rit^s, v^rit^ 
terrible pour tout le monde : Tenf^r, avec r^terniiS 
des peines. 

• R. L'enfer, avec T^ternit^ de ses peines, n'est 
point k craindre pour tout le monde, mais pour les 
m^chanis ^uls; et encore pas pour tous, mais pour 



144 CITEGHISHE 

ceux-lksealemenk qui ne feulent ni cesser nir^par^ 
leurs crimes, mais les reodent ^ternels par leur ob$* 
tination. Au contraire tout coeur noble et g^n^reax, 
qui par 1^ m^me bait n^cessairement Tbypocrisie, doit 
se coDvaincre ayec une veritable satisfaction que le 
crime audacieux qui si souvent en ce monde usurpe 
les honneurs et les recompenses de la vertu, subira 
dans Tantre une confusion et une ^vengeance ^ternelle. 

D. Quest-ce qui nous oblige de croire & Texistence 
de Tenfer et de peines ^ternelles pour les m^chants 
incorrigibles ? 

B. Le sens commun du genre bumain et Tenseigne^ 
ment de TEglise catbolique. 

R. D6veloppez quelque peu voire r6ponse. 

B. L'Eglise catbolique, ainsi que nous Tavons ru, 

estla portion inteliigCDte de Tbumanit^ ; elle acomme 

telle une infaillibite naturelle pour tout bomme qui 

veut 6tre raisonnable. Par-dessus cela, elle a rccu de 

Dieu une infaillibilit6 surnaturelle et divine : en sorj^ 

qn'elle est doublement infaillible etdanssacroyance 
et dans son enseignemeut. Or F^glise catbolique 

croitet enseigne, formellement el partoutqu'il y aun 
enter et des peines ^ternelles pour les mediants incor- 
rigibles. Done nous devons le croire, si nous ne vou- 
lons pas nous r^volter centre la foi chr^tienne et 
cootre la raison bumaine. 

p. Mais avons-nous des t^moins bien surs de cette 
croyance k un enfer liternel parmi les peuples noo 
Chretiens? 

B. En voici quatre dont le l^moignage ne saurait 
^tre suspect. 

D. Quel est le premier? 



DU SENS GOMMUN. 145 

|t. La Grtoe vous dira avec soo diyin Platon : La 
mart n'est que la separation d,e Vdme et du carps. 
Quand les morts atrivent devant lejuge, il examine 
tStat de chacuriy sans avoir igard au rang gu'il occupait 
sur la terre. Pour ceux qui, ayant atteint les limites du 
mal, sont tout-a-fait incurables, ils servent d*$xemple aux 
autres sans qu^il leur en revienne aucune utilitiy pares 
(pi^ils ne sont pas susceptibles d'etrs guiris : ils souffri- 
ront itemeUement dss supplices epouvantables (Gorgias). 

D* Quel est le second t^moin 7 

Et. Rome, avec son poSte, ouvrant les portes de Ten- 
tety Yous montrera les contempteurs de la Divinity, 
les parricides, les adult^res, lesravisseorsdubiende 
leurs fr^res, punis par des supplices divers et sans 
cesse renaissants. G'est 1^, dans ce lieu de supplice, 
que demeure lemalheureuxTb^s^eetqu'il demeurera 
^ternellement, 

•••. Sedet sBternumqae sedebit 

Infelix Tbeseus. 

( Virg.JEnsid. 7. ) 

pour avertir par ses tourments tons les mortels k 
respecter la justice et la religion. 

0. Le troisi^me t^moin, quel est-il ? 

R. Le troisi^me t^moin, I'impie Lucr6ce, ne con- 
vient'il point malgr^ lui de cettecroy^nceuniverselie 

quand il dit : Si les kommes voyaient un terme ii leurs 
maux, ils pourraienl sec&uer Cempire de la religion et Us 
menaces de ceux qui la prechent ; mais maintenant il n'y 
a nul moyen, nulle possibility, puisqu'k la mort il est a 
craindre des peines itemelles ( Z* 1> vers, 108, etc, ) ? 

D. Le quatri^me t^moin de la croyance g^n^rale k 
un enfer 6 ernel est-il aussi remarquable ? 

15, 



146 CATEGH1SHB 

B. II Test peut-^tre pins ; car c'est uo des plus 
grands enoemis de la religion cbr^tien&e, le philoso- 
phe Gelse. Voici comme il parlait il y a quinze si^cles : 

Les Chretiens ont raison de penser que cexix qui vivent saifi' 
iement seront recompenses apres leur mort ; et que ies me- 
chanis subiront des suppliees eternels. Du reste ce senti- 
ment leur est commun avec tout Le monde ( Apud Orig. 
cont, Cels.y 1. 8). 

D. Maintenant quelle consequence devons^nons 
iirer de cet accord universel ? 

B. La consequence naturelle et n^cessaire qoi en 
decoule d^elle-mfime, c'est qu'il y a reellement un en- 
fer eternel. Car, comme dit Cic^ron, ce consentement 
unanime et constant de toutes les nations est la voix die iu 
nature et la plus forte preuve de la verite ; et ce que la na- 
ture apprend ^galemmitd tons est ndcessairement vrai. 
a De quo autem omnium natura consentit, illud ver^m 
esse necesse est » {De Nat, deor^ 1. 1. ). Et avant lui, 
Heraclite : La raison commune et divine dont la parti- 
cipation constitue la raison individuelle, est lamarqtte 
certaine de la vMt^, Ce qui est cru universellement 
est certain ; car cette croyance est empruntie a la rai- 
son commune et divine ; et par le motif contraire toute 
opinion individuelle est depourvue de certitude, Toutes 
les fois done que nous empruntons a la memoire com- 
mune, nous poss^dons la viriti ; et quand nous n'in- 
terrogeons que notre raison individuelle^ nous tombons 
dans Verreur {Apud Sext, Emp.), 



BU 8KNS GOVMUlf. 147 



CHAPITBS XVII. 



D. Mais ne dit-OD pas : Diea est bon, il ne DOu»a 
pas faits pour nous damner? 

R. On le dit, et on a raison de le dire ; mais on au- 
rait tort d'en conclure : done aucup homme ne peutse 
damner quoi qu'il fasse. 
D. Faites-le voir par un exemple. 
B. Dieu est bon, il ne nous a pas faits pour nous 
noyer danf un puits, pour nous bruler dans unefour- 
naise. £n conclurez-vous : done celui qui se jette dans 
un puits, lat^te la premiere, ne s*y noiera pas? done 
celui qui se jette danf une fournaise ardente n'y 
brulera pas ? 
D. Quelle est de ceci la raison fondamentale ? 
R. G'est que Dieu nous a cr^^s libres : il nous laisse 
libres denoussauver ou de nous damner noas-m^mes ; 
il veut, tant il nous honore, que nous soyons nous- 
mfimes les arbitres de notre sort sterner. 

D. Mais, dit-on encore, Dieu est bon , comment 
«roire qu'il punisse 6ternellement des fautes d'un mo- 
ment? 

R. Comment le croire? Lisez le Code p^nal, voyez 
les Cours d' assises, et vous verrez m^me les lois hu- 
maines et les juges de la terre punir par des peines 
«D quelque sorte 6ternelles des crimes de peu de du- 
r^. Qu*un yoleur de grand chemin vous demande la 
bourse ou la vie, ou entre de nuit dans votre maison, 



448 GATKGHISn 

son crime n'aura dur6 que qaelqoes minutes ; et oe« 
pendant, d*apr^s ia loi, il sera condamnA aux travaui 
forces h perp6tuiti : en sorte qae, B*il yivait encore 
cent ans, mille ans» dix mille ans, ou m^me k perp^ 
tuit^, il serait pendant cent ans, mille ans, dix mille 
ans, oum^meii perp^tuit^, c'est-^-dire ^ternellement 
condamn^ aux galores. Gombien de temps faut-il h un 
assassin pour vous tirer un coup de pistolet ou toos 
plonger un poignard dans le coeur ? Une minute, nne 
seeonde. Et cependant pour ce crime d'un instuit il 
sera condamn^ pour toujours h I'infamie, aux travaflx 
forces et mSme h la mort. Et tout le monde convient que 
cela est juste, que cela est n^cessaire, et que , sans 
cette punition 6ternelle desm^chants,m^me d^jdisurla 
terre, les hommes ne pourraient plus vivre ensemble 

D. En v^rit^, d*apr^s ce que tous venez de dire, 
il serait par trop absurde de refuser h la justice diyine 
ce qu*on approuve dans la justice humaine. Gepen* 
dant n'y a-t«-il pas quelque diff^ence entre Tune et 
Fautre T 

B. Qui, il y en a use, et la voici : J'avoue que Dlea 
ne punit point ^ternellement des fautes d'un moment 
J^^avoue que si votre faute, fut-ellela plus ^norme, n^a 
dur^qu'un instant ; si paruB vrairepentirellea6t6r6- 
par^e aussit6t que commise, bien loin de la punir 6ter- 
nellement, Dieu vous la pardonnera k Theure mime : 
•n cela bien different des juges de la terre, auxquels il 
est d^fendu de pardonner au repentir. Mais si un 
m^cbant, au lieu de r^parer son crime, le rend ^temel 
par son impenitence finale, que conclure, sinon qoe 
ia peine sera ^ternelle comme le crime? 

D. De ce que Dieu est bon et de ce qu'il ne veut 



DU SENS GOMHUK. 141) 

pas nous damner, ne pourrait-on pas conclure tout au 
GOntraire qu'il y a un eafer, et un enfer 6ternel 7 

R. Je le pense. 

D. Comment cela 7 

tL Dieu est boD, il ne nous a pas faits pour nOus 
damner ; ilveut, au contraire, sinc^rement noussau- 
ier : done il y a un enfer et un enfer ^ternel. £cou*- 
tez-en la preuve. N'est-il pas vrai que tons les catho- 
liqaes et i;6n^ralement tons les Chretiens croient h un 
porgatoire, c'est-^-dire k un enfer qui n'aura qa'un 
texpps 7 N'est-il pas vrai que tout le monde consent vo* 
lontiers k croire un enfer pourvu qu'il ne soit pas ^ter- 
nel 7 Or, je vous demande, cet enfer qui n*est pas 6ter- s 
nel, ee purgatoire, h qui fait-il pear? peuMtre k per* 
scnne. Combien de crimes empeche-t-il 7 peut-^trt 
ascnn. S'il n'y avait que ce purgatoire, s'it n'y avait 
pas un enfer yraiment ^ternel, combien d'hommts se 
donneraient-ils la peine de vaincre leurs passions, de 
ptatiquer la vertu, en un mot de meriter le ciel 7 peaW 
6tre pas un seul. Ghacun ne dirait-il pas : II est vrai 
qn'en vivant comme je fais, j'irai en enfer ; mais apr^ 
tout, cet enfer n'a qu'un temps, apr^s quoi tout est ter- 
rxao&l II est done n^cessaire pour porter efiicaccment 
les bommes k ^viter le mal, faire le bien et m^riter 
r^lernit^ bienheureuse, il est n^cessaire qu'il y aitnn 
Qxfer, et un enfer (^ternel ; il est n^cessaire de con- 
dare avec moi : Dieu est bon, il veut sinc^rement 
nous sauver ; done il y a un enfer, et un enfer ^ter- 
ttd. 

D. Ne pourriez-vous done tirer cette conclusion 
d'one autre mani^re encore 7 

B« Dieu est bon, il est impossible qu'il veiulle- 



450 CATECHISMK 

nous tromper ; or a'il n'y avail pas d'enfer, et tin en- 
ter ^ternel, il nous tromp^rait, et par le sens commno 
de Thumanit^, et par Tenseignement de son Eglise : 
done ily a un enfer et un enfer ^ternel. 

Encore : Dieu estbon, il est impossible qu'il cons- 
pire avec les m^chants, qui se rient de Tenfer, ponr 
se moquer des bons qui le craignent : or, s'il n*est 
pas un enfer et un enfer^ternel, Dieuconspirerait avetf 
les ffl^chants pour se moquer des bons et des saints : 
done il y a un enfer, et ub enfer ^ternel. 



GHJLPITRB XVXn. 



D. IMeu ^tant iniiniment bon ne peut'-il pas vouloir 
procurer k Thomme son plus grand bonheur possible , 
et vouloir le lui procurer de la mani^re la plus efficace 
possible ? 

B. Non-seulement tout le monde conviendra qa'il 
le pent ; quelques-uns iront m^me jusqu'k dire qail 
le doit. 

D. Quel est le plus grand bonheur possible de 
rhomme? 

R. G'est le bonheur le plus grand en soi on dans son 
objet, maisque de plus rhomme aura m^rit6. 

D. Pourquoi ajoutez-vous ces mots, mais qua de 
plus Vhomme aura mdrite ? 

R. Parce qu'un bonheur m^rit^ est toujours plus 
grand que s*il n'avait pas 6t6 m6rit6. 

D. Ainsi donc^ pour procurer b rhomme son plus 



DD SBKS COMMnir. 151 

grand boDheur possible, Dieu a dft reiidre rhomme 
i^pable de m^riterce bonheur 7 

R. La consequence ne pent ^tre contest^e. 

D. Mais, pour m^riter, que faut^il ? 

B. Pour m^riter, il faut, avant tout, 6tre libre : car 
sans liberty il n'y a ni m^rite ni d^m^rite. On ne punit 
nine recompense nnepierre de ce qu'elle tombe tou- 
jours de baut en bas : attendu qu'elle tombe ainsin^* 
OBBsairement. 

D. Ainsi done, pour procurer k Thomme son plus 
grand bonheur possible, Dieu a dCl le cr^er libre ! 

R. II n'y a point de doute. 

D. Mais avec la liberty de la creature, Tabus de 
cette liberty, autrement le mal, le peche, est possible T 

IL On ne peut le nier. 

D. Ainsi dono, pour procurer k rhomme son plus 
gratid bonheur possible, Dieu, dans toute sa bonte 
doit souffrir que le mal oule p^che puisse exister ? 

R. Oui. 

D. Et sonffrir qu'il existe en eflet ? 

R. Oui encore ; car si Dieu ne pouvait soofTrir que 
le mal exist&t r^ellement, Ic mal ne serait plus pos- 
sible, i'hommene serait plus libre, Thommc ne pour- 
rait plus m^riter son bonheur, le plus grand bonheur 
de Fhomme le serait plus possible ; Dieu ne serait 
pins envers rhomme aussi bonqu'il pourrait T^tre. 

D. Ne pensez-vous pas que, de eelte manifere. la 
bonte de Dieu se concilie fort bien avec Texistencc 
da mal ? 

R« Je le pense. 

D. Avec une creature libre, avec la liberie dc 
rhomme, Dieu ne pouvant pas ne pas soufTrir que 



f52 CAT^CmSMB 

Fbomme choistt entre le bien et le mal , quel moyen 
D!eu pouvait-il employer pour porter rhomme k ehoisir 
le bien 7 

R. II ne pouvait le contraindre ; car c*eftt €i& loi 
dter sa liberty. 

D. Que pouvait*il done 7 

R. II ne pouvait que Vj engager par les motifo les 
plus puiisants. 

D. Or quels sont les motifs les plus puissants qa'ii 
soit possible d'imaginer pour porter une creature libre, 
pour porter Thomme k faire un bon usage de sa liberty, 
k cfaoisir le bien 7 

R« On ne peut imaginer de motifs plus poissafits, 
que, d'une part, un bonheur ^ternel k gagner, et, dB 
Tautre, un malheur ^ternel k ^viter. 

D. Ainsi done, pour procurer k Thomme son plus 

grand bonheur possible et le lui procurer par les 

moyeos les plus efficaces possibles, Dieu adiijifr- 

cessairement lui proposer unparadiset un enfer? 

B. G'est une cons^uence n^cessaire de ce qui pr^cMe. 

D. S'il a pu et iH proposer eette alternative, peot*- 
il ne pas ex^cuter ce qu'il a propose ? 

B. Non : car en Dieu il n'y a pas le oui et le ncfn. 

D< De tout ceci ne peut-on pas conclure : Dieu est 
bon envers Thomme, done il y a un enfer : Dieu eat 
infiniment bon envers Thomme, done il y a un enfer 
kernel 7 

R. Je pense, non-seulement qu'oB peut le conclore* 
mais qu'on le doit. 



DU SlBfS coimuH. I6S 



D. Un ^ca Taut-il mieux qae rien ? 

R. Qai en doute 7 mais que pr^tendez-voos avec 
ceile question ? 

D. R^pondez toujoors. Combien un ^cu vaut-il 
plus que rien ? 

R. La r^ponse n'est pas facile : il n*y a pas m^m* 
de eomparaison. 

D. Combien de fois faudrait-il multiplier le rien ou 
atro pour avoir un ^cu ? 

R. On aurait beau le multiplier h Tinfmi, jamais il 
n*en aortirait ni un 6cu, ni meme un denier: ce serait 
tODJours rien, (oujouvs z^ro. 

D. Quelle distance y a-t-il done entre un ten et 
a6ro, entre quelque choie et rien ? 

R La distance me paratt infinie 7 

D. N'y aurait-il done pas une d^raison infinit de 
pr6f6rer rien h quelque ehose, z6ro k un ^cu 7 

R. Je le crois. 

D. Hais si cet ^cu, d'or ou d'argant, ^taitrouiU^, 
piein de bosses et de tacbes, et ne conservait qa'k 
demi effac^e TeflSgie du prince et le coin du mon^ 
taire, raisonnertez-vous toujoursde m6me7 

R. Je penserais toujours que m^me le plua mau* 
rais 6cu vaut incomparablement mieux et plus que 
tbm. 14 



i 54 GJLT£CHliSME 

D. Et si cet ^ca ^tait vivant et raisonoable, d^ 
vrail-il penser comme vous ? 

R. Je pense que s'il ^tait raisonnable, il penserait 
comme tout le monde. 
D. Gonnaissez -vous quelque monnaie vivanle ? 
R. Jusqu'ii present je n'en ai pas vu dans les cabi- 
nets de m^dailles. 

D. £st-ce que vous ne connaissez pas une certaine 
monnaie vivante et raisonnable, frapp^e k Timage de 
Dieu et par Dieu m^me ? 
R. Je la reconnais : e'est notre kme. 
D. Croyez-vous que cettf monnaie frapp6e h TiuAage 
de Dieu et par Dieu m^me puisse jamais arriver k ua 
^tat ou il soit raisonnable de penser ou dire qa*elle 
vaut moins que rien. 

R. Si on ne pent pas, sans d^raison, le penser ou 
le dire d'une monnaie frapp^e k I'image de Fhomme 
et par I'homme ; k plus forte raison ne pourra-t-on ni 
le dire ni le penser de la monnaie vivante et raison- 
nable, frapp^e k 1' image de Dieu et par Dieu m^me. 
Mais j'y vois une difficult^. 
D. Quelle est-eile ? 

R. C'est que le Sauveur dit dans FEvangile, en 
parlant de Judas : II vavdrait mieux pour cet homme 
quil ne fut pas ne {Matth. 26, 24). 

D. II eslvrai quele Sauveur dit ces paroles : mais 
que s'ensuitil? 

R. II s'ensuit au moins que Tc^tat d'un enfiantmort 
avant de naitre, mort daas le sein de sa mere, vaut 
mieux que celui du traitre Judas. 
D. 11 est vrai : mais il ne s'ensuit pas autre cbose, 
R. Je le vois k present. 



DC 8IKS COMMUM, iSh 

D, Notre-Seigneur dit bien : II vaudrait mieux 

pcmr cet homme qu'il ne fAt pai ni , ne lui faitons 

pas dire avec certains ioterpr^tes, qu'il rCeut pas 

M : parce que cela n*est pas dit, et que d'ailleurs, 

comme le remarque saint Augustiu sur ce texte, rien 

ne saurait itre ni ban ni meilleur a qui n'est pas 

( Quat. 40 in Mattk, ). 

R. La reflexion [de saint Augustin me parait tr^s- 
juste. 

D. Objecte-t-on encore d*autrei paroles de TEcri- 
ture? 

R. I) y en a encore d'autres, mais je vols bien main- 
tenant qu'il n'y a pas de difficult^. 

D. Quelles sent ces paroles? 

R. Les r4prouv6s diront, dans le dernier jour, aux 
montagnes et aux rochers : Tombez sur nous, cachez- 
nous de devant la face de celui qui est assis sur le 
trdn€y et de devant la coUre de VAgneau {Apoc, c 6y^ 
mais ils ne diront pas : Andautissez*nous, 

D. Y a'-t-il de cela quelque rafson ? 

R. En YOici unedesaint Augustin. Dem^mequ'une 
crdature sensible^ lors mime quelle souffre^ est meil- 
leure quuntpierre qui nepeut souffrir d*aucune fagon : 
dememe la creature raisonnable, meme malheureuse^ 
I'emporte surcelle qui estpriv^e de raison et de sensi- 
biliti et qui pour cela West point cxposce au malheur 
(Decivit, Dei, I 12, c. i.) :h plus forte raisonl'ero- 
portera-t-elle sur une creature qui n'est pas, sur le n^ant. 

D. Vous reste-l-il encore quelque difficulty ? 

R. Les raisons de saint Augustin me paraissent 
sans r^piique. Mais je doute que la raison puremcnt 
humaine s'y accorde pleioement. 



156 civiECfiisiai 



D. De tous les peuples de Tantiquit^ paieone, quel 
€8t le peuple qui vous parait le plus spirituel, le plus 
intelligenl, le plus digue de reprteenter la raison pa- 
rement humaine ? 

R. Je croisqae, Bans aucune comparaison, ce soot 
les Grecs. 

D. £t de tous les peuples particuliers de la Grtee 
quel est celui qui Temporte sur tous les autres pour 
Tesprit et rintelligence ? 

R. G*est, sans contredit, le peuple d'Ath^nes. 

0. Et de tous les Ath^niens, quels sent les horames 
les plus spirituelset les plus intelligeats, particuli^re- 
ment sur les questions qui nous occupent? 

R. G'est, on ne peut en douter, Socrate et Platon, 
le maitre et le diseiple, qui au fond ne sont qu'un. 

D. Socrate et Platon peuvent done ^tre regards 
comma le point culminant de la raison puremeot ho- 
maine? 

R. Qui : Socrate et Platon peuvent et doivent ^tre 
regard^s comme le point culminant de la raison pnre- 
ment humaine. 

D. Vous rappelez-vous le dialogue oil Platen fait 
discuter Socrate avec Gorgias, Polus et GalUcl^s, 
precis^ment sur des questions sembtables aux ndtres T 

R. Je me le rappelle assez. Ce dialogue, intitnl^ 
Gorgias, contient trois parties distinctes. 



DU SINS GMMUN. 157 

D. Qaelle est la premiere ? 

R. La rb^torique est Tart de persaader, mais 4e 
persuader le juste et Tiojuste 7 Le jnste. Cest Ift pre* 
idi^re partie centre Gorgias. 

D. Quelle est la seeonde 7 

R. Est-il meilleur de recevoir Tinjustice que de la 
commettre 7 de subir lapunitionqu'on am^ril^eque 
de 9*Y soustraire 7 II est meilleur. G'est la seeonde 
partie contre Polus. 

D. Quelle est la troisi^me ! 

R Echapp&t-on k la punition dans cette vie , peut- 
OQ y ^cbapper dans Tautre 7 Non. G'est la troisitoe 
ODUtre Calliel^s. 

D. Parmi les peines de Tautre vie, Socrateen re- 
coonatt'il d'^ternelles7 

R. Qui : car c'est dans oe m^me dialogue qu'il dit 
que ceux qui ont commis lesderniers crimes et par Ik 
iont incurables soufTrent en enter, h jamais, d'ef- 
froyables tourments. 

D. Mais Socrate disait-il tout cela s^rieusement 7 

R. II proteste dans ce mSme dialogue que» ddt^il 
souffrir la mort pour cette doctrine sur le juste et Tiii- 
juBte, il la soufTrirait de bonne gr^ce. Aussi Jtiieii, 
Qjoute-t-il, personne ne craint-il la mort, h moins 
qu'il ne soit tout-k*fait insens6 at I&che. Ge qui fait 
peur, c*est de commettre Tiojustice, puisque le plus 
grand des malheiirs est d^ descendre dans Tautre 
monde avec une ftme charg^e de crimes. 

D. Que concluez-vous de tout ceci 7 

D. Je conclus eotre autres que, suivant les plus 
dignes repr^sentants de la raison purement bumaine, 
il vaut mieux 6tre puni, soit en ce monde soit en 



1 58 GATSCHISMB 

I'autre, du mal qu'on a fait qae d*en rester impuni : 
et que les Chretiens qui penseraieDt le cootraire de- 
meurent au-dessous de la raison paieDoe. 

D. Que concluez-vous eocore ! 

R. Je conclus eficore que ceux qui pr^teadent que 
r^ternit^ des peines de Tenfer pour les m^chants r^- 
pngoe k la raison humaine se trompent fort : et qu'au 
jour du jugement Socrale et Platou s'd^veront cootre 
eux pour leur donner le dementi. 



D. Nous avons d^jk vu plusieurs chose» sur le 
Verbe de Dieu, entre aulres : qu'il est cette lumi6re 
veritable qui 6claire tout hommevenanten ce monde; 
qn'il est la source premiere de cette raison commune 
et sup^rieure h tous les hommes, de ces v^rites qui 
se irouvent les m^mes dans toutes les intelligences. 
Mais ne voudriez-Tous pas nous faire connaitre la na- 
ture de sa mediation entre Dieu et Thomme ? 

R. Le Verbe qui 6tail Dieu, et par quiont etd faites 
toutes choses, s'est fait lui-m6me chair, s'est uni 
notre nature, estn6 de la femme, non pas de rhomme, 
estc6 de Marie toujoiirsvierge, Dieu-bomme, homme- 
Dieu, unissant h jamais la nature divine k la nature 
humaine. II a pris notre nature avec la peine du 
p^ch^ qui la viciait : et en subissant la peine il a 
d6truit le p6ch6 qui en 6tait la cause. En lui, la na- 
ture humaine n'est pas seulemeut r^tablie dans sa di- 
gnity premiere, mais ^lev^e infinlmentplus baiit : elie 



DU SKlfS COMMUN. 159 

est nnie 4 la nature divine, non plus settlement par la 
gr&ce qui pouvait se perdre et s'est perdue en effet» 
mais parune ^ternelle identification avec la personne 
dn Verbe. En lui, rhomme n'est pas seulemeat 
comme Dieu, mais il est Dieu, et Dieu est homme« 

D, Gette ineffable glorification de Tbomme dans le 
Christ doit-elle s'^tendre de qnelque mani^re jusque 
anx creatures inf^rieures k Thomme ? 

B. Voici comme se peut concevoir la chose. 
Lliomme est plac^ sur les confins des deux mondes, 
celui des esprits et celui des corps. Par la consom- 
mation de la gr^ce en nous ou par la gloire, notre 
esprit intimement uni et comme identifi^ k Dieu de- 
viendra divin : notre corps, spirituel, giorieux, incor- 
ruptible : et par la communaut^ de nature, le monde 
materiel doit parliciper k la glorification de notre 
corps. Le p6ch6 de notre premier p^re vint d^truire 
cette myst^rieuse harmonic de la gr^ce. Au lieu d*61e- 
ver la creation mat^riellejusqu'a Dieu, Thomme, s^ 
par^lui-m^me de Dieu, allait devenir de plus en plus 
Tesclave de cette nature inferieure qui devenait elle- 
m^me comme Tempire de Satan. Mais le Fils de Dieu, 
unissant k jamais dans sa personne adorable la nature 
humaine k la nature divine et, dans sa nature bu- 
maine, la nature spirituelle et la nature mat^rielle, 
s'est constitu^ lui-m^me leprincipe vivant etimman> 
quable de cette glorification de Dieu dans toutes les 
creatures et de toutes les creatures en Dieu. C*esl, 
d'aprfes saint Jean-de-la-Croix, un des sens de cette 
parole : Quandj'aurai etd eleve de la terre, f attire^ 
rai toutes choses a moi ; Omnia ( Joan, 12, 32 ). 

D. La chose est-elle d^jii accomplie 7 



16b CAT^GHISXB 

R. La chose n'est point encore accomplie. Tottfe 
Id creation gimit encore^ disait T Ap6tre revena da troi- 
sfifeme ciely toute la crkitionest encore dans Venfante- 
fnent ; elle attend quelque chose : elle attend que Us 
enfants de Dieu se rivHent : car la creation elle^nUtM 
sera diliwie de la servitude de la corruption pour 
computer la liberti glorieuse des enfants de Dieu {Rom, 
8, 19, 22). 

D. Mais si cette d^livrance n'est point encore ac- 
oomplie, n'est-elle pas du moins commenc^e ? 

R. Cette d^livrance n'est point encore accomplie, 
mais cependant i^jk commenc^e. II fut nn temps oh 
toutes les creatures, le ciel, ia terre, l*eaa, le fea» 
le bl^, le vin, etc. , ^taient asservies h Tidol&trie, 
et par Ik m^ine k Satan. Depuis qu'il a €l& dit, 
J'attirerai toutes choses a moi^ ces creatures ont 
commence k 6tre d^Iivr^es de Tasseryissement k de 
raines superstitions. L'eau n'est plus k Neptiine, 
le bl^ k G^r^s, le vin k Bacchus, Fhuile k Minerve ; 
tout a recouvr^ ses lettres de noblesse : on sail que 
tout cela sont des creatures du Dieu supreme ; tout 
cda est consacr^ k son culte ; tout cela est devenu 
instruments, canaux de sa grkce: Teau dans le 
bapt^me, le bid et le vin dans le plus adorable des 
sacrifices, Tbuile dam les sacrements deconfirmatioD, 
d'eztrdme^onction et d'ordre. Si maintenant d6jk ces 
creatures sont si magnifiquement honordes par la 
grace, que sera-ce en la gloire ? 



DU SUfS COMMON. 161 



CHAFIT1U5 zaai. 



D. Ne voit-OQ pas cette m^me cenlralisation di- 
Tine daofi Fhistoire bumaine ? 

R. Oui : d^jh ii est facile de la voir. 

D. Gomment cela? 

R. D*abord le Christ seal embrasse tous les temps. 
Sa g^o^ration divine est de I'^teroit^, sa g^n^ratiop 
buxnaine remonle sans interruption, par Salomoo 
et par David, h Abraham, ^ No^, k Seth, qui fiit d' Adam 
got fut de Diea. L'Ecriture marque les ann^es qu'ozU 
v&ca ces patriarches, ainsi que les principaux 6v^d^ 
ments qui concernent la race humaine. Le plus grand 
de ces ^v^nements est la venue m^me du Christ. Toos 
les autres s'y rattachent, ou comme causes occasion* 
ncdies ou comme pr^paratifs, ou comme figures, ou 
eCHnme effets. Un de ces eflfets est le Ghrislianisme 
qtd a r^g^n^r^ le genre humain, et qui, k lui sent, 
prouve tout le reste. Le Christ est ainsi le point cu)** 
minant des si^cles et des ^v^nements, par consequent 
de toute Thistoire. 

D. Dans quels rapports sont avec cet ensemble les 
Ustolres particuli^res des principales nations ? 

R. Toutes les histoires grecques et latines se rap^ 
portent^ plus ou moins directement, aux quatre gran* 
des nations qui se sont succM4 dans la domina- 



1 62 GATEGHISMB 

tion xinmrselle : les Assyriens, les Perses, les Grecs, 
tes Romains. L'hisUrireciHMiie fiarait destiDto kmeas 
donner ([uelques renseignements sur Torigine et ia 
migration de ces peuples barbares, qui renvers^rent 
par les fondemenls cet empire des slides, et ser- 
virent enx-m^mes d'^iement k la r<^g^n^ration da 
genre humain par le christian isme. Toutes les bis* 
toires humaines ne formeront ainsi qn'une seule hit" 
toire. 

D. Qui est-ce qui nous a r^v^l^ cet ensemble de 
i'histoire humaine? 

R. Le premier qui nous ait r^v^l^ ce magniQque 
^rsemble, c'est le proph^te Daniel, dans la statoe 
proph^tique de Nabucbodonosor : une, mais aompo- 
8£e de quatre m^taux qui se suivent ; un empirCi 
mais de quatre dynasties successives ; statue renver- 
s^e, mise en poudre par une pierre qui devient une 
montagne : empire mis^ n^ant etfaisant place kTem- 
pire du Christ qui, faible d^abord, remplit bientOt 
runivers. Apres le propb^te, ce sont les pferes de 
I'Eglise, S. Justin, S. Th6opbile d'Antioche, Jules 
Africain, C16ment d'Alexandrie, Eus^be de C6sar6e, 
qui, les premiers, compl^tant, rectifiant les chronolo- 
gies profanes par les Ecritures divines, ont montr^ 
rhistoire humaine comme une chaine immense qui, 
partant du tr6ne de FEternel, se prolonge k travers 
les si^cles, depuis Adam jusqu*aa Christ, depuis le 
premier av^nement du Christ jusqu'kson av^nement 
final, et rejoint ainsi par les deux bouts le temps 
et r^ternit^. Pour la dur^e totate du genre hamain, 
pour la providence cach^e qui en fait un tout vivant, 
nul ne Ta mieux fait ressortir que S. Auguitin dans 



Du sues coMMuif. i63 

son grand ouvrage De la Cit^ de Dieu, autremeot, 
de TEglise catholique. 



D. Mais le Christ qui a r^uni si merveilleusemeot 
toQtet les nalious en un seul empire spirituei,avait-il 
6t6 attendu par ces nations ? 

R. Oui: depuis le commencement da monde, toates 
les nations de laterreattendaientunJ^at, un Legisla-- 
teuTf un Saint, un Dt>u, an Sauveur, un Midiateur, un 
Riiparateur de toutes ehoses. Au commencement de 
ce discours, disait Platon ( Tim, ) invoquons le Dieu 
uttsveur, afinque^ parunenseignement extraordinaire 
et merveilleux, il nous sauve en nous instruisant de la 
doctrine vMtable, Le saint envoys du ciel, disait Con- 
fucius (Morale de Confucius) saura toutes ehoses^ et 
il aura tout pouvoir au ciei etsur la terre. 

D. Mais sommes-nous bien certains que g<^n^rale* 
ment toutes les nations de la terre attendaient le Sau- 
veur du monde ? 

R. Oui, nous sommes bien certains non-seulemeot 
que toutes les nations attendaient le Sauveur, mais 
encore qu'elles s'attendaient k le voir paraitre il y a 
dix-neuf silicles, et dans la Jud^e. 

D. Quelle preuve avez-vous de cela ? 

R, Le t6moignage non suspect de Su^tone et de 
Tacite, parmi les anciens; de Boulanger, de Voltaire, 
de Volney, parmi les modernes. D'abord Su6tone 



164 CATECHISMS 

ainsi que Tacite rapportent dans la vie de Yespasi^, 
qtfune antique et comtante tradition^ ripandme dam 
Ufut VOrient, annongait qu'il devait en ce temps^lA. 
eortir de la Judie le Datninateur du monde, 

I>. Quel est le timoignage de Boulanger par rap- 
port h cette attente g^n^rale ? 

R. U dit d'abord : Les Romains^ tout ripublicains 
qvfils itaienty attendatent, du temps de Cic^ony tin rot 
pfidit par les sibylles, comme on le voit dan* le Iwre 
de la Divination de cet orateur philosophe ; les mistrti 
te leur r^publique en devaient itre les annonces^ et la 
manarchie universelle la suite. Ensuite il montre que 
ratteole de ce personaage extrordinaire ^tail parla^ 
g£e^ Doo-seolement par les H^breux, mais encore par 
lesGrecs, les Egyptiens, lesGhinois, les Japonais, les 
Siamois, les Am^ricains et les Hexkains. Enfiny coiD* 
dui-il, tl n'y a aucun peuple qui n^ait eu son expe^ 
nuive de cette espkce (1). 

D. Voltaire atteste-t-il la m6me chose ? 

R. Oui : et de plus il montre de quel c6t6 les di- 
vers peoples attendaient ee D^sir^ de toutes les na- 
Qofis. Yoici ses paroles : C'itait de temps imrnhmh- 
rial une maxime chez les Indiens et chez les ChinaiSf 
qiule Sage viendrait del' Occident. L* European eaUr 
n^aire ditait qu'il viendrait de VOrient, Toutes les na- 
thn$> ont toujours eu besoin d^un Sage (2). Voil& oe 
que dit Voltaire : sur quo! ilestais^ de remarquerque 
la luAie d*oii, selon Tacite et Su^tone, devait sortir oe 

(i) Recherch. sur I'ofigine du despotisme oriental, 
sect- 10. 

(2) Addii. d I'kistaire gHUraU, p. i5» ^t. 



Bu 8BKS eomnni. 165 

Dominateor du monde, est pr^cis^ment h roccident 
deslndienset desChiaoisetii Torient de TBurope. 

D. Le t^motgnage de Volney est-il conforme aux 
autres 7 

B. Oui: de plus il nous rappelle encore sons 
quels litres et qnalit^s, sa croyanceuniverselle atten* 
dait le Sauveur du monde. Voici ses paroles : Les tr4> 
ditions saer^^s et mythologiques des temps antMeun 
( ik Vir^ chritienne) avaient ripandu dans toute VAsk 
la crayance d'un grand M^diateor qui devmit venir^ 
d*ttn Jnge final, d'un Sauveur futur. Roi, Dieu con* 
qu^rant et legislateur qui ramdnerait Vdge d'or sur las 
terre et delivrerait le^ hommes de V empire du mal 
( Les Ruines). 



D. Qu'est-ce que la croyance universelle du genre 
bumain nous appr^d et nous oblige de croire par 
rapport k la venue du Hessie ? 

R, La croyance universelle de rhumanit^ nous ap« 
prend et ,nou» oblige de croire qu'aprfes avoir €i& atr 
tendu pendant"* quatre mille ans, il est venu depuii 
environ dix-huit si^cles, et que ce m^diateur est 
J^us-Ghrist. 

D. Comment la croyance gto^rale, le sentiment 
uoiversel nous oblige-t-il de croire que le m^diateor 
attendu est J^sus-Christ ? 



1 66 CATEGHISMK 

R. G'estque le genre humain, aprts Tavoir atteodn 
pendant quatre mille ans comme un personnage 
extraordinaire, comme un sainty un sage^ un Ugisla^ 
teur, un homme, un Dteu, un sauveur^ un juge final , 
reconnatt g^n^ralement toutes ces qualit^s en J^sua- 
Ghrist , qui est vt nu 11 y a dix-huit si^cles. 

D. Quelle p rente avez-vous que le genre bumaifi 
recounalt g^n^ralement en J^sus-Ghrist toutes ces 
qualit^s attributes de tout temps au M^diateur 7 

R. D'abord il n'y a personnc qui ne regards J^ii9- 
Christ comme un personnage extraordinaire qui a 
change la face du monde. Les incr^dules parlent de 
lui comme d'un Sage, d*un L^gislateur^ d'un Saim ; 
au point qu'un de leurs chefs, J. J. Rousseau, a dit: 
Out, si la vie et la tnort de Socrate sont d'un sage, la 
vie et la mort de Jesus sont d'un Dieu. Les Juifs, dans 
les histoires qu*ils en ont faites le r6pr6sentent comme 
un homme qui se donnait pour le Messie, pour le Filsde 
Dieu, annonc^ par les prophetes, et qui pour le prou- 
IQT, faisait des miracles par la vertu incommunicable 
de Dieu« enseignantavee celaune doctrine parfaite (1). 
Les Mahometans, dans leur Alcoran, le reconnaissent 
comme le Verbe de Dieu et le Hessie n^miraculeuse^ 
ment de Timmacul^e Viergc Marie, qu'ils appellent 
la Source de toute puretd ; et ils le r^v^rent 
comme un grand proph^te qui avait I'esprit de Dieu, 
ressuscitait les morts, est mont6 au ciel pour veoir h 
la fin dunonde juger tons les hommes, et k qui appar- 
tient la justification de Tdme et la conversion du p^- 

(1) Voyez VUistoire de l*6tablissemmt du Christianum* t 
tiree des seuls auteurs juifs et patens, par Bullet 



DU SENS GOMMUN. 167 

cfaeur (1) ; tenement que dans le code p^nardesTurcS) 
U y a peine de tnort sans remission ni dHai contre qui- 
conque nierait la mission divine de Jisus-CKrist (2). 
Les Chretiens, qui lirenlde lui leur nom , Thonorent 
comme le Fils de Dieu, Ic Sauveur du monde ; et en 
particulier, ceux qui font profession de snivre en tout 
le sentiment commun, les Gatholiques dont la^'soci^t^ 
est sans contredit Tautorit^ la plus grandc et la plus 
respectable sur la terre, Tadorent comme Dieu, comme 
juge supreme des vivants et des morts, etceladepuis 
le moment qu'il a paru en ce monde, au t^moignage 
fles pa'iens m^mes, tels que Pline, Gelse, Julien 
I'Apostat (3). 

D. If ais h cet imposant accord de sentiments et de^^- 
moignages de la part des nations chr^tiennes et mabo- 
m^tanes et m^me, jusqu'kun certain point, des Juifs, 
des paiens et des Incr^dules, en faveur de I6sus- 
Christ, ne pourrait-on pas opposer le silence de quel- 
ques autres, comme des Gbinois et des peuples sau- 
sages ? 

R. Non ; car de m^me que devant les tribunanx de 
la justice bumaine, le silence d'une personne qui n'a 
rien vu ni entendu parce qu'elle n'6tait pas h port^ 
de voir et d' entendre n'infirme en rien les depositions 
formelles et unanimes de celles qui cot ^t^ k port^ 
d' entendre et de voir , de mtoe aussi, devant le tri- 

(1) Voyez Biblioth, 0rientale, par d'Herbelot ; parttcuH^ 
rement les articles Issa et Miriam, et VAl0oran, tradult 
par du flyer, entre autres le cbapitre intituli^ Marie, 

(2) Tableau ghUral de I' empire Ottoman, par it d'Obs- 
soQyt. 3, in-foL 

i3j Toyez I'histairede Bullet 



168 GATECHISMIS 

buDal du sens commun, da la raison humaioe, le si- 
lence de quelques peuplesqui, par leur position, n'ont 
pu ^tre t^moins de Vbistoire de J^sas-Ghrisi et de «a 
religion, no fait absolument rien contre les t^moi* 
goages formels et ananimes de tous les autres. D'ailleurs 
6i certains peoples n'offrent pas de t^moignage ^crit 
60 faveur de J^sus-Ghrist, ils ne s'en unissent pas 
moins d'une autre mani^re k la masse du genre hn- 
main pour reconnaltre en kd le D^sird des nations et 
le Sauveur attendu dans tons les si^ides ? 

D» Gomment cela 7 

R. Pendant quatre mille ans, tous )es peuples y com- 
pris, comme nous Tavons vn, les Ghinois, les Japo» 
/ nais et les peuples d'Amdrique, attendaient le m^dia- 
teor avec nne espdrance toujours croissante, jusqn'ii 
y a dix-buit si^eles que J^sus-Ghrist est venu se faire 
reconnaltre pour le Sauveur attendu; etdepuiscemo* 
ment, du moius d^s qu'il entend parier de J^»- 
Christ, aucun peuple ne Tattend plus. En sorte que 
depuis dix-biiit si^cles tous tes peuples, sans exception, 
«^accordent h proclamer, oubien que le mddiateur est 
▼enu, etqu'il est Jdsus^Gbrist ; ou bien que le genre 
humain tout entier s'est tromp6 en attendant ce ni6- 
dlateur pendant quatre mille ans et en cessant de Tat- 
tendre depuis que J^sus-Gbrist a para sur la terre ; 
dest-^-dire depuis dix-buit si^eles tous les peuples do 
monde s'accordent h proclamer bautement que Jdsns- 
Gbrist est le m^diateur attendu si longtemps, ou bien 
qu'il fautnier la raison bumaine. Quant a«x peuplades 
tont-ii-fait sauvages, comme les cannibales et antr«s 
antropopbages qui ne deviennent bommes qu'en de- 
venant cbr^tiens, qui ne sortent de leur profond abru- 



iT.t-uiiTUi 




cet Homme-DiBi ct k 
par ]i mteie i 
D. Maislolc&Be: 
B. Mas qoc tOK lo 
tendaientiToirj 
ansai lonqw ^ 

tern, uiic gnade pvtsc c'cscnt 
pour ie Saovcv atlesia, fatcrsi ^stal yjsx zl^ tjr 
Ten paaoma^espbs OB Buoftcaa^ns^i^jd .'!::£: lire; 
et si mamteosBt les rates d«s i^^ aCesdiEs: ei:cre 
sans plus fxer aacaa lersc & s'ea citLiosn^e^pas 
moins anrec toot rconcrs qse >s ksL^e oft ie Bcc:a- 
teoradnTenir, selco Ics pr^pL-des, sr:;^^ acDicpLs 
depois euTinm dix-lisit k*s&% aaa ; £^ :i'es iLiie^pas 
moins gtotoleMeni qoe le Ifcsskccst Tc^a, sais q:i'il 
est cacM, etqiielepri>pfcefe£IieTae£idrafC3J«eia»- 
nifester. Ge qoi esl vni : le Messae est Te&a et i! est 
cach6 poor enx jiuqn'i ce qae le prof liefie Tiesoe ie 
I^ir faire oonnaitre. £a oolre, celie fasoe aUenle et 
ce prodigieaxaTengieflieotde lear pan ajant et^pre- 
dits par les rndnies proplietes qoi oct annooce Yt- 
poqne, les drconstaocts et les soiles de la Teniie da 
Messie, bien lota d'etre aiie dif&calt?, soot one prenTe 
de plos, et one preore toojoun sobsiitaale. 

D. Dans quel pays le mMiateor derait-il pa- 
raltre? 

B« Gomme ooFa td, ks peoples de roheot, tels 
que les lodiens et ks Chinois, ratteodaient do c6t^ 
de roccideot ; et oeox de FOccideot, tels qoe les 
Grecs et les Bomaios, ratteodaient da tMb, de Torient 

15 



1 70 ciTieiiSMi 

Or, la Jnd^e oii Jisus-Christ a v^oi est prteisdmeDr 
dans cette position. 

D, J^8us<^Ghrist a-Ml encore donn^ d*antres prenyef 
de sa missioQ divine ? 

R. Out : et ce sontles proph^ties accomplies en sa 
personne el les miracles qa*il op^ralt Itti-m^mej oa 
doonait pouvoir d'op^rer en son nonir 



cHAPiTiui scnr. 



D. Mais est-il possible qu*il y ait des propb^ties T 

R. Le sentiment commun du genre bumain noos 
assure, non^^seulement que les proph^ties sont pos- 
sibles, mais encore qu'il y en a r^elkment. Car, dit 
Gic^ron, tl n'y a point de nation, si polie qt^elle ioit 
et si savante, ou si grossidre et si harhare^ qui ne 
croie que Vavenir est annoncS, que pluiieurs^ le coU" 
naissent et peuvent le prMire (De Divinat, Lib. ). 
On peut m^e ajouter que la propb^tie est n^cessaire 
k Thomme. 

D. Comment la propb^tie est-elle n^cessaire k 
rbomme? 

R. Quand Dieu a cr^^ Tbomme, il a it n^cessaire- 
ment lui riv^ler le passe, comment il avait 6t6 crM ; 
le present, ce qu'il 6tait et ce qu'il devait fedre; 
Vavenir, ce qui lui arriverait, selon qu'il ferait bien 
ou mal ; et apr^s sa cbute, ce qu'il avait k esp^reroo 
^craindre. Sans cette rMlation du passi, du prisent 
et de Vavenir, Tbomme, ne connaissant ni Dieii, oi 



iRT SHIS comnm. 171 

BDUmfime, aurait 6i^ sant r^gle [pour son esprit et 
pour »oa coeur. 

0. Quelles sont les questions qu'on peut faire sur 
une proph^tie ? 

B. Toutes les questions que Ton peut raisonnable- 
ment former sur les proph^ties se r^uisent k deux : 
i* Est-il certain que telle proph^tie ait €ii faite? 
2* est'il certain qu'elle soit accomplie ? 

D. Mais comment s'assurer de Texistence d'une 
proph^tie et de son accomplissement 7 

B. On peut s'assurer de ces deux faits comme de 
tout autre par le t^moignage du senscommun ; etqui- 
conque, en ce cas comme en tout autre, ne voudrait 
pas croire au t^moignage da sens commun, renierait 
la raison m^me. 



D. Les proph^ties qu'on applique au ? SI essie 
sont-elles bien r^elles ? n'ont-elles pas ii& suppos^es 
par les Chretiens 7 

B. Ces proph^ties sont bieu r^elles, et n'ont pas 
4t6 suppos^es par les cbr^tiens ; car elles sont consi* 
gn^es dans un livre que les Juifs, ennemis des chr^ 
tiens, conservent avec soin defmis son origine, et 
qu'ils portent dans toutes les parties de I'uniYers ; 
en outre, comme nous Tavons vu, les plus importantes 
decesproph^ties^taientconnues de Tuniyers entier, 
loDgtempsavantqull y edt des Chretiens. 



/ 1 eATicHisin 

D. Quelle raison atez-vons d'appUqoer ces prophd- 
ties aa MMiateur 7 

R. J'en ai pour raison sans riplique le sentimenl 
commun des Chretiens, des Juifs et, pour le fond, des 
paiens mimes, qui les out, au moins les priDdpales, 
constamment epteuduet du IfMiateur. 

D. Quelles sont les priacipales prophities qui re- 
gardent le Sauveur atteodu de toutes les natioDs ? 

B. Les principales proph^ties sont que le Sauveur, 
le Messie, c'est-k-dire J^us-Oin'ist (car Sauveur 
veut dire J^sus, el Hessie Christ), devait nattredans 
la Jud^e , et eu particulier dans la ville de Beth- 
Item, de la race d' Abraham, de la tribu de Juda, de 
la famille de David, lorsque la puissance souve- 
raine serait 6tte aux Juifs, environ quatre cent quatre- 
vingt-dix ans apr^s le r^tablissemnet du second temple. 
U devait entrer dans ce second temple, faire un grand 
nombre de miracles, itablir une alliance nouvelle, ^ter- 
nelle et commune ^ tons les peuples de la terre ; ensuite 
4tre mis h mort, et apr^s sa mort le second temple ruintf, 
les sacriOoes abolis, lepeuple juif chassi de son pays, 
errant partout, sans roi, sans prdtre, sans autel (1). 

D. Toutes ces proph^ties se sont-elles accomplies 
en J6sus*Ghrist7 

R. Oui, il y a dix-buit si^cles passes, dix-neof 
slides commences, en viron quatre cent quatre- vingt- 
dix ans apr^s le r^tablissement du second temple, la 
puissance souveraine, le droit de vie et de mort ve- 
nant d'etre 6t6 aux Juifs, ce personnage extraordi- 

(1) Voyez, entr'auires, les Confirmees de M. de Fray»- 

auous. 



w nmm oomnm. 173 

lihaire, que tout le monde a'ppelle, et lui seul, Msos^ 
Christ en Sauvenr-Messie, naquil h Bethl^m, de la 
'4ribu de Juda, de la famiUe de David ; eotra dans k 
second teinple, fit uoe nouvelle alliance, dads laquell« 
entreot tous les peuples de la terre ; ensulte fut mis k 
moTi avec toutes les circofistauces marques par let 
proph^tes, et peu aprfes sa mort, ie tenapie ruin^, les 
sacrifices abolis, lepeuplejuifcbass^de soopays, etc. 

D. Que r^pondeot k eela les Juifs et les iocr^i- 
*dules7 

R. Ges propb^ties soot si claires, surtout la plm 
importante de toutes, celle de Daniel ; la mani^rt 
dont eiles se sont accomplies est si frappante, que les 
rabbins, ne sachant qu'y r^pondre, ont prononc^ les 
plus ternbles maledictions contre quiconque tenterait 
de caiculer les anodes . du Mes»e. Quant aux incr^- 
dules, ceui de im)s jours eonViennent quecettem^mt 
propb^tie de Daniel a ^t^ faite longtemps avant T^- 
T^nement, el les incr^dules anciens, comme Porpbyre, 
la yoyaient si clairement accomplie, qu*ils pr^ten- 
daient qu'elle avait ^{^ invent^e apr^s coup. En sort« 
que nous savons avec certitude et par les incr^dules 
eux-m^mes, que la plus importante de toutes les 
propb^ties a 616 faite longtemps avant r^v^nement, et 
qu'elle s'est accomplie de la mani^re la plus ^videntc 
eu J6su?}-Christ. 

D. Pourriez-vous nous representor tout cela sous 
quelque embl^me? 

B. Le judaisme est roenf d'ob est sorti Ic cbristia- 
Qisme, comme d'un oeuf est sorti Taigle qui plane aa 
haul des airs : depuis dix-buit si^^cles, Taigle sorti de 
cet oeuf ne xsesse de s'-ilever et de grandir ; depuis 



i 74 GAiicHism 

dix-hait si^cles, Toeuf est vide et m^me troa^ : depuis 
dix-huit slides, le Juif ne voit pas ce que toot le 
monde voit , que Toeiif est troii6 et vide : depuis dix- 
hait si^cles; il Qe cesse de garder et de couver de ses 
yeux cet oeuf vide et trou^, pour en voir sortir Faigle 
promis : FincrMule se moque du Juif, et pretend que 
l*(Buf a ^16 pondtt comme il est, troo4 et vide : en at* 
teodaut, Taigle sorti de Ik regarde en piti^ I'un el 
Tautre et continue son vol vers les cieux. 

D. Le Sauveur-Messie ou J^sus- Christ n'a-t-il paf 
fait lui-m^medei predictions T 

R. Qui : ii a pr^dit entre autres : i* L'itablisse* 
ment de sa Religion et de son £glise par douze pauvres 
p^cheurs^ et sa conservation h travers tons les sidles 
6t malgr^ toutes les oppositions ; 2* la mine procbaine 
de Jerusalem et de son temple, et la reprobation dn 
peuple juif, et depuis dix-huit si^cles, Tunivers entier 
est temoin de Faceomplissement miraculeux de cea 
deux propheties. 



D, Quest-ce qu*un miracle ? 

B. Un miracle^ dit J. J. Rousseau, est^ dans tin 
fait particulier, un aete immidiat de la puissance dP- 
vtfttf, tin ckangement sensible dans Vordre de la na* 
ture , une exception rieUe et visible A ses lois. Dieu 
peut'il faire des miracles ? ajoute-t-il. Cette question, 
jirieusement traitie, serait tmpie, it elk n'itait ab- 



w SENS comnm. 175 

oiurde ; ee serait (aire trap d'kanneur a celui qui la 
r^Moudrait n^gativement que de le /mntr, tl suffirait 
de Venfermer (1). 

D. Mais qu*est-ce que I'ordre et les lois de la na- 
ture : et comment les connaissous-nous? 

R. Nous les connaissons nniquement par Texp^- 
rience g^n^ale qui nous montre les m^mes effets cons- 
lamment reproduits dans les m^mes circonstancei^. 
Nous nommons lois les causes de ces effets constants, 
€t Dous appelons ordre Tensemble de ces lois. 

D. Comment savoir avec certitude qu'un fait par- 
ticulier est un miracle, un changement sensible dans 
r ordre de la nature, une exception rtelle et visible^ 
$esIois? 

K Par le sens commun. En effet« c*est unique- 
ment par le t^moignage universel, par le consente- 
ment commun, que nous savons avec certitude qu^un 
ph^nom^ne est naturel, ou conforme aux lois, k 
Tordre constant de la nature. Quaod done ce m£au» 
l^moignage atteste qu'un fait, un ph^nom^ne quel- 
<U>nque, est un changement sensible dans Tordre de 
la nature, une exception r^elle et visible k ses lois, la 
rfelit^ de ce changement ou de ce miracle est aussi 
certaine qu'il est certain qu'il existe un ordre et des 
lois de la nature ; et quiconque refuse de croire sur 
ce point le t^moignage g^n^ral des hommes, ne pent 
raisonnablement le croire sur aucun point : il ne peut 
plus ni connaltre Tordre de la nature et ses lois, ni 
m6me savoir s'il y a des lois et on ordre r^el dans Ja 
nature. 

,(i) Ltitre§ de la Montague ; p. iOA. Paris, 1793. 



^76 CATiCHISUB 

D. Quels soot les miracles que J^sss-Cbrist op4§- 
•rait pour prouver sa mission divine? 

R. II ^u^rissait toutes les maladies, en pronon^ant 
quelqucs paroles, on par un simple acta de sa volon- 
t^ ; il multipliait un petit nombre de pains pour nour- 
rir toute une multitude ;'il marcbaitsur la mer, 11 res- 
sdscitait les morts, etc. 

D. Ges miracles sont-ils bien attest^s ? 

R. Jamais il n*y eut de fait mieux attests que les 
miracles de J^sus-Ghrist. Le genre humain tout en- 
tier en rend t^moignage : les cbr^lieus qui les ont vus 
et qui se sont laissd ^gorger pour attester ce qu*ib 
en disent ; les Juifs et les paiens, qui, pour les avoir 
Yus, se sont faits Chretiens et expos<^s h la perte de 
leurs biens et de leur vie : les Juifs m^mes et let 
paiens qui ne se sont .pas convertis, ct qui, comme 
Julien TApostat, Celse, Pdrphyre, et les anciens rab* 
bins, dans les Merits no^mes qu*ils ont faits contre la 
religion chr^tienne, avouent que J^sus-Gbrist a fait 
les miracles les plus ^tonnants, jusqu*k ressusciier 
des morts (1). 

D. Gomment savons-nous avec certitude que tous 
c^ faits merveilleux sont r^ellement des miracles^ 
des changements visibles dans Tordre de la nature t 
R. Par le sens commun de tous les bommes. En 
eflet, qui neconviendra qu'il n'est pasconforme aux 
lois de la nature que des l^preux, des aveugles, des 
bciteux, des soords soient gu^ris dans un instant par 
quelques priferes t que ces paroles : Lkve-toi et mar^ 
che, rendent Tusage de ses membres h un paralytique 

.,(1) Voyez^avragede Bullet 



Du SKHS cM>ianni. 177 

de irente-huit aos 7 qa'ao mort ressascite an seal mot : 
Sars du tombeau 7 Aassi les Jaifs, ne ponyani nier 
les miracles de J^sus-Christ, ks attribuaient-ik h la 
vertu du Dom incommufiicable de Dien ; les paiens 
iocr^dules, aux secrets de la magie. Quaot aax ma- 
hom^tans ^ ils professeot dans rAlcoran , comme one 
v4rit6 certifi^e par Dieu mftme , que Jteus fils de Marie 
a fait des sigoes maoifestes , des miracles ^videuts. 



I>. Ne pourriex-YOus pas douner de tout cela uoe 
preuve soromaire ? 

6. On le pourrait en forme de probl^me que voijci : 
Le Christ est un Juif crucifix, et Tunivers est cbr^ 
tien ! Comment une pareiile cause a-t*elle pu produire 
' un pareil effet ? Comment uo pareil elTet a*t^il pu sor* 
tir d'une pareiile cause ? Expliquez cela de mani^re 
que la raison humaine y conceive une Equation de la 
cause k Teffet. 

D. Qu'est-ce k direl'univers est chr^tien } 

B. L'univers est Chretien : c'estk-dire que snr 

Dieu, sur Thomme et sur le monde^ les femmes, les 

enfants m^mes, ontdepuis dix-neuf slides desid^s 

plus saines et plus ^lev^es que n'en avaient ni Socrale 

ni Platon. L'univers est Chretien : c'est-k*dire que, 

trois sifecles durant, les empereurs idol4tres ont mis 

tout en oeuvre, et les efforts de la politique, et les 

rj^uments des philosopbes^ et le glaive des 1^- 

16. 



178 eATBcnsMi 

gions, poar 6toaffer he christianisme dans son bef« 
ceau ; et aprte trois slides, les philosophes, le» em- 
pereurs et les I^ods se soot d^clar^ disciples du 
Christ. L'univers est Chretien : c'est-k-dire que les 
barbares qui ont renrers^ ce qa*il y avait de plus 
ferme snr la terre, Tempire romain, sont devenus la 
conqu^te du christianisme qui en a fait la portion in- 
telligente et civilis^e du genre bumain : TEglise ca*- 
tholique. L^univers est chr^tien : c*est-h-dire les 
schismes, les h^r^sies, Timpi^t^, onteu beau attaquer 
TEglise par la ruse et par la violence, TEglise est sor- 
tie de ces combats toujours ancienne et toujours nou- 
vclle. 

D. Et tout cela est r<£UYre posthume d'un Juif 
crucifix? . 

B. Et tout cela est Toeuvre posthume d'un Juif 
crucifix I 

D. Quest-ce done qu'uQ juif? 

R. Ce que c'est qu'un juif T — C'est quelque chose 
de tel dans I'opinion publique, que les Juifs eux- 
m^mes rougissent de s'appeler Juifs, et se doonent 
le Dom d'lsra^liteS. 

D. Que sera-ce done qu'un juif crucifix ? 

B. Le dernier degr^ de Tabjection et de Tigno- 
minie ? 

D. Et ce juif cnicifi^ , qu'a-t-il fait ! 

R. Et ce juif crucifl^, mis k mort entre deux lar- 
rons» a change le monde depuis dix-oeuf si^cles, au 
point d'en 6tre ador^ comme un Dieu, et d'avoir fait 
de ses adorateurs la portiot) intelligente, la t^te de 
r humanity! 

D. ExpIiquez^'Cela. 



DU SKfS GOMMUlf. 179' 

^. Certes si le Christ n'e^ qu'un juif crucifix, ce * 
^qni se voit depuis dix-neuf si^cles, non-seulement est 
inexplicable, mais contradictoire ; il faul ^touOer la 
raison bumaine. Mais si ce juif crucifix est en m^me 
Umps le Fils de Dieu^ s'il est ressuscit^ des piorts, le 
tout se concoit. Bref, la divinity du Christ, la r^lit^ 
de ses miracles, bien loin d*offrir aucune difficulty k 
la raison bumaine, lui oiTreot au contraire Tuniqne 
solution naturelle de faits autrement inexplicables, de 
difficult^s autrement insolubles (1). 



D. Y aurait-il encore quelque chose <i dire sur 
Tancien peuple juif ? 

R. II y aurait encore k signaler I'influeoce secrete 
da peuple b^breu sur les destinies de I'ancien 
monde. 

D. Sur quoi fondez-vous Tbistoire de cette in- 
fluence ? 

R. Sur les paroles de TEcriturQ sainte et sur les 
faits de Tbistoire ancienne. 

D. Que dit TEcriture k cet 4gard 7 

R. Voici ce que dit Moise dans Tbistoire propb^^ 
tique de ce peuple : Quand le Tris^Haut divisait le$ 
nations^ quand ilseparait les enfant sd'Adam^ t'lmor- 
-qua les limites des peuples selon le nombre des ftU 

(1) Voir ce sujet plus d^velopp^ dans un discours de 
Taoteur, cbez Outhenin-Gbalandre et Gaume» 



«nr 



1 



i ffO CATEGHISKB 

d' Israel Mais la fart du Seigfieur fut son peupte^ 
Jacob fut son kMVage {Deut. 32). On voit, d'aprte 
ces paroles^ qiiUl y a dans les desseins de t)ieu, une 
secrete correspondance entre T^tat de la post6ril^ de 
Jacob et la destinde des autres nations. 

D. Gette correspondance myst^rieuse n'a-t-elle pas 
' M remarqu^e par quelqne pbilosopbe 7 

R. Philon, pbilosopbe juif, a Ik-dessus une belle 
pens^e : c*est que le penple b^breu 6tait comme le 
pontife et le propb^te de tout le genre humain (1) 
D. En voit-oo les effets dans Fbistoire ancienne? 
R. On en Yoit les effets dans les relations du peuple 
h^breu avec toutes les nations les plus influentes de 
Fantiquit^. 
D. Quelle est la premiere ? 
R. A la tSte des peuples de Tantiquit^ qui ont eu 
le plus d'influence sur les destinies humaines, paralt 
TEgypte. C'est avec TEgypte aussi que le peuple cboisi 
aura les rapports les plus intimes. Abrabam y desoend, 
*y est en grand bonneur aupr^s du roi et de set 
ministres. D'anciens auteurs, tels que Justin, £upo- 
l^Die, Artapan, Jos^pbe, lui attribuent une grande 
influence sur ce pays. Trois generations apr^s, Dieu 
r^vMe k Pbaraon ce qni devait arriver & son royaume 
^ et k toute la terre, Josepb, arrifere-petit-fils d' Abra- 
bam, lui interprfete Foracle divin, gouverne I'Egypte 
enti^re pendant pr^s de quatre-vingts ans, comme 
vice-roi ; it y est appeM le sauveur du monde, il y 
^ forme les sages et les princes. Gette sagesse si renom- 

(i) Phil. jud. de Abraham, p. 247 ; De Vita Mosk, 
^. iy p. A 25, edit, Tumeb. 



DU SENS COHMUlf. iSi 

xn^e de TBgypte et ce qui s*eD ripaod plus tard dao« 
la Gr^ce et en Italie, yieudrait done en graude partte 
dtt fils de Jacob. Moise y paratt k sod tour, accompa- 
gn^ de prodiges qui retentissent dans tout i'uuivers. 
Sa renomm^e est telle que d'auciens auteurs, cit^a 
par Alexandre Polybistor dans Eus^be, le doonent 
pour r Hermes Trism^giste, et lui rapportent rinven- 
tion des lettres qui, suivant eux, pass^rent des Juifs 
anx Ph^niciens, et des Pb^niciens aux Grecs. Salo- 
mon, que les rois consultent comme un oracle, soit 
par eux-m^mes, soit par leurs ambassadeurs, ^tail 
* gendre du roi d'Egypte. Pour Clever au Tr^s-Haut un 
temple qui sera la merveilledu monde, il cboisit ceiit 
cinquante mille ouvriers, non panni les Juifs d'ori- 
gine, mais parmi les Gentils adorant le vrai Dieu. 

D. Vollk qui est remarquable pour TEgypte. Quel 
autre peuple vient epr^s 7 

R. Apr^s les Egyptiens, le peuple de Tantiquit^ le 
plus cdl^bre par son esprit, ses arts, ses sciences, son 
commerce, sa navigation, ses colonies, ce sont les 
Pb^niciens. Marchands de Tunivers entier ils par- 
coiirent toutes les mers,trafiquent avec tons les peuples, 
abordent jusqu*aux iles Britanniques, fondent partout 
des Tilles et des colonies fameuses : Utique, Hippone, 
Carthage en Afrique : Gad^s ou Gadix en Espagne. 
G'est un de leurs princes, Cadmus, qui apporte en 
Gr^ce les lettres de Talphabet. Or, pendant pr^s de 
qninze si^cles, les Pb^niciens el les H6breux habi* 
4ant des pays limitrophes et souvent les m^mes, ^talent 
continuellument en rapport les uns avec les autres. 
Les premiers descendaient de ces Canan^ens parmi 
^lesquels avaient v^cu Abraham, Isaac et Jacob. Les 



182 GATEGHISMI 

H^breux sorteot de TEgypte apr^s des prodiges ter- 
ribles ; ils traversent k pied sec la mer Rouge, voya^ 
gent quarante ans dans le desert, passent le Jourdain, 
qui s'arr^te h leur approche, font tomber les murs de 
Jericho, publient sur le mont Garizlm la loi du Sei- 
gneur, s'annoncent eux-m^mes comme les vengears 
de cette loi souveraine sur les peuples de Canaan. 
Plusieurs de ces peuples sont extermin^s, d'autres 
s'^cbappent par la fuite. Ges Emigrations fnrent les 
premieres colonies ph^niciennes. Au temps de saint 
Augustin, les Puniques ou Pb^niciens d'Afrique, in- 
terrog^s sur leur origine, r^pondaient qa*ils ^talent 
Ganan^ens. Au sixi^me si^cle de T^re cbr^tienne, 
Procope Ecrit que , dans la ville de Tingis en Mauri* 
tanie, on voyait encore deux colonnes attestant par 
leur inicription que les premiers babitants s*y ^talent 
r^fugi^s pour Ecbapper au glaive de JEsus, fils de 
NavE. D^autres peuples Ganan^ens se soumetlent aox 
Hd)reux et en deviennent tributaires. Jusqu*au temps 
de David, les anciens habitants du pays occupaient la 
citadelle de Jerusalem. G'est d*un prince J^busEen 
qae David acb^te Templacement du temple. A cette 
^poque, on voit des relations d'amitiE et d*alliance 
entre les Ph^niciens et les H^breux. Un des plus cons- 
tants amis de David fut Hiram, roi de Tyr, princi- 
pale ville de Ph^nicie. Quand Salomon succ^de k son 
pire, Hiram lui envoie des ambassadeors. Salomon 
loi apprend qu'il est dans la resolution d'exEctuter le 
dessein de son p^re David, de b&tir un temple au 
Seigneur, et le prie de choisir les plus habiles on* 
vriers de Tyr et de Sidon pour aider ceux d'lsraSl. 
Hiram ayant entenda les paroles de Salomon, se r^ 



jonit beaucoop et dit : Bhii soit aujourd'hui le Sei» 

gneur IHeu qui n danni d David un fib tr^s^sage 

pour gauverner un si grand peuple. Et il envoyavers 

Salomon, disant : J'ai entenda tout ee que vous m'avez 

fait dire ; je ferai tout ce que tous d^sirez. D'aucieDS 

anteurs cit^s par Tatien ajoutent que Salomon ^pousa 

one de ses lilies. Hiram lui aida ^galement ^ 

fabnquer des navires ; les flottes r^unies des Ph^ni- 

eiens et des H^breux faisaient des voyages qui dQ«- 

raient trois ans. L'affinit^ entre ces deux peuples 

6tait telle que, dans plusieurs auteurs anciens, les 

Qoms de Ph^nicie, de Palestine, deSyrie,8eprenneQt 

indilfi^remment I'nn pour Tautre. Leur langage ^lait 

au fond ie m^me ; le ph^nicien n'^tait qu'un dialecte 

de Fb^breu. On le voit jusque dans le punique on 

le pb^nicien d'Afrique. Ainsi, dans le discours que 

Plaute fait tenir h un habitant de Gftrthtge en sa 

langue materneile, la ressemblance avec I'h^breu est 

Tisible (1). S. Augustin observait encore la m^me 

obose pour le punique de son temps ; il en cite quel<» 

ques exemples, ajoutant qu'il en ^tait presque de 

mSme pour tous les mots. En particulier, les deux 

principaux magistrats de Carthage, les suffixes, rap- 

pellent visiblement les suffetim ou juges d'lsraSl. 

D. Quels peuples mettrez-vous apr^s la Ph^nicie T 

R. A cdt^ de I'Egypte et de la Ph^nicie s'^l^ivenl 

les deux plus fameux etppires de ces anciens temps, 

TAssyrie et la Perse. Aussi voit^on Israel m^l^ kcea 

masses ^normes comme un secret levain qui doit 

pen k peu les p^n^trer tout enti^res. Dans un songe 

myst^rieux , Diea figure au roi de Babylone la succes- 

(1) Voyez Poenulos, yers 800, etc 



84 GATlicHISMB 

sion des empires jiisq«'& la fin des siteles. Daniel, 
Mair^ d'eD haut, le lui inlerpr^te, et lui montre 
quatre grandes monarchies, les Assyrifins, les MMes 
et les PerseSy les Grecs, les Romains, succ^dant Tune 
k Fautre, et, k la fin, disparaissant toutes pour faire 
place k un empire surhumain, 6ternel, «tqui embrsks- 
sera tout Fani vers. Daniel est ^lev^ au-dessusde tons 
les grands d' Assyrie. II estFkme du gouvernement non* 
seulement sous lesroisdeBabylone, mais encore sous 
les MMes et les Perses. II est le premier ministre de 
Darius et de Cyrus, comme il Favait ^t6 de Nabucho* 
donosor. Ges princes , dans des d^crets publics, an- 
nonceot h leurs peuples la puissance du Dieu veritable. 
Ge Dieu n'etait point inconnu h leurs vastes empires. 
Un si^cle auparavant, la grande Ninive s'^tait con- 
vertie tout enti^re h la voix d'un de ses prophMes. 
Ge n'est pas seulement des rois que Daniel est r^v^r^ : 
sa sagesse est en admiration k tout FOrient : elle de^ 
vient un proverbe jusqu'k Tyr. II est le commun doc- 
teur des mages et des Ghald^ens, ces antiques sages 
que les philosophes de la Gr^ce, de FInde, et meme 
de la Ghine, commen^aient h venir consuUer. Ce fnt 
alors que Laotseu, le plus ancien phiiosophe de la 
Gbine, fit ses voyages en Occident. Daniel n'est pas 
le seul en honneur. Ses compagnons participent k 
sa gloire comme k ses lumi^res. Apr^s eux, une fiUe 
de Jacob monte sur le tr6ne d' Assu^rus : Mardoch^ 
devienl le premier ministre du grand roi qui comp- 
tait parmi ses provinces, FInde d*un c6t6, FEgypte 
et FEtbiopie de Fautre ; une foule de peuples em* 
bradsent Ik loi du Seigneor. 
D. Ges rapprochements me, paraissent de la plus 



Du SENS comrcii. 185 

haute iiaportaDce. lis nous laissent entrevoir les 
routes myst^rieuses par lesquelles la Proridence a r^ 
pandu ou conserve, jusque dans Tlnde ou la Chine, 
CCS notions si belles, si ^tonnantes, mais quelquefois 
si akir^es, sur Dieu, sur rhomroe el sur le R^demp- 
teur. Mais en sera-t-il de m^me pour les nations in- 
fluentes de TOccident? 

R. Alexandre paralt, bondissant k travers les pro* 
'^Tinces et les royaumes, et foulant h ses pieds Tern- 
pire des* Perses. 11 marche contre Jerusalem pour la 
punir de la fid^lit^ qu*elle avait gard^e k Darius. Mais 
k la vue du grand-pr^tre, il adore ce Dieu supreme 
qui lui a donn^ des ordres en Mac^doine. II reconnatt 
au livre de Daniel la prediction de ce qu'il est et de 
ce qu'il fait. II accorde aux habitants de la ville sainte 
-les grdces quMIs lui demandent : il en promet autant 
'ii tou8 les Juifs disperses ailleurs : il en enr61e un 
grand nombre dans son arm6e : il en ^tablit dans 
Alexaodrie avec les m^mes privileges que les Mac^- 
doniens. H^catee d'Abdfere, et d'autrei encore, ^cri- 
yenten grec Thisloiredes Juifs etdeleurspatriarches. 
Artstote a des conferences avec un savant juif. Un des 
successeurs d*AIexandre ^n Egypte fait traduire les 
livres sacr^s des Hebreux. Un temple est eieve au 
vrai Dieu sur le inont Garizim, un autre en Egypte, 
k Heiiopolis. Arius, roi de Sparte, ecrit au grand 
pretre Onias, que, d'apr^xs les archives, les Juifs et 
les Spartiates sont fr^res comme descendants d*Abra- 
ham. Le peuple d'Athfenes decerna une couronne d*or 
^ et une statue au grand-pretre Hircan, ;pour k bien- 



1 86 CATEGUISIR 

veiliance qa'ii t^moigouit pour ceux qui d'Alh^ues 
allai«Dt en Jud^e (1). 

D. On voit par tous ces faits, qu'il 6tait facile aux 
philosophes de la Gr^ce de completer leur sagesse 
par eelie des H^breux, et que les hommes de bonne 
volont^ pouvaient, tans beaucoup de peine, con naftre 
et suivre le culte du vrai Dieu. Y aura-t-il moins de 
facility pour ies Romains ? 

B« Les Romains en devenant les matlres du monde 
rencontreni les Juifs partout. Les Juifs, sous ies Ma- 
chab^es, sont les premiers de TAsie k faire alliance 
avec les Romains. II y a une synagogue h Rome, une 
autre dans Ath^nes. Le yrai Dieu y est connn et ador6 
Qon-seulement par les Juifs d'origine, mais encore 
par de nombreux prosdy tes. Horace, Ovide font sou- 
vent allusion h leurs fetes, k leurs coutumes, h leur 
%Me pour convertir, comme k des choses vulgairement 
x^onnues. Gic^ron, dans son discours pour Flaccus^ 
accuse d*avoir emp6ch^ ceux de TAsie d'envoyer leur 
offrande annuelle k Jerusalem, nous montre les JuiCs 
y transportant chaque ann^e, de I'ltalie et de toutes 
jes parties de Tempire^ des sommes considerables 
d'or et d'argent: il les repr^sente si nombreux k 
Rome, et si puissants dans les assemblies, que, pour 
ne pas s'attirer leurs violences, il va, dit-il, en trai- 
tant ce chef d^accusation, mod^rer sa voix de ma- 
nl^re k n'etre entendu que des juges, et non pas de 
•la foule qui entourait le tribunal. Une lettre de 
Jules-G^r nous les montre jouissant de privil6get 



it) Josiphe^ Antiq. I 1/ii, c 10 et 16. 



DU SINS COMMTJlf. 187 

pariiculiers dans tout rempire romain (1). L'empe- 
reur Auguste ordonna que de ses propres revenus on 
offrit chaque jour au Dieo Tr^s-Haut des bolocaustes 
solennets dans le temple de Jerusalem. L*imp6ratrice 
Julie, sa ferame, y envoya des coupes d*or et d'autres 
presents da plus haut prix ^(2). S^n^que se plaint 
am^rement que la superstition des Juifs eut envahi 
ioutes les nations, et que, vaincus, ils avaient donn6 
des lois k leurs vainqueurs. L'univers entier, comme 
OD le voit par Taeite et Su^tone, attenditt de la 
Jod^e le Doisinateur du Hionde. 

D'un autre c6t^, les Sabins qui furent les premiers 
habitants de Rome se disaient une colonie de Sparte. 
Gomme les Spartiates descendaientd' Abraham, les an- 
tiques Sabins en seraient descendus aussi. La post^* 
rit6 du grand patriarebe aurait ainsi mis la main k la 
fondation de Rome. Be Ik vient peut-^tre que pen- 
dant cent soixante-^ix ans, il n'y eut point d'idoles 
dans les temples des Remains. De \k peut-^tre encore, 
chei les Etrusques, le nom de Jove ou Juve ; chezles 
Latins, celui de Jovis, d^riv^s de Jehovah, par abr^- 
viation Jovah, donnas au Dieu supreme (3). De \k 
peut-^tre enfin chez les premiers un gouvernement 
semblabie k celui des H^breux, douze divisions mili- 
iaires, ayant chacune son chef, et au-dessous d*eux, 
un pontife. 

D. II me semble qu*on n'a pas toujours fait assez 
^'attention k la vocation providentielle de ce peuple t 

{i) Jos^phe, Antiq. 1. i^, c 17. 
(2; Philo. Legat ad Gaiumr 

[Z) Aulu-Ticlle. Noct. Attic., t 6, c 12. 



4'^8 CATfiCHISBfE 

^R. Je pense comme vous. En effet, qaelle attention 
j]c m^rite point on peuple, mt\i saccessivement k 
ioules les grandes monarchies, sans se confondre ni 
p^rir avec aucune d'ellee : un peuple que Dieu lui- 
ro^me avait constitu^ et choisi pour son heritage el 
pour I'instrument particulier de sa providence sor le 
: genre humain : un peuple qui, r^pandu par toute la 
terre, lisait partoat dans ses proph^tes, avec son 
propre avenir, ravenir de toutes les nations ou il 6tail 
disperse : T^venir de TEgypte, de Tyr, de Sidon, de 
Damas, de Moab, d*Edom, de Ninive, de Babylone, 
de la Perse, de la Gr^ce, de Rome : Favenir enCn de 
J'humanit^ enti^re. 



GHAPITBE 



D. Quel ^tait le gouvernement de ce peuple piCK 
ph^tique? 

R. G'^tait le gouvernement de Dieu m6me : aussi 
^tait-il appeM sp^cialement le peuple de Dieu. 

D. De qui venait la legislation de ce peuple ? 

R. Elle venait imm^diatement de Dieu m^me. Dieu 
lui-m^me la promulgua sur le mont Sinai, et le peuple 
Taccepta librement. 

D. Qui est-ce qui interpr^tait cette loi dans les eas 
difficiles 7 

R. Dieu lui>m6me, consults par le grand-prfitre. 

D. Quelle ^tait la constitution du sacerdoeechez ce 
peuple? 



90 sflis GOMiitm. i8Sr 

B. Sor treize tribes, issues dti mtaie p^re, Jacob 
Da braSl, la troisifeme, celle de L^vi, fat consacrfe 
aa service divin, k la place des premiers n^s de cbaque 
faxniUe; et dans cette tribu, la famille d' Aaron, fr^re 
de Moise, fat investie du Sacerdoce. 

D. Qael fat le pairtage de la tribu de L^vi dans la 
terra promise T 

B. Elle n'eut ancuD partage dans la terre. Les 
pr^tres et les l^vites^taient diss^min^s parmi les douze 
Uibus^ dans des villes assignees poorleur habitation : 
Ik ils instruisaient le people de la loi divine ; de Ikils 
se rendaient au temps marqo6 k Jerusalem pour ser- 
vir k leur tour dans le temple ; ils tivaient des dimes 
et des oblations. Eh maintenant ainsi Tunit^ du culte 
divin, ils maintenaient aussi vivaote Tunit^ nationale.. 

D. Quiest-cequi rendait la justice ordinaire? 

B. Dans chaque tribu, le chef de la tribu, les chefs 
de mille, de cent et de dix. Au-dessus de ces tribu- 
naux ^tait le cooseil supreme de la nation, compost de 
soixante-douze s^nateurs, parmi eux le grand-prfitre, 
qui consultait Dieu dans les grandes diflBcult^s. 

D. A qui appartenait la terre promise? 

B. Dieu s'en declare le seul propri^taire ; il la dis-^ 
tribue aux enfants dlsraSt, comme k ses fermiers et 
colons : chaque tribu a sa part, et chaque famille 
dans la tribu. Cette part reste dans la famille k per- 
p^tuit^ ; si le p^re la vend, ce n'est que jusqu'k l'an*> 
ate du jubil^, ou elle lui revient libre de toute charge. 

D. Ge peuple special de Dieu n'a-t-il pas eu des rois? 

B. II en a eu. Mais Dieu, roi supreme de toutes les 
nations, vent T^tre sp^cialement d'lsra^l. Au cas que 
ee peuple s'obstine k vouloir un roi homme, il s'en 



190 ckTkmsM 

rteerve expressiment le choix, et cons^emmeDf 
aussi la deposition. II donna poar rtgle au monarqaa 
fntur la m^me loi qa*k ses sujets : cette loi, il doit ea 
recevoir la lettre, par consequent aassi le sens, des 
pretres de L^vi ; cette loi Foblige* comme Josu^, de 
consulter le Seigneur par le grand-pr^tre dans lea 
questions diflBciles ; k Tobservation de cette loi est 
attache son affennissement sur le tr6ne et la duree de 
sa dynastie. 

D. Gommenl Dieu manifeste-t-il sa Yolonte touchant 
reiection et la deposition du roi homme en Israel ? 

B. Sa voloQte k cet egard, Dieu la manifeste par le 
ninistere des proph^tes, qui, sous une religion pour 
ainsi diretoute prophetique, faisait comme partie 
integrante du pouyoir spirituel. 

D. Parexemple? 

B. II choisit et reprouYe Saul par le minist&re de 
Samuel. II choisit David, par le minist^re du m^me 
Samuel, et le confirme sur le tr6ne, lui etsa race, par 
le minist^re du prophete Nathan. II dte k son fils dii 
tribusetlesdonne & Jeroboam par le minist^re d' Ahias 
de Silo. Cn autre proph^te defend de la part de Dieu 
k Juda et Roboam, de faire la guerre k Israel. Par le 
minist^re du meme Ahias, il reprouve la race de Je- 
roboam, et appelle k la royaute dlsrael Baasa. Il an- 
Aonce k ce meme Baasa, par la voix de Jehu fits d'Ha- ' 
nani que sa race sera detruite. Par le minist^re d'£lie 
etd'^lisee, il appelle ^lacouronne Jebu fils deNam* 
si, lui ordonne d*exterminer toute la race d'Achab, et 
confirme la sienne sur le trdne jusqu'k la quatritoe 
generation. Le minist^re des proph^tes, en ce cas, 
etait si habiluel, que le peuple juif et ses pretres ne 



DO 8«5S GOMMim. iftf 

reconnurent pour soaverain Simon Machab^e, que 
jn^qa'k ce qu'il s'^lev&t un propb^e fidUe. 



GHAPITRBZZZL 



D. Qu'est-ce qae les anciens peuplea pensaieat du 
fond de tfe gouvernement de Dieu ? 

B. D'apr^ les savants modernes, toutes les nations 
de Fantique univers, depuis les extr^mit^s de TOrient 
josqu'kla froide Gal6donie : Ghinois, Japonais, Indiens, 
Perses, H^breux, Egyptiens, Grees, Romains, Gan- 
lois, Germains, Bretons, ont promulgu^ de concert, 
comme la premiere des lois, comme la base de la so* 
ci^t^ humaine, que Dieu seul a droit de commander h 
rbomme, et que par cons^uent ce qu'il y a d'humain 
est, de droit, subordonn^ k ce qu*il y a de divin, I'^tat 
h la religion. Voilk ce qu'elles croyaient, voilk ce 
qo'elles professaient, non dans leur decadence, mats 
dans la yigueur de leur jeunesse. G'est avec ces iiie» 
et ce gouvernemeot th^ocratiques qu*elles ont ex^cutil, 
soit en fait d'annes, soit en fait d'arts, des prodiges 
dont le souvenir ou les debris nous att^rent encore. 
( J. J. Rousseau. Contrat social, 1. ((, c. 8. Cousin, 
2* Legon 1828. Fr^d^ric de Schl^gel, Essais sur la 
langue et la philosophie des Indiens. Rohrbacher, Dei 
rapports naturels entre les deux puissances , cb, 1. 

D. Ge r^sultat a-t-il M conou seulement de no0 

jours ? 
P. Ce r^snltati proclam^ unanimement par les (crl^ 



192 GATliGHlSMfl 

Tains modernes, F^tait d6j& par les auteurs ancfens; 
en particulier par Strabon. Ge judicieox gtographe 
6tait eontemporain de Pomp^ et de G^sar. Apr^ 
avoir parl^ de Moise d'une mani^re tr^s-hooorable, 
il ajonte qu'il avait constitu^ panni les jnifs un goa- 
vernement ou la religion et la divinity avaient la pr^ 
pond^rance sur les armes ; que ce goavernement qui 
n'^tait rien moins que m^prisable, se maiutint assez 
longtemps en sa premiere forme, mais qu*enfin il fat 
alt^r^ par la superstition et la tyrannie de quelques* 
uns de ses chefs, a Telle est, continue-t-ii, lamarche 
ordinaire des cboses humaines, soit parmi les Grecs, 
soit parmi les Barbares. Pour former une soci^t^ poli- 
tique, il faut vivre d^apr^s une loi commune. Sans 
cela il est impossible qu'un grand nombre de per- 
sonnes agissent avec ce concert indispensable pour 
une cit^ ou toute autre union. Or, la loi est de deux 
sortes : elle vient des dieux ou des hommes. Les an- 
cient accordaient h ce qui est des dieux la pr^^mi* 
nence eft une v^n^ration plus grande. » ( Strabon, 
1. 16, c. 2). 

D. Les aneiens philosophes pensent-ils i&-dessus 
comme les aneiens peuples ? 

B. Qui. Trois t^moins luffiront: Confucius pour 
POrient, Platon pour les Grecs, Gic^ron pour les Ro- 
mains. 

D. Qu'en est-il de Confucius ? 

D. Confucius ou Koungts^e, que la Chine appelle 
le Saint^Maitre^ naquit au sixi^me si^cle avant T^re 
chr^tienne, vers le temps oii le proph^te Daniel 6tait 
le chef des mages de Perse et des sages de Babylone. 
II jonit auxourd'bui encore d'une v^n^ration presque 



ou sBifs oomiim. ISS^t 

reUgieose. Sa famille subsiste encore; c'estla plus, 
illttstre de I'empire. Quant k ses principes sur Tori- 
gine et lea regies dn pouYoir temporel, on les trouve 
dans les Kings ou livres sacr^s dont il a ^t^ ie r^dac- 
tenr , et dans les commentaires qu'en ont fails ses 
innombrables disciples. On y voit un supreme Sei- 
gneur, un Giei souTerainement intelligent, dans le 
cofiur duquel tout est marqu^ distinctement, qui par- 
donne au repentir, qui se laisse fl^chir h ia pri^re, 
qui entend les oris des peuples, qui donne des ordres 
pour d^poser les mauvais rois et leur en substituer 
d'autres. Le tr6ne est la place du Giel. G'est du Giel 
que viennent les neuf regies du gonvernement, Un roi 
doit avec respect avoir soin des peuples, parce que 
tons sont les enfants du Giel. Si I'ordre n'enesi doun^ 
par le Gbang-ti ou Souverain Seigneur, nul royaume 
dans les quatre parties du monde ne pent 6tre d^truit. 
Les lois sont les ordres du Giel. Toutes les fonctions 
publiques sont des commissions. {Des rapports natu- 
reb entre les detac puissances , cb. 2. ) 

D. Platon pense-t-il comme le pbilosophe de la 
Gbine ? 

R. Platon, le plus Eloquent disciple de Socrate, qui 
commen<;a k florir en Grece k la fin du cinqui^me si^cle < 
avant J^sus-Gbrist, Platon a la m^me penste que 
Gonfucius. 

D. Quels sont les principes fondamentaux de son 
traits des lois? 

R. Ge n'est pas un homme, mais Dieu, qui pent, 
fonder une legislation. En consequence, Tordre que 
le legislateur humain doit suivre et qu'il doit pres-- 

17 



i94 CATBCHl&ME 

crire k. toos, c'ett de subordoDoer ks choses hoiiiidBes 
aux choset divines^ et les cboses divines k Fintelli' 
gence souveraine. Jamais bomme n*a fait propremeot 
de lois : c'est la fortune oa les circonstances qui ks 
foot, 00 plut6t Dieu, qui, en gouyeroaot runivers 
total par la D^cessit^ygouverne en particulierleschoftes 
humaines par les circonstances et ia fortune. PricHis 
Dieu, dit-il, pour la constitution de notre citi, afln 
quMI nous ^coute, nous exauee» et vienne k notse 
secours pour dispenser avec nous son gouveroemeBt 
et ses lois. Les monarchies, les aristocraties, les d^ 
mocraties absolues, sont moins des soci^t^s politiques 
que des cohabitations aux m^mes villes. Une partSe 
y domine 1' autre qui est esclave : c'est la partie doim- 
nante qui donne le nom k tout Tensemble. S'il failait 
de I^ prendre un nom, il fallail du moins lui donner le 
nom du Dieu, vrai dominateur do tons les ^tres rai- 
sonnables. (Voir d'autres textes de Pla ton dans les 
Rapports natureh entre les deux puissances, cb» S]« 

D. L'oraleur romain pense-t-il Ik-dessus comme 
Platon et Confucius ? 

R. Dans son traits dela Republique, Gic^ron, chet- 
chant quel est le vrai Souverain et la loi veritable, 
n'en reconnaft point d'autre que Dieu et sa loi. 

« La loi veritable, dit-il 1. 3, n. 16, est la droile 
raison, conforme k la nature, loi r^pandue dans lout 
le genre humain, loi conslante, ^lernelle qui rappel e 
au devoir par ses commandements, qui d^lourne du 
mal par ses defenses, et qvi, soitqn'elled^fende, soil 
qu'elle commande, est toujours ^cout^e des gens de 
bien, et m^prts^e des m^chants. Substiluer k cette loi 
^ne autre loi, est une impi^ti ; il n'est permis d'y 



BU BfiNS GOMMUN. 195 

diroiger en rien, et Ton ne peut I'abroger enti^re- 
mcDt. Nous ne pouvons ^tre d^li^sde cettfe lei ni par 
le 66nat, ni par le peuple. Elle D'a pas besoin d'uo 
autre ioterpr^te qui Teiplique ; il n'y tura point uae 
autre loi k Rome, une autre h Atb^nes, uue autre main- 
temnt, une autre apr^s; mais une m^me loi ^terneile 
et immuable, r^gira tous les peuples dans tons les 
temps : et celui qui a port^, manifesto, promulgu^ 
eette loi, Dieu, sera le seul ministre commun et le 
sonverain monarque de tous ; quiconque refusera de 
lui oh€\r se fuira lui-m^me, et renon^aut h la nature 
humaine, par cela m^me il 8ubii;a de tr^9-grandes 
peines, quand il s'^chapperiit k ce qu'on appelle des 
supplices iei-bas. » 

D. Qu'est-ce que le m^me Gic^ron dit-encore 
aiUeurs? 

B. Examinant au second livre des Lois, la nature 
de cette loi premiere, k laquelle doivent se rapporter 
toutes les autres, il s'exprime ainsi : « Je vois que 
c^^tait le sentiment des sages que la loi n'est point 
une invention de Tesprit de Thomme, ni une ordon- 
nance des peuples, mais quelque chose d'^ternel qui 
rigit tout I'univers, par des commandements et des 
d^enses pleinesde sagesse. G'est pourquoi ils disaient 
que cette loi premiere et derni^re est le jugeroent 
m^medeDieu, quiordonne ou defend selon laraison ; 
el e'est de cette loi que vient celle que les dieux 
ont donn^e k I'homme. » 

D. Qu'est ce que le m^me Gic^ron dittouchant les 
d^^crets que peuvent porter les peuples ? 

B. KGe que d^cr^tent les peuples suivant les temps 
ei Us circonstancesy dit-il au m£me livre, revolt le 



1 9ff GAT&HIglfS 

nom de loi plus de la flalterie quede lar^Iiti, qoailt 
aax d^crets injustes, ils ne m^ritent pas plas ie nom 
de iois que les complots des larrons. » 

D. GooclusioD finale? 

R. Voilk comme ces trois repr^sentaats deran- 
t^ue sagesse, Confucius, Platon, Gic^roD, professeot 
d*iine voix , que Dieu seul est le vrai souverain de» 
hommes ; qu'il n'est point de puissance qui ne vienae 
delui; etque sa raison est la loisoiiveraine et normale 
de toutes les autres ; que ce que les princes, lesjuges, 
les peuples, d^cr^lent de contraire h cette r^le su- 
preme, n'est rien moinsqu'une loi. 



GBAPlTRi; XXU. 



D. Avec ce fond divin et unique, proclam^ par les 
sages de Tantiquit^ , les gouvernements peuvepi-ils' 
avoir des formes diversesT 

R. Oui, avec ce fond divin et le m^rae pour tous, 
chaque gonvernement peut avoir use forme particu- 
li^re. 

D. Quelles sont les principales de ces formea^ 

R. Platon, Aristole et Cic^ron en distinguent trota : 
la royaut^, raristocratie, la d^mocratie, suivant que 
c'est un seul qiti gouverne, on quelques-uns, oo le 
plus grand nombre. 

D. A leurs yeux, laquelle de cefl formes est bofioe' 
et legitime 7 



M %m§ GOMMUII. 197 

1\. 'A leurs yenx, toutes les trois sonf bonnes et)4- 
gilimes, quand elles observent la loi veritable , quand 
elles 86 propoaeot ruttlit^ commune , et non pas Tin- 
t^6t particulier des gouvernants. Lorsque le contraire 
arriTe, elles se corrompent et d^g^o^renttoates trois, 
la royaut^ en tyrannie, Taristocratie en oligarchie, la 
d^mocratie en d^magogie. 

D. Aristote croit-il qoe ces trois formes de gou- 
vernement soient aassi bonnes Tune que I'autre? 

R. De ces trois formes* la royaut^Uii paraissait la 
meilleure, Taristocratie la seconde, la d^mocratie la 
derni^re. Mais aussi la corruption de la royaat^, ou 
la tyrannie,' est k ses yeux ce qu*il y a de pire, et 
eelle de la democratic ce qu*il y a de plus mod^r^. 

D. Aristote pense-t«il qae ces trois formes de goa- 
' ir^mement conviennent ^galement partoat ? 

R. Rien qutd' ces trois formes de gouvernentnt 
soient bonnes et legitimes en elles-m^mes , il Tie faut 
pas croire cependant que toutes conviennent partout. 
II y a des peuples natHrellement royalistes , d'autre* 
naturelleroent aristocratiques, d'autres enfin naturel- 
lement d^mocratiques, suivant que leur caract^re na- 
turel les incline k supporter une de ces formes^plut^t 
que Tautre. Telle est la doctrine d' Aristote. 

D. Qu'est-ce que ce m4me pbilosophe dit de la de- 
generation de la democratic? 

R. La democratic legitime degen^re en demagogie 
lorsque ce qu'il y a de plus bas dans le peuple, ceux 
qui n*ont aucune fortune et encore moins de vertn, 
voyant qu'ils sont plus nombreux, se laissent entral- 
ner par des flatteurs & depouiller et k tyranniser les 
uautres. Gar le peuple aussi est ud monarque, nop pas 



198 CATBCHISMB 

individuel, mais coIIecUf. II cherche doDC aussi k faire 
de la monarcbie, lui ; k r^gner seul, sans loi et eo 
despote. II prend les allures et les moenrs destyrans; 
comme ceux-ci, il a des ilattears qu'on appelle dema- 
gogues ; ces flatteurs grandissent en puissance et ea 
richesses, parce que le peuple dispose de tout el 
qu'eux disposent de Topinion du peuple. 

D. Cic^ron pense-t-il kcet^gard comme Aristote? 

R. D*apr^s Cic^ron, oii la loi di'vine et premiere 
estm^connue, \iol6e, par la tyrannic d*nn, de plu- 
sieurs, ou de la multitude, non-seulemeot la society 
politique y est vicieuse, il n*y a plus m^mede society. 
Gela est encore plus ?rai d'une d^mocratie que de 
tout autre gouf ernement. « Quant k T^tat qui plac^ 
tout entier dans la main de la multitude, dit Lcelius 
h Scipion, il n'en est point auquelje refuse plus nette* 
ment le nom de society politique. Tout-M'heure, il 
ne ooua paraissait pas exister de soci^t^ politique 
dans Agrigente, dans Syracuse et dans Atb^nes, quand 
les tyrans y dominaient, ni h Rome sous les decern* 
virs : je ne vois pas comment le nom de society poli- 
tique ponrrait se placer davantage au milieu du des- 
potisme de la multitude : d'abord, parce que, suivant 
votre heureuse definition, il n'existe point de peuple 
pour moi, 8*il n'est contenu par le lien commun de la 
loi. Hors de Ik, cet assemblage d'bommes est tyran 
aussi bien qu*un seul homme, et m^me tyran d*autant 
plus odieux, qu*il n'est rien de plus terrible que cette 
bete feroce qui prend le nom et la forme de peuple. 
Et lorsque nos lois placent les biens des insens^s 
sous la tutelle de leurs procbes, iln*est pas consequent 
de laisser une ayeugle multitude maltresse de tout 



w SBifs coMMim. 199 

f»re. » Voil& comme s'exprime GiciroD) dans son 
troisi^me livre de la Ripublique, n. 25. 

D. Otttre ces trois formes de goavernement, Pla- 
ton el Gic^ron n'en ont-ils pas imaging une quatri^me? 

R. Oui ; une quatrifeme leur paratt, surtoat k Gic6- 
roD, infiniment pr^Krable, comme r^unissant les avan- 
tages des trois autres, sans leurs dangers : c'est une 
fflonarchie temp^r^ d'arisiocratie et de d^mocr atie. 



D. Quant k TEglise catholique> quelle est la forme 
de son gouvernement 7 

B. C'est pr^cis^ment la forme que Platon et Cici- 
ron trouvent la plus parfaite : Une monarcbie tern* 
p^rde d'aristocratie et de d^mocratie. 

D. Comment cela 7 

R. Sous le monarque ^ternel et invisible, le Gbrist, 
est un monarque visible et mortel, son vicaire, It 
Ripe, qui a re^u de lui la pleine puissance de paltre 
et de r^gir TEglise universelle. Par son canal, d'autres 
princes et pasleurs, appel^s en partage de sa soUici- 
tude, recoivent k pattre et k r^gir des ^glises parti- 
culi^res, non comme ses vicaires ou lieutenants, mais 
comme princes et pasteurs y^ritables. Enfin, ni la 
papaut^, ni F^piscopat ni le simple sacerdoce n'est 
hirMitaire. Tout se recrute dans le ptuple, qui est 
toute rhumanit^ ohritienne. Le dernier peutdevenir 



'200 CATJCRISm 

le premier. Voi]& ce que dit le j^siite et cardinal Be!- 
larmio, dans son trails duPontife romainy i. 1 , c. 3. 

D. Que I'Eglise catbolique soil une mooarcbie ou 
le gouveroement d*un seul chef, ceia se voiMl dans 
TEvangile 7 

R. Oui. Jteus-Cbrist dit h son P^re parlantde tous 
ses disciples : Qu'ib soient un^ eomme nous^mhnes; il 
dit de toutesses brebis : // n'y aura qu'un troupeau et 
qu'un pasteur; il dit au premier de ses ap6tres: Tu 
€s Pierre, et tur ettte pierreje bdtirai mon Eglise, 
et Us partes de VEnfer ne prdvaudront point centre 
elle. Et d toi je dannerai les clefs du royaume des 
eieux^ et tout ce que tu lierassur la terre sera {tV dans 
les cieux, et tout ce que tu dilieras sur la terre sera 
dHii dans les cieux, 11 lui dit enfin, avant de monter 
au ciel : Simon, fils de Jean^ pais mes agneaux^ pais 
mes brebis. 

D. Qa'est-ce que les principaux P^res de TEglise, 
notamment ceux d'Afrique, enseignent k ce sujet? 

R. En Afrique, TertuUien dit dans son Scprpiaque, 
c. 10 : «Le Seigneur adonn^tes clefs k Pierre, etpar 
lui k TEglise. » Saint Optat de Mil^ve, dans son sep- 
ti^me livre contre Pann^nien, n. S : « Saint Pierre a 
re<;u seul les clefs du royaume des cieux pour les 
communiqner aux autres* » Saint Gyprien, dans une 
de ses lettres : « Notre Seigneur, en ^tablissant rbon- 
neur de T^piscopat, dit k Pierre dans TEvangile : Tu 
es Pierre ^ etc. etje te dannerai les clefs du royaume des 
cieux^ etc. G'est de Ik que, par la suite des temps et 
des successions, dteoule Tordination des ^T^^tgues et 
la forme de FEglise. » Saint Augustin* dans son ser- 
mon 206: d^Le Seigneur nous a confix ses brebis. 



DU SENS COMMim. "291 

parce quMl les a codG^s k Pierre. » 

D. Trouve^t-on en Orient, et parmi les grecs, des 
(^moignages semblables ? 

R. Oui : Saint Gr^goire de Nysse, un si grand doc- 
teiir, confesse en presence de toat TOrient la mSme 
doctrine, sans qu'aucune reclamation s'^l^ve : « J^sufr- 
€hrist, dit-il, a donn^ par Pierre aux ^v^ques les 
defsduroyaume celeste. » (t. 3, p. 314, ^dit. Paris). 
Etienne ^v^que de Larisse dit au pape Boniface II : 
« Le Seigneur, en disaot poor la troisi^me fois : 
tTaimeS'tu 7 Pais mes bfebis^ a donn^ cette charge 
h VoQs premi^rement, et ensaite par Vous h toutes les 
^lises r^pandues dans Funivers. » (Labbe. Concil. 
t. &,col. 1692.) 

D. Quelle est la doctrine da Saint-Si^ge k cet ^gard? 

R. Le Saint-Si^ge enseigne parlabouche de saint 
L^n<-le-Grand ( Sermon k siir i'anniversaire de son 
exaltation) , que « tout ce que J^sus-Ghrist a dono^ 
QQx autres ^v^ques, il le leur a donn^ par Pierre. » 
EH eocore, dans fon ^pftre 10 aux^v^quesde la pro^ 
mce de Vienne : « Le Seigneur a voulu que leminis^ 
t^ (de la predication ) appartfnt k tous les ap6tres ; 
mais il Ta n^anmoins principalement coofie au bies- 
heureux Pierre, le premier dcs ap6tres, afin que de 
hii« comme du chef, ses dons se r^pandissent dans 
lout le corps. » 

D. Qtt'est-ce que Bossuet pense de cette expres- 
sion» tnonarchie du Pape7 

R. II approuve et m^me admire le protestant Me* 
lanchton, qui s^eKsert. 

=-.0. Quelles sont les paroles mSmes de Bossuet ? 

.13. 



202 CATicHism 

R. « M^lancbtOD, dit-il, Toulait recoonattre lea 
^v^ques que la succession avail ^tablisi et ne voyait 
quece remade aox maux deTEglise. La mani^redool 
il s'en explique dans une de ses lettres ( R^ponse it 
Beliarmin ) est admirable. « Nos gens demeureni 
« d' accord que la police eccl^siastique, ou on recon- 
(( nait des 6v6ques sup^rieurs de plusieurs ^glises, et 
« r^v^que de Rome sup^rieur k tous les ^v6ques est 
(( permise. II a aussi ^t^ permis aux rois de donner 
« des revenus auxdglises : ainsi il n*y a pointde con- 
a testation sur la superiority da Pape^ et sar Tautorit^ 
« des ^v^ues; el lant lePapequeles^v^uespeuvent 
« ais^ment conserver oette autoril^ ; car il foul Si 
« TEglise des conducteors pour maintenir Fordre, 
(( pour avoir Tceil sur ceux qui sont appel^s au minis- 
« Ifere eccl^siastiqae, et sur la doctrine des pr^tres, 
(( et pour exercer les jugements eccMsiastiques ; de 
« sorte que, s'il a'y avail point de tels 6v6ques, iler 
(( FAUDRAiT FAixiE. La monarchie du Pape servinul 
(( aussibeaucoup k conserver entre plusieurs nations le 
(( coosentemeDtdansladoctrine: ainsi on c'accorderait 
R facilement sur la Sup^aioniTi: du Paps, si on ^tait 
(< d' accord sur tout le reste ; et les rois pourraient 
(( eux-memes facilement mod^rer les entreprises du 
(( pape sur le temporel de leurs royaumes. » Voil^, 
rcprend Bossuet, ce que pensait M^lanchton sur Taa- 
torit6 du Pape el des 6v^ques. Tout le parti en 6tait 
d' accord, quand il 6crivit cette lettre. Nos gens, dit- 
il, demeureni £ accord : bien eloign^ de regarder Tau- 
torit^des^veques, avec la superiority et la monarchie 
du pape, commeune marque de Tempire antichretien, 
il regardait tout cela comme une chose desirable, et 



w SHIS Gomnnf. S03 

qa*il fandndt itablir, rielle neTAtaitpas. » {Hist. de§ 
Variations^ 1. 5. ) 

D. Que cooclure de tout ceci T 

R. Je conclos que les catboliques romains, les 
€athoIif aes qui reconnldflseDt et qui aimeDt la monar- 
chie da Pape ont poor eux et le timoigoage dt Dieu 
el le . t^moignage des hommeSi mftme des homines 
interress^ h lea contredire. 



TROISIEME PARTIE. 



t)e ceux qui ne suivent pas ia rdgle du »en$ 
commun et la foi catholique. 



CHAFimB t. 



Di Nous avofis yti que le sens commun de Fboma* 
' Dit^y que la raisou humaine, ^lev^e par Dieu mftme 
h sa plus haute puissauce, est TEglise catholique r'd 
que les catholiques soot ceux qui, principalemeot, 
pour les v^rit^s religieuses, suivent cette r^gle ainsi 
^v^ et assur^e par Dieu m^me ; mais comment 
appelle-t-on ceux qui ne suivent point cette r^gie 
pour les v^rit^s religieuses 7 

B/ On les appelle h^r^tiques. 

D. Que veut dire le nom d'hiritiques]? 

IL II veut dire des bommes qui chotsissem, 

D. Pourquoi les appelle-t-on de cette mani^re ? 

R. Parce qu'au lieu de prendre en tout pour rfegle 
supreme le sens commun, hi croyanee commune, lis 
' choisissent certains articles selon qu'ils plaisenlida- 
^ vantage k leor sens priv^. 



206 ^CAtBGHISMl 

D. Quel est done leur principe fondamenCal ? 

R. Leur principe fondamental est celui da sophists 
Protagoras, h sayoir : que Thomme est la mesure de 
toutes choses. 

D. Quel jugeaent Aristote a-t-il port6 sur ce prin- 
cipe dans le chapitre sixi^me de sa m^taphysique , 
ayant pour inscription : Ce qui parait d ehucun n'eMt 
ptu certain pour eela ? 

R. Aristote dit : Ce que $out tent Protagoras^ d sa- 
vinr que Vhomme est la mesure de toutes choses^ re- 
vient 4 ce que disent d'autres sophistes que la mSme 
chase peut d la fois itre et n'itre pas. En effet e'est 
dire, Ce qui paratt d chaeun est certain, Cela itant, 
il arrivera que la mime chose esty et en mhne temip$ 
n'est pas : qu'elle est en mime temps mauvaise et 
hanncp et ainsi de beaucoup d*autres contradictions^ 
attenduque telle chose paraitrm banned ceux-eiet 
mauvaise d ceux-ldy et que lajmesure pour chactm 
tera ce qui lui parait, 

D. Quel jugement Aristote porte-t-il *sur celui qai 
croiraic s^rieusement un pareil principe ? 

R. Voici ses propres termes : Vouloir donner ta 
mime criance aux opinions et aux imaginations de 
gens qui se contredisent, c'est le fait d'un sot. 

D. Si tout le monde adoptait le principe deTh^risie 
on de Protagoras et le mettait en s^rieusement en pra« 
tigue,quel en serait le r^sultatt 

R. Le r^sultat inevitable serait la ruine de tout 
otdre, de toute morale, de toute justice, de toute so* 
c\&j^y de toute raison et m^me de toute langue humaiue. 

D. Pourquoi cela ? 

R. Ghaque individu ^tant one fois reconnu pour k 



Du 8B1I8 comnm. 207 

rfcgle 8upr&ne de toutes cboses, il est clair qu'il y aura 
da moiDS en droit et en principe, autaot de morales, 
de justices, de soci6t6s, que d'individus, c'est-k-dire 
qu'il n'y en aura plus -.car morale, justice, soei6t6,8up- 
posen^cessairement une loi commuue k tout le monde. 

D. Quelles sont les priocipales h^r^sies de nos jours ? 

R. Les priocipales h^r^sies de nos jours, sent : le 
mabom^lisme en Orient,| le[[protestantisme en Occi- 
dent, avec son enfant nature!, le philosopbiime. 



GHJLFITRS II. 



D. Qu*e8t-ce au fond que le mahom^tisme ? 

R. Le mabom^tisme est au fond le r^sum^ despiln* 
cipales b^r^sies grecque&, pr^cb^ et maintena [par le 
tabre. 

D. Quelle est la prineipale b^r^sie des Grecs 7 

R. La prineipale h^r^sie des Grecs a ^t^ Tarianisme 
qui niait la dhinit^ du Glirist, et k plus forte raison la 
divinity de sa religion et de son Eglise. Le Christ 
D'^tant plus Dieu, sa religion, sen Eglise n'est plus 
divine : ce n'est plus qa'une institution bumaine, que 
le gouvernement temporel peut et doit r^glemenler, 
cozDDie il r^glemeote la corporation des frippiers ou 
des cocbers du cirque. De 1^ cette antipatbie incurable 
de3 Grecs pour le ch6f divinement institu^ de TEglise, 
le pontile ro::3dn, et cette tendance servilek soumettre 
leur foi etjenr Eglise aux empereurs ou plut6t aux 



208 CAT^CHISUK 

eunuquefl du Bas-Empire. Pour leg pumr,! Dieu les'^a 
exauc^s. N*ayant pas vonia yirre sous Tautorit^ 
paternelle du pasteur supreme que le Ghrist-Dieu 
8 institu^ dans son Eglise, ils sont courMs, ici, 
sous le cimeterre du sultan de Stamboul, qui nie ladivi- 
nit^ du Christ, ailleurs sous le knout du sultan de Mos- 
ecu, qui nie la divinity derSglisechr^tienne. 

D. Comment le Mahom^tisme a-t-il r^sumi cette 
b^r^sieprineipale des Grecs? 

R. Voici comment. Lea 6v^queaarienste disaient: 
Le Christ n'^tant pas Dieu, sa religion ou son Eglise 
o^est qu*une institution humaine, commetantd'autres, 
qui pent tomber si les homnies ne4a soutiennent : il 
Taut done la soutenir par tons les moyens possibles, 
o'importe de quelle nature ils soient, ruses, mea- 
ionges, flatteries, violences, persecutions. Les eunuques 
et les courtisans du palais de Byzance se disaient : La 
religion et FEglise chr^tiennes n'^tant pas une chose 
divine, mais purement humaine, c'est h la puissance 
humaine k Tadministrer, comme elle administre les con* 
fr^ries des bouchers, des frippiers, etc. Julien TApos- 
tat se disait : Le Christ n'^tant pas Dieu, quoiquMl se 
fioit donn6 pour tel, au lieu d'etre la voie, la verite,et 
la vie, il &st tout le contraire. II est done juste et utile 
de d^truire son oeuvre et son nom. If ahomet se dit i 
son tour : Le Christ n'^tant pas Dieu, c'est une impi(gt6 
de Fadorer comme tel. C*est done une oeuvre agr^ie 
h Dieu de punir et d'exterminer les Chretiens qui com- 
mettent ce crime. Je puis done, comme4es ariens, y 
employer tons les moyens, n'importe de quelle nature 
ils soient. 

.B. De tons ces raisonnements, quel «st celui qui 



DU S£IfS COIOIDH. 209 

Youfl^ paratt le plus complet et le plus juste T 

R. G'est celuide Mahomet. 

R. Gominent cela? 

R. Les ariens disaient : Le Christ n*est pas Dieu, le 
Saint-Esprit I'est encore moins : cependant il faut, du 
moinsoDpeut,adorercommeDieu Tunetrautre. G'^talt 
non-seulement mal raisonner, mais, sous le mm de 
christianisme, ramener le polytb^isme et Tidol^trie. 
En partant de leur faux priocipe, que le Christ n'^tait 
pas Dieu, Mahomet seul raisonnait bien. Les catholiques 
seuls peuvent r^sister k Mahomet, parce quMls sou- 
tiennent la v^rit6 tout enti^re, et la divinity du Christ, 
et la divinity de sa religion et de son Eglise. 



GHAPITBE in. 



D. Oti est contenue la doctrine de Mahomet ? 

R. Dans nn livre connu sous le nom d' Alcoran. 

D. Qu*est-ceau fond que ce livre? 

R. C'€st unerapsodie fastidieuse en prose rim^equll 
est impossible h un h(nnme sens^'de lire d'un bout k 
Tautre. Tout y est d^cousu, sans suite, sans liaison, 
pleiode redites et delieux communs: c'est un chaos, 
ob se trouvent p^ie-m^Ie des histoires plus ou moins 
alt^r^sderAneien et do Nouveau Testament, desfables 
deLocman, TEsope de Tlnde, des contes arabes, des 
febles talmudiques, des contradictions manifestes, des 
ignorances grossiires : comme quand il confond la 



2iO GATEGHISMB 

vierge Marie avec Marie, fille d*Amram et soeur d' Aaron 
( Chap. 19 } : il fkit d*Amram un ministre de Pharaon, 
qui lui ordoone de b&tir une tour si haute, que dusom- 
met il puisse atteindre jusqu'au Dieu de Molse et le tuer 
k coups de filches ( Chap. 28 et /(O ). 

D. Qu'est-ce que dit Mahomet sur i'origine de »oq 
lirre t 

R. II dit qo'il lui fut apport^ du ciel dans des visions 
nocturnes, d'abord tout entier, ensuite chapitre par 
chapiire, par un ange qu'il nomme Gabriel. 

D. Mahomet a*t4l produit quelque t^moin deson dire? 

B. 11 n*en a produit aucun. 

D. Quelle reflexion saint Jean Damasctoe faisait*il 
iii-dessus aux mahom^tans ? 

R. Comment^ leur disait^il entr'autres, votre pro* 
phkte lui-rnhne vous difend de (aire sans titnoin quoi 
que ce soit^ fiit-ee de vendre ou d'acheter un dne : et 
votre Alcoran^ vous le recevez de votre prophkte en'- 
dormi, sans timoin aucun ( Opera. S. J. Damasc. 
f. 1, p. H0-113,^itf. Lequien)! 

D. Qu'est-ce que Mahomet dit de J^sus-Ghrist? 

R. Mahomet dit que J^sus^Ghrist est le Verbe de 
Dieu, le Messie, qu'il est n6 de la vierge Marie sans 
Top^ration d'aucun homme, et qu*il a fait, ainsi que 
Mo'ise, un grand nombre de miracles pour prouver sa 
mission. 

D. Et de lui-m6me, qu'e«t-ce que dit Mahomet ; 

R. Mahomet se donnelui-m^mepourun propb^te 
plus grand que Molse et que J^sus-Ghrist. II ditqu'il est 
venu donnerla perfection kla r^v^lationde J^uB*Ghrist, 
comme J^sus-Gbrist ^tait venu la donner h ceUe de 
Moise. 



PU SINS COMMUN. 211 

D. Bf ais Hoise avait annonc^ d'avance qae le Christ 
viendrait perfectiooner la loi par TEvaogile : les 
mafaom^taDS peuvent-ils mootrer que le Christ avait 
annoDc6 dsm^me que Mahomet viendrait perfectionner 
i'Evangile par TAIcoran ? 

B. lis nepeuvent le d^montrer, par la raison, disent- 
ils, que lesiuifs et les Chretiens ont efface de leurs livres 
les predictions qui annon^aient cela de Mahomet. 

D. Que pensex-TOus de cette r^ponse? 

R. Je dif que c'est \k une'plaisante argumentation. 
Cest celle d'un plaideurquiactiooneraitunhommeen 
justice, pour lui faire payer mille francs envertu d'un 
billet oil il n'en est pas question, et qui raisonnerait 
ainsi : cet homme est moo d^biteur et en m^me temps 
lin faussaire. 11 est mon d^biteur : car c*6tait ^crit sur 
le billet : il est un faussaire ; carU a efTtc^ ce qui ^tait 
^crit, et la preuve que cela ^tait ^crit et qu*il Fa efface, 
c'est que celan'y est plus. Tel est le raisonnement de 
Mahomet et des mahom^tans. 



GHAFITR8 IV. 



D. Moise et J^sus-Christ, de raven m^me de Maho- 
met, ont fait degrandsmiraclespourprouverleurmis- 
sion : Mahomet qui s'^l^ve au-dessus de Tun et de Fautre 
a^donc di\ en faire de bien plus grands ? 

R. 11 n'en a fait aucun. 

D. Est-ce qu on ne lui en faisait pas Tobservation de 



"2 is CAtkHISMl 

son vivant : 

R. On lui en faisait robservalion plus qu'il ne vou- 
lait. 

D. £t que r^pondait Mahomet ? 

, R. Pour toute r6ponse, il ne cesse de rappeler dans 
son Alcoran, les miracles que MoiseetJ^sus-Christ out 
fails pour prouver leur mission ; etil voudrait en con- 
clure sophistiquement que, puisque malgr6 tanl de mi- 
racles on a eu de la peine i les croire, on devait Ten 
croire, lui, sans qu'il en fit aucun. 

D. En ceci,kquoi Mahomet est-i) serablable? 

R. En ceci, Mahomet raisonne comme un pr^tendu 
ambassadeur qui, somm^ d'exhiber ses letlres de 
cr^ance, dirait au roi : Mais lesambsissadeursquim'oat 
pr6c^d6 et dontjeviensrefairerouvrage,vousontpr6- 
*«ent^ desleltres trfes-aulbentiques, elencoreavez-vous 
ea dc la peine it les admellre ; done vous devez m'ad- 
metlre sur parole et sans que je vous pr^sente aucune 
lettre quelconque. 

D. Mahomtt s*est*il toujours born^ k cette r^ponse ? 

R. Quelquefois, en d^sespoir de cause, Mahomet 
pr^sente comme te miracle des miracles son Alcoran 
m^me ; et pour le prouver, il d^fie tous les Mecquois, 
avec leurs idoles, de composer un cbapitre de ce style 
{Chap. 2).:D6fi pu^ril, digne d*un ^colier qui se croit 
un prodige parce qu'il connait depuis bier les premiers 
^l^ments des lettres ; d^fi peut-6tre redoutable pour 
les habitants dela Mecque, qui ne connaissaient d'alpha- 
bet que depuis trfes-peu, et parmi lesquels il n'y avail 
encore qu'un seul homme qui siit ^crire. Mais en v^rit^ 
si onle compare aux ^crivains classiques des Gracsel 
; des Romains, T Alcoran, ce miracle litt^raire des Arabes, 



w sms coiocuR. 215 

finest qa*un inepte fatras, excilantla risie et le d^goAt. 

D. Mabomet ne parle-t-il pas d'un autre prodige? 

R. Au ohapitre 54 de TAIcorao, il parle du prodige 
de la Ine fendue en deux. 

D. Comment les docteurs mahom^tans raeontenMb 
cette bistoire 7 

R. Somm^ publiquement, pour prouver sa misiion, 
de couvrir le ciel de t^uibres, de faire paraitre la lune 
dans son plein et de la forcer iidescendresur la Caaba* 
le temple de la Hecque, Mahomet accepta la proposi- 
tion. Le soleil ^tait au plus baut de son cours, aucun 
nuage n'interceptait ses rayons. Mahomet commande 
anx t^n^bres, et elles voilentla facedescieux. II com- 
mande h la luneet elleparattaa firmament. Ellequitts 
sa route aecoutum^e, et, bondissant dans les airs, elle 
va se reposer sur le folte de la Caaba. '^EUe en fait sept 
fois le tour, et vient se placer sur la montagned'Abur 
Gobais, oil elle prononce un discours h la louange de 
Mabomet. Elle fait bien plus : elie entre par la manche 
dtoite de son manteau et sort par la gauche ; puis pre- 
nant son essor dans les airs, elle se partage en deux. 
L^une des moiti^s vole vers Torient, Tautre vers Tocei*- 
dent ; elles se r^unissent dans les cieux, et Fastre con- 
tinne d'^clairer la terre. Tel est le commentaire que 
nous font de ce chapitre de TAlcoran les docteurs du 
mahom^tisme. 
D. Que remarquez-vous Ik-dessus 7 
R. N'est«ce point ici Taccomplissement de ce que 
S. Paul disait: /I yatira un temps oii ils ditoumtronx 
Uurs oreilles de la vMti, ets'appliquerontd des fables 
(2 Tim. k» A)* Ces fables, amplifi^es par rimagination 
romanesque des Arabes, aurontpeut-^treeupourJoor 



214 CATBCRISMI 

dement quelqu'un de ces faux prodiges on prestiges, 
que le m^meS. Paul a dit que feraitrAnt^christ&son 
av^oemeot, pour s^duire ceux qui p^rissent, parce 
qu'ils n'ont pas aim^ la v^rit^ (2, Thess. 2,9). 



CBAPXTRB V. 



D« Quelle id6eMahomet>-t-il de Dieu? 

B. En g^n^ral, Mahomet a de Dieu une id^e basse 
et grossi^re. 

D. DoDoez>en un exemple. 

B» Les Chretiens croient d'apr^s les divines Eeri- 
tiires, que Dieu engendre ^ternellement de sa propie 
substance, son Verbe, son Fils unique, commelala* 
ipi^re engendre ou produit naturellement ses rayons, 
comme rintelligcnce produit la^ens^e ; et que c'est 
\k son premier-n^que sesangesdoivent adorer. Maho- 
laetj plough dans la chair comme la brute, crie& Tim* 
fit^, disant que si Dieu avait un fils, il aurait aussi 
npie femme. En quoi Mahomet reste bien au'-dessaus 
des sages paiens, Platon et Socrate, qui entrevoyaieDt 
en Dieu une g^n^ratioi) spirituelle duLogosoudu Verbe. 

D. Sur ce point Mahomet est*il bien d*accord avec 
lui-m^me? 

B. Non; car il reconnaftJ^sus-Christ pour le Verbe 
et I'esprit de Dieu, pour le Messie ; il reconnait qa'jl 
a fait des miracles, ressuscit^ des morts. II reeonnatt 
la divinit6 deTAncien et du Nouveau Testament. Mais 
d'apr^s I'Aneien Testament, le Messie doit 6tre Dieu et 



INT SDis comnnr. 2f5 

Fils de Dieii,etle NonveaQ Testament a poor but dele 
faire Yoir. Dira-I*fl que les Joifs ont corrompu ieurs 
livresT mais les Jaifs les auraieDt-ils conrompus en 
favear des Chretiens, lenrs ennemis? 

D. Y a-t-il quelque chose de plus 7 

R. II y a quelque chose de plus. Mahomet reconnalt 
que, par la volont^ de Dieu, la vier^e Marie, con^ue 
elle-m£me sans p^h6, acon^u etenfant6 J^sus-Chriat 
d'unemani^reimmacul^et sans cesser d'etre vierge 
{Chap. 3 e/ 19). Mais si, par la vertu de Dieu, Marie 
a pu engendrer un fils sans rinlerrention d*aucop 
homme, k plus forte raison Dieu m^me a-t-il pu engen- 
drer un fils sans Tintervention d*aucune femme. 

D. Qu'est*ce que Mahomet dit encore d'inconvii* 
TifLnl sur Dieu? 

R. U pretend que les Juifs n'ont ni tu6 ni crucifi/i 
J§8us-Gbri8t, mais rund'entreeuxquiluiressemblait, 
et que Dieu lui substitua adroitement pour les tromper. 
Hais faire de Dieu un trompeur, c'est se convaincre 
SDi-m^me d'impi^t^ et d'imposture. 

D. Avez-Tous encore quelque chose k ajouter t 

R. Mahomet dit et r^p^te que, dans Torigine de la 
creation, Dieu ordonna aux angesd' adorer Adam , que 
les bons anges Tador^rent en effet , mais qu'Eblis on 
Satan s'y refusa. Ge qui, k prendre les choses h la 
rtgueur, voudraitdire que Dieu etses anges soot coii- 
pables d^idolcLtrie , et que Satan seul en est exempt. 
On peut croire que Mahomet n'avait pasuneid^ebiAn 
claire de ee qu'il disait. Hais il est un reproehe l>eau- 
coup plus grave k lui faire. 

D. Quel est ce reproehe? 

R. Mahomet attribue k Dieu les mauvaises actions 



L 



216 CATICfllSMS 

4e3 hommes, noo moinsque les bonnes ; en sorte qu'il 
punit dans les m^cbaots, les crimes qu'il a^*op<r(islai- 
m^me en eux. A ceux qui se r^criaient contre ce 
blaspheme, Mahomet disait pour touter(^.ponse: C'est 
un mystkre^ c'est un secrei, Oul, le myst^rede Satan, 
Tauteur de tout mal , qui veut faire retomber tous les 
crimes sur Dieu m^me, Tauteur de tout bien. 

D. Mahomet s'est-il fait & lui m^me rappIicaUon 
d!ane pareille doctrine? 

B. Oni 6tant devenu amoureux de la femme de ion 
fils adoptif, il T^pousa avec une solennit^ extraordi* 
naire. Quelques-uns murmuraient d'un pareii inceste: 
aussitot Mahomet fait descendre du ciel tin chapilre de 
TAlcoran {Chap^. 33), ouDieu lui fait un reproche 
d'aroir cach^, par respect humain, la passion qu'fl 
avait pour la femme de son fils, tandis que le ciel lui- 
m^me en ^tait Tauleur. 



GBJLPITBS V2. 



D. Quelle id^e Mahomet se fait-il et donoe-t-II aux 
fieus, dnparadis ou dela soaveraine beatitude? 

B. Voici le tableau que Mahomet loi^m^meleuren 
fait dans plusieurs chapitres de son Alcoran (1). Ceux 
qui se font tuer pour ma cause seront introduits dans 
des jardins de delices, oil coulent des fleuves d'une 

(1) Chap. 18, lii, 1x1, 55, 78, avec les ceeimeatalfes de 
la Sonna et de&docteurs musulmans. 



DU SZKS GOIIMUIC. 2l7 

eau incorrnptible : Aes fleuves d*uo lait inalterable ; 
des fieaves dumiel le plus pur; des fleuves d'un 
vio qui flatte agr^ablemeot le gosier. lis y reposerout 
sur des lits de roses, broch^s d*or. lis auroDtlt leur 
disposifion des fruits magniGques, des viaodes, des 
oiseaux. Se l^vent-ils de table? lis expirent, comme 
an parfum, ce qu'ils out mang^, et peuvent se re- 
mettre k un nouveau festiu avec plus d'app^tit que 
devant. lis y auront cbacuD pour compagnes quatre- 
vingt'dix houris aux grands yeux noirs, belles comme 
des nibis et des perles, fraiches comme la ros^e du 
matin. Elles seront leurs Spouses, et ne cesseront pas 
d'etre fiUes. C'est*M-dire que le paradis de Mahomet 
n'est qu'un lieu de d^bauche mont^ sur un luxe orien- 
talyCtquiconsistedansIes sales volupt^sdu iibertinage, 
exemptes des devoirs de la paternity : ce qui est quel- 
que chose au-dessous de la brute. Yoilk ce que Mahomel 
fait jurer k son Dieu par TAIcoran, de donner k ses 
dlus ! A ce trait, comment ne pas reconnaltre Toeuvre 
de ces esprits immondes, qui demandaient au Christ 
la permission d'entrer dans des pourceaux? 
D. Apr^s cela,^uelle est la morale de Mahomet? 
B. Comme le paradis m6me de Mahomet n'est au 
fond qu'un lieu de d^bauche, le chemin quiy m^ne, 
ou la morale propre de Mahomet ne pent qu'^tre 
immorale. 
D. Doztnez-en un exemple. 
B. Le cbristiaoisme avait r^habilit^ et afTranchi la 
femme; c'est^&«dire la moiti^ du genre humain, en 
ramenant Funit^ et Tindissolubilit^ primitive du 
manage ; il avait triomph^ des obstacles parmi les 
nations orientales, comme parmi les autres : partout 

19 



218 GATECDISMB 

la femme cessait d'etre Tesclave et la vietime de 
rhomme, pour devenir sa corapagoe unique et inse- 
parable par le mariage, ou bien quelque chose ao^ 
dessus de Thomme meme, par le c^libat religieux. 
Mahomet, en ramenant la polygamie et ledi\orce, 
d^gfade et asservitla ferame, c'est-^-dire la moiti^ do 
genre humain ; el il la.'d^grade mdme au-dessous de ce 
qu'elle ^tait sous le pagaDisme de la Gr^ee et de Rome. 
Pour Mahomet, la femme n*est plus la compagoe 
unique et inseparable que Dieu meme donne k Thomme; 
ce n'est plus cet autre luL-m^me, avec lequel il se voit 
identifi^ et revivre dans ses enfants ; ce n'est plus 
qu'un instrument temporaire de brutaies volupt6s, ce 
n*estplus qu'un esclave, une vietime, et en ce mbnde 
et en I'autre. Gar si Mahomet introduit des femmes 
dans son paradis, ce nesont pas des meres de famille, 
mais des courtisanes ; ce n'est pas pour qu'elles y soient 
enfin libres e t beureuses,mais pour qu'ellesservent 6ler- 
nellementetpar troupeaux&rinsatiable convoitised'ao 

homme. 
D. Et avec cela Mahomet pr^lendait reformer le 

christianisme ? 

R. Et avec cela Mahomet se vantait de reformer le 
christianisme et de le ramener ci la perfection primi- 
tive d'Abraham, de No6 et d'Adam ! 

D. Que peut-on observer h cet 6gard ? 

R. On peutr^pondre^Mahometetauxraahom^tans: 
Mais dans Torigine des choses, lorsque Dieu cr^a 
Thomme innocent, pour etre heureux en ce monde et 
en TaulV^, ilne lui cr6a qu'une ^ule femme, etajouta 
queles deux seraientune m^me chair. Done, d'apr^s 
Dieu m^me, il est non-seulement plus parfait, mais 
encore plus heureux pour Fhomme, m6me en ce moode 



Dn SENS GOMMUN. 219 

de n' avoir qu'une seule femme, qued'en avoir plusieurs. 

D. Dans le fond, kquoi pensait Mahomet? 

R. A vrai dire, Mahomet ne pensait gu^re h la per- 
fectioD. Prenantsesproprespassions pour la r^gledes 
moeurs, il voulut asservir les femmes k la luxure de 
quelques riches, et les peuples au glaive de quelques 
ambitieux. Telse montre le mahom^tisme dans This- 
toirehumaine. Etpourgarderces Iroupeauxde femmes, 
il faudra mutiler des troupeaux d'hommes, et les forcer 
pour ainsi par le couteau ii un c^libat ignominieux. 



CHAPITR3B VZI. 



D. Nous avonsvu de quelle mani^rc Mahomet a r6- 
form6 le chrislianisme, sous le rapport de la saintet^ 
conjugale: Faurait-il r^form^ de m6me sousle rapport 
dela charity etde la douceur envers le prochain? 

R. On le voit par sa conduile, quand il se trouvaun 
peu en force h M^dine, il commenca k faire la guerre 
k sa patrie et h sa tribu. Tel qu*un chef de R^douins, 
il sarprenait etd^troussait les caravanesde Gorai'chites, 
ses compatrioles. Le llx mars 626, k la t6te de trois 
cent treize hommes, il ei> attaqua une en personne 
dansun lieu nomra6 BMre. Ileut Tavanlage, pillaune 
partie de la caravane, tandis que Fautre se retira en bon 
ordre k la Mecque. 
' D. Quel usage Mahomet fit-il de ce petit succfes? 

R. Ce coup-de-main est c^lebre dans TAlcoran 
comme une victoire incomparable reraport^e par 



220 CATiCHISHU 

le secours de€abriel et d'uo millierd'anges. Mahomet 
fit Jeter dans un poits les cadavres des ennemis. Parmi 
les prisoDoiers, il fit couper la t^te k deux , parce que 
pr^c^demment ils avaient trait6 ses revelations de 
contes de vieilles. G'est ainsi qu*il r^futait ses adver- 
saires. 

D. Est^ce la seule fois qu'il les r^futa de cctte 
faQon ? 

R. Ge ne fut pas la seule fois. II fit assassiner un 
poetede Medine, nomme Gaab, parce qu'il oeleme* 
nageait pas dans ses vers: il fit assassiner Sofian, chef 
de tribu, parce qu*il faisait des pr^pardtifs de defense, 
et, en temoignage de satisfaction, il donna sa canne k 
I'assassin; il fit egalement assassiner le juif Salam ; il 
envoya assassiner Abou Sofian general des Gora!* 
chites. 

D. De quelle mani^re Mahomet se montra-t-il envers 
la tribu des Goreidites, qui venait de se soumettre? 

R. Les Goreidites assieges dans leur forteresse, se 
rendirent h discretion, promirent tons d'embrasser le 
mahometisme, d* observer tous les pr^ceptes de F Alco- 
ran ; ils demanderent seulement la vie. Mahomet fait 
creuser des fosses larges et profondes, fait descendre 
les vaincus dix k dix dans cei fosses, oti des bourreaux 
leur coupent la tete; et Mahomet contemple ce mas- 
sacre d*un bout ^ Tautre avec un visage iinpassible. Et 
k chacune de ees atrocites, il fait descendre du eiel un 
chapitre de T Alcoran, pour les justifier par ordre de son 
dieu. On voit ici cet autre caractfere de Tesprit de t6- 
n^bres: II fut homicide dds le commencement {Joan. 8, 

kk). 
JX Ce caraet^ne se voit-il encore ailleurs? 



DU SENS COMMim. 221 

B. Ge caract^re de sang et de meurtre se r^vMe el 
dans rAIcoraD,et dansla Sonnaou tradition mahom^ 
tane, 6t dans toute Tbistoire dunahom^tisme. Partont 
c*est une guerre implacable centre les infiddes, c'esl- 
^-dire centre tons ceux qui ne croiront point k laparole 
de Mahomet. II m'a ii^ ordonnd , dit^-il dans la Sonna, 
4e tuer tons les bommes, jusqu'ii ce qu'ils confessent qu'il 
n'y a de Dieu que Dien et que Mabomet est son pro- 
ph^te. 8'ils le font , abstenez-vous du meurtre et da 
pillage, h moins qu'on ne fasse le contraire pour le 
salut de Tlslamisme. Yous deyez attaquer les villes et 
les maisonsdes peuples, jusqu'^ ce qu'ils prient comme 
Us doivent prier. La veritable cl^ du paradis c'est le 
glaive. Et afin qu'aucun tr^iit^ de paix ne les^ari^te, il 
fit descendre du ciel un cbapitre de TAlcoran, ou il est 
dit: Dieu 90us apermis deddiervos serments (1). 



GHAPITRS VIZX. 



D. Qu'est-ce que le protestantisme ? 
' B. De m^meque sous le nom de cbaos, on entend 
une multitude confuse d*6I^ments divers , de m6me 
. sous le nom de protestantisme on comprend une mul* 
titude de sectes diverses : telles que lutb^riens, ealvi- 
nistes, zuingUens, anabaptistes , hernbuters, sweden- 
borgistes, pi^tistes, momiers, m^thodistes, anglicans, 

(i; Chap. 66. 8, 9^ 22. Vies de Maliomet par Savari, 
JCerZy etc 20 



. I 



22S CATECniSME 

quakers ou trembleurs, wesleyens, sauteurs, baptisles 
ou plongeurs, sociniens, unitaires, latitudinaires, 6pis- 
copaux, presbytdriens, et une infinite d'autres, quise 
multiplient encore de jour en jour. 

D. Qu'esl ce que cesdifT^ rents secies onl de commun 
entreelles? 

R. Elles ont de commun entre elles de ne pbint 
reconnaltre en matifere de religion laregledubon sens, 
le sentiment commun, mais la r^glddusophiste Prota- 
goras; savoir, que chaque homme est la mesure de 
toute chose: en un mot, elles ontdecommun entreelles, 
de n'6tre point catholiques, mais h^r^liques, et de pro- 
tester coutre TEglise universelIe,d'oi!ilenom commun 
deprolestantset de proteslantisme. 

D. Sous lenom de protestants etdeprotestanlisme, 
ne pourrait-on pas ranger Ics mahom^tans, aussi bien 
que les luth^rlens etlescalvinisles? 

R. On le pourrait. 

D. L'auteur du luth^ranisme a-V-il ^t6 un plus saint 
homme que Tauteurdu mahomdtisme? 

R. 11 n'y parait gu^re. 

D. Qui 6lait Luther? 

R. Luther futun moineapostatquis^duisit et ^pousa 
une religieuse. 

D. Le langage de Luther est-il plus ^diOant que ce- 
luide Mahomet? 

R. Le langago de Luther est si pea honn^le, que 
jamais homme quise respecteouqui respecteles autres, 
n'en tiendra de pareil. 

D. Pour prouver sa mission, Xuther a-t-il fail 
plus de miracles que Mahomet! 

^R. II b'eo a pas fait davantage : i moins qu'on n& 



DU SENS COMMUN. 225 

'Veuille regarder comme des miracles de Lulher, les 
moines et les nonnes qui sautaient les murs de lent 
clollre etjetaient le froc, pour se marier ; les princes 
et les seigneurs qui volaient les bieos des 6glises et 
des monast^res ; les hommes et les femmes qui, au 
lieu de faire penitence par Tabstinence et le jeune, 
menaient une vie d'6picuriens. 

D. De quel mattre Lulher apprit-il certains points 
capilaux de sa doctrine? 

R. Luther lui-m^me nous apprend que ce fut da 
diable. 

D. Peut-on dire qu'en ceci Lulher fut au dessus ou 
au dessous de Mahomet ? 

R. Comme Tange de t^n^bres, ainsi que le dit saint 
Paul, se transforme en ange de lumifere, on pent 
cmre que le soi-disant ange Gabriel de Mahomet 6lait 
de la meme couleur que celui de Lulher : et qu' ainsi, 
sons ce rapport, la parlie est ^gale, 

D. Sur Dieu, Lulher enseigne-t-il la mtoe chose 
que Mahomet ? 

R. Comme Mahomet, Luther et Calvin font Dieu 
auteur du p6ch6, et enseignent qu'il punit les hommes 
des crimes que lui-mtoe a op^r^sen eux: ainsi Tim- 
pi^t6 est ^gale de part et d*aulre. 

D. N'y aurait-il aucune difference? 

R. Luther s'est emport6 jusqu'i dire que les bonnes 
teuvres monies sont aulant de p^ch^s : Mahomet n'est 
pas alie si loin. 

D. Touchant la saintet^ da mariage, Luther et Ma- 
homet on t-ils une doctrine diff^rente? 

R. Comme Mahomet et, h sou exemple, Lulher a 
hmen(5 le divorce et la pojygamie successive; enscfrte 



224 CATECHISMS 

qae pour leg protestants, comme pour les mahom^tans, 
le mariage n'est plus cette union indissoluble que le 
Grdateur ^tablit entre Adam et Eve, et quele Sauveur 
a contract^e avec son Eglise : mais tin bail k terme, 
comme il en pent exister entre le concubinaire el la 
concubine. 

D. Lutber s'en est-il tenu Ikl 

B. Non» apr^s avoir ramen^ parmi les siens la poIy< 
gamie successive, il a ramen^ aussi, comme Mahomet, 
la polygamic simulfon^e, en permettant au landgrave 
Philippe 4e Hesse, d'avoir it la fois deux femmes. 



D. N'y a-t-il pas une grande diflKrence enlre le 
mahom^tlsme et le protestantisme, en ceque lemaho* 
m^tisme nie la divinity du Christ et que le protestan- 
tisme ne la nie pas 7 

B. Le protestantisme ne nie pas adcessairement la 
divinity du Christ, mais il ne la professe pas non plus 
n^cessairement : un protestant peut y croire ou n'y 
croire pas, il n'en sera pas moins protestant aux yeux 
de toutes les sectesprotestantes : t^moin les sociniens, 
les unitaires, les pasteurs de Geneve, qui nient et 
combattent m^me la divinity du Christ, et n'en sent 
pas moins regard^s de tout le monde comme de boos 
protestants. 

D. Ce que vous dites des pasteurs de Geneve est-il 
bien certain ? 

R* Bien n'estplus certain: car, en 1817^ les pas- 



BU SBSfS GOMMUIf. 225 

teurs de Geneve ont d^fendu, sous peine d'interdit« 
de prteher la divinity de J^sns-Ghrist. 

D. Mais alors, aux yeux des unitaires, des sociniens 
et des pasteursde Geneve, lamuititadedesprotestants 
est idol&tre, adorant comme Dieu un personnage qui, 
suivant eux, n'est pas Dieu ? 

R. La consequence me paratt juste. 

D. Et avec cela les uns et les autres se regardent 
encore comme protestants? 

R. Et avec cela les uns et les autres se regardenl 
muiuellement comme de parfaits protestants. 

D. Ainsi done, pour le proCestantisme, c'est une 
cbose iadiffi^rente que le Christ soit Dieu ou non, 
qu'on Tadore ou qu'on ne Tadore pas? 

R. G*est une oooclusion qui sort naturellement des 
iatts. 

D. Le protestantisme n'ezclut done pas m^me I'ido - 
l&lrie? 

R. II n'y paridt pas. 

D. Lesquels des protestants ou des mahcHB^tans 
vous temblent raisonner plus juste? 

R. Ge sont, sans contredit, les mahom^tans. Le 
Christ o*etant pas Dieu, disent-iis, c'est un crime 
envers le Dieu veritable, de Tadorer. Les pasteurs de 
Geneve disent au contraire : quoiquele Christ neioit 
pas Dieu, on peut cependant, on doit m^me le laisser 
adorer comme Dieu k la multitude. 
. D. Y a-t-il une erreur on un crime qu'on ne puisse 
pas justifier avec le principe fondamental du [protes- 
tantisme ? 

R. Non, il n*y a point d'erreur ni de crime qu'on 
m puisse justifier avec le principe fondamental du 



226 CATECHISMB 

proteslanlisrac ; car ce principe fondamenlal consiste 
finalpment k dire: chacuo croit corame il veul. et 
agit comme il croil. 



GHAFITIUB S. 



D. Qa'est-ce qae le philosophisme? 

R. Le protestaDtisme, moins la Bible, voiik la phi- 
losophie moderne ou le philosopbisme. Ge qui est 
vrai de I'un est vr&i de Tautre, avecou sans la Bible, 
ohaque indiyidu estsouverain juge dece qui est vrai, 
de ce qni eit juste, de ce qui est droit, de ce qui est 
devoir. Nulle autorit^, fut-ce celle da genre humain, 
qui ne lui soit subordonn^e. Nulle v^rit^, fut-ce celle 
(le reiistence de Dieu, qu'il o'ait droit de citer k son 
tribunal, comme suspecte, et de declarer sans avea. 

D. Mais les phiiosophes modernes sont-ils effecti* 
vement tds qu'ils pourraient T^tre d*apr^s ces prin- 
cipes? 

B. Voici le portrait qu*en fait^in de leurs chefs, J.- 
J. Rousseau. Je consultai hs phiiosophes^ et je les 
trouvai tous fierSy affirmatifs^ n* ignorant rien, ne 
prouvant mn, se moquant les uns des autres ; et$c 
'point commun a tous^ me parait le seul sur lequel its 
ont tous raison, Triomphant quand ils attaquent, ils 
sont sans vigueur en se defendant. Si vouspesez leurs 
raisons ils n'en ont que pour ditruire ; si vous comp^ 
tez les voix, chacun est riduit d la sienne ; ils ne sfac- 
cordent que^ pour disputer. A les entendre, ne les 



BD SENS COMMUN. 227 

prendrait-on pas pour une troupe de charlatans qui 
crient chacun de son cdti sur une place puhlique : 
Venez a moi^ cest moi seul qui ne trompe point ! L'un 
pretend quil ny a point de corps et que tout est en 
representation; V autre ^qu'il n'y a d' autre substance 
que la maiidre, Celui-ci avance qu^ilriy a:ni vices ni 
vertus^ et que le hien et lemal ne sont que des chimeres. 
Celui-ld que les hommes sont des loups^ et peuventse 
manger en surety de conscience. — Chacun sait hien 
que son syst^me nest pas micux fond^ que les autres, 
mais il lesoutient parce qu'il est d lui. II n'y a pas un 
seul qui venant a decouvrir le vrai et le faux^ ne 
priferdt le tnensonge qu'il a trouv^, d lavMte dicoU" 
vertc par un autre, — Oil est le philosophe qui pour 
sa gloire ne trompcrait volontiers tout le genre humain 
{Emile) ? 

D. Rousseau esNil le seul qui juge de la sorte les 
philosophes de son temps ? 

R. Voltaire les juge comme Rousseau I hcommencer 
par Rousseau lui-m^me. 

D. Qu*est-ce qu'il dit du philosophe de Geneve ? 

R. Void ses gracieuses paroles. Vauteur de la 
Nouvelle lUloise nest quun polisson malfaisant; cet 
archifou ecrit eontre les spectacles apres avoir fait 
une mauvaise comidie. II icrit eontre la France qui 
le nourrit. II trouve quatre ou cinq douves pourries 
du tonneau de Diogknei, il se met dedans pour aboyer, 
— J* ignore comment vous avez appele du nom de 
grand homme un charlatan qui nest connu que par 
des paradoxes ridicules et une conduite coupable 
(Corresp. t. 20, lett. 85J. 

D. Ce que le mtoe Voltaire dit de see contempo 



228 CATEGHISHB 

rains en g^n^ral, est-il de la m^me urbanity ? 

R. II (^crivait k son ami d' Alembert : Paris abonde 
de barhauilleurs de papier; mais de philosophes ^lo^ 
quents, je ne connaii que vous et Diderot. II n'y a que 
vous qui icriviez toujoUrs bien, et Diderot parfois : 
pour moije ne fais plus que des coionneries, — En 
vMti, man cher phihsophe, je ne connais gukre que 
vous qui soit clair^ intelligible, qui emploie le style 
convenable au sujet, qui n*ait un enthousiasme obscur 
et confus^ qui ne cherche point a traker la physique 
en phrases poitiques^ qui ne se perde point en des 
systimes extravagants, — Noils sommes dans la fange 
des sikcles pour tout ce qui regarde le bon goUt. Par 
quelle fatalit^ est'-il arrivi que le sikcle oil Von pense 
soit celui ou Von ne sait plus ecrire ? Notre nation est 
trop ridicule. Buffbn s'est dicriditi d jamais avecses 
moUcules organiques , fond6s sur la pritendue expe- 
rience d'un malheureux j^suite, Je ne vois partout 
que des systbmes de Cyrano de BergeraCy dans un 
style obscur et ampouU, En vMti , il ny a que 
vous qui ayez le sens commun, Je vous embrasse 
bien tendrement , mon cher ami , vous qui empichez 
que ce sibcle ne soit la chiasse du genre humain. ' 

Ce dernier mot n'est peut-^tre pas fort propre ; 
mais c'est le mot propre de Voltaire, dans sa lettre 
du 12 d^cembre 1768. 

D. Depuis Rousseau et Voltaire, Id phiiosophie et 
les philosophes ont-ils bien change? 

R. Jusqu'k present, 11 n*y parait gufere. 

D. En dehors des ^coles catboIi(fues, quel estle 
principe fondamental que Ton pose pour base d'en* 
seignement dans les ^coles de phiiosophie? 



DU SENS GOMMUN. 229 

B. Aojourd'hui comme toujours, les philosophes 

qui ne sont pas catholiqiies posent , et poseni n^- 

cessairement pour principe fondamental de leur eo- 

seignement : Chacun pense comme il veut , et vit 

comme il pense, £t c'est entre autres le sens du 
mot ^clectisme. 

D. Ce principe est-il bien neuf ? 

B. Pas du tout : c*est une vieillerie du sophiste 
Protagoras et des autres sophisles grecs, que Socrate, 
Plftton et Aristote ont combatlns comme le renvcr- 
aement .du bon sens, et qui pour se venger du pre- 
mier lui ont fait boire la cigug. 

D. Qu'est-ce encore que ce principe? 

R. C'est encore le principe de tons les h6r6tiques, 
autrement de tous les sophistes baptises, qui ne 
cessent depuis dix-^huit si^cles de troubler, de fati- 
goer, de d6chirer TEglise de Dieu par leurs so* 
phismes, leurs artifices et leurs violences? 

D. Mais n'avons^nous pas vu , plus d'une fois , 
avec Socrate , Platon et Aristote , que ce principe 
des h^r^tiques et des sophistes conduit directement 
k la ruine de toute soci^t^ , de toute morale , de 
toate v^rit^, de tout bon sens 7 

B. iNon-seulement nous Tavons vu , mais cela 
saute aux yeux de quiconque. a des yeux pour voir; 
car c'est poser en principe Tanarcbie meme. 

D. Y a-t*-il des gouvernements qui permettent 
aux sophistes modernes d'enseignor ces principes 
subversifs de tout gouvernement, de toute soci^t^? 

R. Q y a des gouvernements qui non»seulement 
le permettent aux sophistes de toute esp^ce , mais 
qui les peyent pour cela. 

21*. 



23) CATEGinSMC 

D. Mais quelle est done la doctrine de ces gou* 
vernements m^mes? 

R. La doctrine de ces gouvernements est de n' avoir 
aucune doctrine: ce qui dans lefond revient k ce prin- 
cipe des sophistes : chacun pense comme il vent, et 
vit comme 11 pense. 

D. Pour 6tre consequents k eux-mtoes, ces gon- 
vernements ne doivent-ils pas r6compenser les616ves 
qui mellent en pratique ce que les professeurs ieur 
ertseignent en th^orie. 

R. lis le doivent sans aucun doute, s'ils veulent 
^tK consequents. 

D. Le fonl-ils toujours I 

R. Non pas ; ils recompensent les professeurs de 
ce quMls enseignent aux ei^ves, et ils punissent les 
ei^vesdece qu'ilsfont ce que les professeurs Ieur en- 
seignent; par exempU, les professeurs enseignent 
qu'il n'y^ a point de loi pour les esprits et les id^es; 
les ei^ves en conduent , et avec justice : done et k 
plus forte raison, n'y a-t-ii pas de loi pour les corps 
ni pour les choses, et je puis tuer ou voter en stkrete 
de conscience, d'apr^s la doctrine que m'enseigae 
le professeur officio! pay^ pour cela p^ le gou- 
vernement. Toutefois qu'arrive-t-il ? il est tel gouver- 
nement qui enverra le professeur h la cfaambre des 
magnats» et relive au bagne des forgats. 

D. Comment lessophistes appelent-ilscette maid^re 
de gouverner ? 

R. II appellent cela de la haute politique, it la 
politique lib^rale, raison d'Etat, secret d'Etat. 

D. Que vous semble-t-il d'ltn pareil secret 7 

I^ A mon avis, c'est le secret de se i«ndi^ toi- 



DD SSNS COMMUN. 25d 

m^me odieux et digne de p^rir. 

D. Peut-on s'6tonner alors que tant dc gouverne- 
ments chanc^lent el tombent! 

R. II faut s'^tonner p1ut6t qu'il ne tombent et ne 
disparaissent pas plus vite. 

D. Finalenient, ou est la veritable soci6t6? 

R. Comme il n'y a de soci<^t^ qu'entre les intelli- 
gences, et que TEglise catholique seule offre aux in- 
telligences un lien commuo, une croyanee commune, 
il s'ensuit qu41 n'y aet ne peut y avoir de soci^t^T^ri- 
table que TEglise catholique. 



FIN.